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Grand Angle

Coronavirus : Chefchaouen, un joyau historique et touristique qui se meurt

Au Maroc ou à l’étranger, ses rues chargées d’histoire fascinent et attiraient les touristes. Mais depuis la pandémie du nouveau coronavirus, la ville de Chefchaouen dont l’économie repose particulièrement sur ces atouts est en crise.

Publié
Photo d'illustration / DR.
Temps de lecture: 4'

Riche de son patrimoine historique et architectural, la ville de Chefchaouen tente tant bien que mal de résister aux impacts de la pandémie du nouveau coronavirus. Dans une ville qui repose principalement sur le tourisme, le opérateurs décrivent «une situation économique et sociale difficile», avec «plus de 70% d’hôtels fermés», sans oublier les restaurateurs et les commerçants touchés par cette onde de choc.

Opératrice hôtelière à Chefchaouen, Sanaa décrit auprès de Yabiladi une situation «catastrophique». «Beaucoup de réservations annulées à la dernière minute. Même si nous faisons des réductions inédites, très peu de personnes sautent le pas», déplore-t-elle. Elle rappelle qu'en temps normal, «près de 70% des touristes à Chefchaouen viennent de l’étranger». Une clientèle qui a disparu depuis la suspension des voyages internationaux en mars.

Des structures touristiques pratiquement à l’arrêt

La responsable hôtelière souligne ainsi que seul le tourisme national aurait permis une reprise. Mais «les familles marocaines optent pour des appartements ou des maisons à louer plus que les hôtels».

Plus que «le faible pouvoir d’achat» chez nombre de compatriotes, les mesures gouvernementales «prises à la dernière minute» sont également pointées du doigt par Sanaa. «On décide de la fermeture de villes voisines dont on peut recevoir le plus de clients, comme Tanger ou Tétouan et la mesure prend effet quasiment dans l’immédiat», fustige la responsable hôtelière.

Les annonces brusques ou parfois même contradictoires, «laissent au dépourvu le peu de visiteurs potentiels, inquiets de rencontrer des difficultés de déplacements à l’aller ou au retour». Selon Sanaa, «certains clients font demi-tour, au niveau des autoroutes ou des routes nationales, malgré leur réservation». Prisés pour leur cadre cozy, les petits hôtels comme celui de Sanaa souffrent, au point de ne plus savoir s’ils pourront verser des salaires à leurs travailleurs.

«Nous sommes une petite structure, avec une capacité d’accueil de 10 à 15 personnes. Lors des périodes d’occupation même à 50% ou parfois moins, nous pouvions encore avoir une petite marge bénéficiaire. Mais avec une activité au niveau de zéro depuis plusieurs mois, l'avenir est vraiment incertain.»

Sanaa

Des commerces ouverts mais peu de clients

A Chefchaouen, l’hôtellerie n’est pas le seul secteur touché par l'hémorragie. Sanaa décrit elle-même des commerces qui «ouvrent sans accueillir de clients». Certain restaurants connus «sont restés fermés malgré l’allègement des mesures sanitaires», ce qui est évocateur du degré de crise.

C’est ce que décrit aussi Saïd, propriétaire d’un restaurant traditionnel à Chefchaouen et qui se dit «dans l’incertitude». «Les autorités locales ont fait beaucoup d’efforts pour que les acteurs économiques de la ville puissent reprendre leurs activités, rouvrir et accueillir des clients dans le respect des mesures sanitaires, mais les temps sont très difficiles», reconnaît-il. Très fréquenté en temps normal, le restaurant de Saïd accueille désormais une poignée de clients les meilleurs jours».

Dans un scénario optimiste, Saïd espère une relance «l’année prochaine, voire dans deux ans, si les commerces tiennent jusque-là». «Nous essayons de vivre avec la pandémie, mais beaucoup ont été impactés : hôteliers, restaurateurs et artisans», nous déclare-t-il.

«La ville n’est pas très touchée par la pandémie, au point où on ne la ressent pas réellement, d’un point de vue épidémiologique. C’est d’autant plus une raison pour que les gens soient rassurés à l’idée de venir à Chefchaouen.»

Saïd

«Aucune activité depuis mars» pour les guides

Premier lien entre leur ville et nombre de touristes, les guides de Chefchaouen sont pour le moins désorientés. Parmi eux Abdeslam El Moudden, également propriétaire d’une maison d’hôtes, estime que «la relance tant espérée par les acteurs touristiques après l’allègement du confinement sanitaire ne s’est pas encore faite sentir». Selon lui, nombreux sont les guides à ne plus avoir mené une seule visite «depuis sept mois, sans aucune autre source de revenu».

Ce n’est pas faute d’avoir pris des initiatives, puisque dans le contexte de l’urgence sanitaire en mars, Abdeslam El Moudden a participé au lancement du «Mouvement pour la promotion du tourisme dans la province de Chefchaouen». L’objectif est de «promouvoir le potentiel touristique local, pour préparer en amont une saison estivale capable de redémarrer l'activité touristique». Mais «cet élan a été cassé» avec «le dimanche soir», nous dit-il, en allusion à l’annonce de la fermeture des huit villes les plus touchées par la covid-19, à quelques jours de l'aïd al-Adha.

Pour Abdeslam El Moudden, cette mesure «aura été le tombeau de la reprise du secteur». Vice-président de l’Association régionale des guides de tourisme de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, notre interlocuteur reste aussi dubitatif sur le retour des voyageurs étrangers dans sa ville, avec la récente ouverture des vols spéciaux aux touristes venus d’ailleurs.

Abdeslam El Moudden souligne que pour garder en vie le secteur touristique local jusqu’à sa reprise, une première opération d'aides de l’Etat a bénéficié aux structures hôtelières classées. «Sauf qu’une importante partie des établissements touristiques de Chefchaouen ne l’est pas et donc peu en ont bénéficié», affirme-t-il. Il s’inquiète ainsi que «ceux n’ayant pas été concernés par la deuxième campagne d’aides finissent par être rattrapés par une crise plus accrue». Les nuages gris de la crise s'amoncèlent de manière menaçante au dessus de la ville bleue.

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