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Grand Angle

Kénitra : Les ouvriers des usines de câblage seuls face au nouveau coronavirus

Faute de mesures préventives, la pandémie du nouveau coronavirus se propage à grande vitesse dans les usines de câblage de la province de Kénitra. Travaillant directement avec des cas contacts, des ouvriers auraient été menacés de licenciement ou virés, pour avoir exigé des tests PCR.

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Photo d'illustration / DR.
Temps de lecture: 3'

Voulues comme un hub du développement de l’industrie automobile, les unités de câblage de voitures dans la province de Kénitra sont-elles devenues des usines de propagation de la covid-19 ? Ces dernières semaines, nombre d’ouvriers dans pas moins de trois entreprises auraient montré des symptômes du nouveau coronavirus, mais très peu ont été testés. Il y a quelques jours encore, ils ont manifesté sur leur lieu de travail, face au refus de leurs employeurs d’élargir le dépistage.

«Il y a eu plusieurs manifestations spontanées, surtout depuis que les ouvriers ont commencé à réaliser qu’ils travaillaient dans la promiscuité, avec des cas contacts qui n’ont pas été soumis aux tests, dans des espaces qui manquent considérablement de mesures sanitaires contre la propagation de la pandémie», confirme à Yabiladi Abderrafiî El Khattabi, secrétaire général des syndicats de la province de Kénitra, au sein de l’Union marocaine du travail (UMT).

Beaucoup de cas suspects et peu de dépistages

Le syndicaliste affirme que les espaces en question «ne sont concernés ni par les mesures de distanciation requises, ni par la désinfection régulière exigée, ni la distribution d’équipements de protection, de masques ou de gel hydroalcoolique, sans parler de l’aération naturelle». Face aux conditions de plus en plus problématiques, des travailleurs ont «réclamé à leurs employeurs des dépistages, ce qui a été systématiquement refusé par motif que l’opération serait trop coûteuse, vu le nombre de salariés qui devront être soumis aux tests».

Après une forte propagation du virus, les entreprises se sont trouvées dans l’obligation d’effectuer quelques dépistages, «qui ont confirmé les craintes des ouvriers», selon Abderrafiî El Khattabi.

«Il y a tout juste quatre jours, 165 cas ont été identifiés au sein d’une seule unité parmi les trois principales, près de 35 dans une deuxième et 70 dans une troisième, sachant que ce ne sont que les chiffres que nous avons pu obtenir.»

Abderrafiî El Khattabi

En plus de ne pas avoir inclus l’entourage proche des travailleurs, dans leurs domiciles ou leurs quartiers, cette opération ne se serait pas faite sans représailles. En effet, le syndicaliste fait état de témoignages d’ouvriers licenciés ou menacés de licenciements. «Depuis juillet, nous avons comptabilisé au moins 120 personnes remerciées sans motif sérieux», affirme-t-il.

Le licenciement, épée de Damoclès sur la tête des ouvriers

«Les familles et les ouvriers souffrent en silence pour la plupart, car ceux qui en parlent sont menacés et ceux qui refusent de travailler dans ces conditions sont mis à la porte», selon El Khattabi, qui dénonce «une large impunité» dans les administrations des unités en question.

«Ces lieux illustrent des situations d’esclavage moderne, avec des responsables au-dessus de la loi. Comme dans toutes les provinces et communes, il existe un comité de vigilance, avec des inspecteurs du travail. Mais même s’ils se rendent sur les sites pour rencontrer des responsables, ils ne peuvent pas accéder à l'intérieur.»

Abderrafiî El Khattabi

Pourtant, le responsable syndical affirme que pour Kenitra comme dans le cas de Lalla Mimouna, «les autorités compétentes ont été alertées des infractions aux règles sanitaires, avec une recommandation d’intervenir pour limiter la propagation de la pandémie avant qu'il ne soit trop tard».

Abderrafiî El Khattabi déplore des situations similaires également au sein des centres d’appel de la province, où «le télétravail continue d’être refusé aux salariés, dont la présence physique n’est pas vitale». «Dans l’industrie, dans l’agriculture et même dans les services, les plus précaires sont contraints de se déplacer et d’être au poste, malgré les risques, s’ils ne veulent pas perdre leurs emplois», alerte le syndicaliste.

Article modifié le 09/09/2020 à 22h00

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