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Grand Angle

Diaspo #158 : Rachid El Fatimy, de la passion pour la recherche à la médecine du futur

Chercheur au sein de l’université de Harvard, Rachid El Fatimy vient de rejoindre l’Université Mohammed VI plytechnique (UM6P) au Maroc. Il met en place des programmes dans le domaine de la santé, visant à améliorer l’accès et la qualité des soins des cancers, ou encore de l’Alzheimer.

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Rachid El Fatimy
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Né à Tinghir, Rachid El Fatimy a quitté le Maroc à l’âge de six ans, pour rejoindre son père en France, dans le cadre d’un regroupement familial. Aîné de trois frères et de trois sœurs, il a développé sa passion pour les sciences au lycée. A Montpellier, il effectue ses études jusqu’au baccalauréat, avant de continuer ses études à Paris. «Mon père était ouvrier dans le bâtiment, travaillait dans la plomberie et la maçonnerie, et ma mère s’occupait de nous à la maison», se souvient-il.

C’est ainsi que pour cette mère de sept enfant, il était important que tous aient accès à des études supérieures. «A travers nous, ma mère obtenait les diplômes qu’elle n’avait pas pu obtenir, vu la situation du développement dans le sud-est du Maroc des années 1960», rappelle Rachid. En plus de cultiver sa curiosité pour les sciences à l’école, c’est dans cet entourage familial qu’il développe aussi cet intérêt, à travers un proche qui était physicien.

«J’entendais toujours parler de physique théorique. J’ai découvert plus tard la biologie au lycée et il se passait beaucoup de choses dans la biologie moléculaire à ce moment-là, donc l’idée a commencé à murir en moi pour faire de la recherche dans ce domaine, où l’on utilise physique et biologie en même temps.»

Rachid El Fatimy

Des recherches biomédicales entre la France, le Canada et les Etats-Unis

Rachid est marqué également pas ses années d’études à Paris : «Des enseignants m’ont donné également l’envie d’approfondir mes recherches, notamment mon directeur de thèse à l’Ecole normale supérieure à Paris, où j’ai travaillé sur le développement du cerveau et la réponse au stress». Il dit sa fierté d’avoir fait partie du premier groupe de chercheurs à montrer les effets de l’alcool sur le développement du cerveau, en expliquant comment le stress alcoolique perturbait la migration des neurones dans le cerveau. «C’est un rêve d’enfant qui n’était pas forcément accessible, vu la trajectoire de l’émigration post-coloniale, mais je ne l’ai jamais abandonné», nous confie-t-il.

Une trajectoire migratoire différente pour Rachid El Fatimy, qui passera deux ans et demi de recherche postdoctorale au Canada, au sein de l’Université de Laval. Il y a travaillé sur des thématiques liées aux perturbations des connexions neuronales, pour mieux comprendre les dérégulations du cerveau et le retard mental.

A partir de 2013, il se voit proposer un poste à Boston et s’installe donc aux Etats-Unis. «J’ai rejoint Harvard en tant que jeune chercheur, puis j’ai travaillé sur le cancer du cerveau et de l’Alzheimer. J’ai rejoint l’UM6P aussi, mais je finalise encore des travaux de recherche à Harvard», souligne-t-il. En effet, les recherches de Rachid ont obtenu une distinction à Harvard, dont la célébration est prévue le 14 septembre. Les études récompensées ont porté sur le rôle des ARN non codants dans le cancer du cerveau.

«Nous avons proposé une voie thérapeutique par le biais d’une approche de l’édition des génomes, qui a été brevetée. Nous avons montré aussi que l’augmentation d’un petit ARN dans le cerveau permettait d’améliorer l’état des malades d’Alzheimer. Nous essayons de développer des molécules pour des traitements.»

Rachid El Fatimy

Pour Rachid, ce domaine de la recherche biomédicale constitue «la médecine du futur et de pointe». Il «permet de comprendre les mécanismes d’une maladie pour jouer sur l’expression des génomes pour les remettre en bon état», selon lui. «Je n’ai pas l’impression que ce soit un domaine où l’on s’investit beaucoup au Maroc, à cause du coup et du matériel nécessaire. Mais nous gagnerons beaucoup à étudier ces thématiques, afin d’améliorer l’accès aux soins, notamment dans le traitement des cancers dans le pays», ambitionne-t-il.

Populariser les sciences chez les jeunes des régions rurales

Ces traitements restent encore chers aujourd’hui. Mais sur le long terme, ils pourraient constituer «une révolution de la médecine», espère le chercheur. C’est dans ce cadre qu’il mène d’ailleurs ses recherches à l’UM6P, où il travaille notamment sur des thématiques des ARN non codants.

Son ambition est ainsi de développer ces recherches au Maroc pour en faire des outils médicaux, mais il prévoit aussi de monter une start-up sur les besoins immédiats de la recherche dans le pays, notamment pour la fabrication d’anticorps pour les hôpitaux.

Autre ambition pour Rachid El Fatimy : sortir les sciences de leur tour d’ivoire, de leurs laboratoires de recherche froids et de leurs structures austères. Rêvant de dupliquer une initiative qu’il a menée à Paris, au Canada et à Boston, il aspire à «sensibiliser les lycéens et les jeunes étudiants à la recherche scientifique, en les intéressant à ces domaines d’études, à travers des tours dans les établissements scolaires». Il ambitionne également de créer «des bibliothèques du savoir», comme cela a déjà été supervisé depuis Paris pour les villages autour de Tinghir, avec l’association Palmiers et Savoir.

Son idée est de «mettre en place une petite médiathèque, en plus d’un festival de sciences, pour aider les enfants et les jeunes à créer des outils scientifiques et faire des expériences qui les émerveillent, leur permettant d’apprendre et de s’amuser». «Nous impliquons des professeurs pour que les appareils fabriqués bénéficient aux enfants dans les régions rurales», décrit-il avec les yeux pleins d'espoir pour les nouvelles générations.

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