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Grand Angle

Coronavirus au Maroc : Pour une prise en charge adaptée de la deuxième vague

Face à la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus au Maroc, Dr. Ahmed Rhassane El Adib recommande d’atténuer la saturation du système hospitalier qui se profile, à travers des réactions ciblées. Professeur en anesthésie et réanimation au CHU de Marrakech, il estime que la deuxième vague nécessite un traitement différent de la première.

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Photo d'illustration / DR.
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Au Maroc, la seconde phase épidémiologique de la pandémie du nouveau coronavirus se distingue par une augmentation rapide des décès, la recrudescence du nombre de patients en état critique et une pression grandissante sur le système de santé. Professeur en anesthésie et réanimation au CHU Mohammed VI de Marrakech, Dr. Ahmed Rhassane El Adib alerte dans un écrit sur le nombre de cas pris en charge à un état avancé qui risque d’évoluer encore, faute de plan national pour limiter cette tendance.

Le praticien déplore notamment que «les procédures de diagnostic, de traitement et de suivi des patients» ne soient plus adaptées à la situation actuelle. Ceci s’explique, entre autres, par «une difficulté d’accès aux tests pour les patients symptomatiques avec retards des résultats» et à un suivi non optimisé des patients et des contacts.

Réorganiser la stratégie nationale en fonction des données actualisées

Pour Ahmed Rhassane El Adib, la stratégie adaptée à la deuxième phase de l’épidémie «doit s’articuler autour de quatre axes fondamentaux : la prévention, le diagnostic, le traitement et la gouvernance». Il estime nécessaire d’«éviter la création de lieux de contagion au sein du système de santé», en «privilégiant la téléconsultation et la télémédecine, et en renforçant les centres d’appels notamment les SAMUs, en ressources humaines et en procédures claires, avec des circuits tenant compte des spécificités régionales».

Au niveau du diagnostic, il plaide pour «augmenter d’avantage la capacité en tests RT-PCR avec une distribution territoriale en fonction de la situation épidémiologique permettant leur rationalisation, le diagnostic précoce des malades, et la rapidité des résultats».

«Il faut avouer que les chiffres annoncés quotidiennement sont conditionnés par le nombre de tests effectués et donc ne reflètent pas la réalité de la situation épidémiologique, puisqu’énormément de patients n’ont pas accès aux tests ou évitent de se faire tester.»

Dr Ahmed Rhassane El Adib

Dans le même sens, «le nombre de patients sévères et critiques déclarés ne reflète aucunement le nombre réel, puisque la majorité des patients hospitalisés dans les services de soins intensifs et réanimation Covid sont hospitalisés sur des critères cliniques, voire scanographiques, avant la réalisation des tests ou même si les résultats sont négatifs», souligne-t-il.

Pr. El Adib souligne que le nombre de tests ne peut augmenter sans une production nationale de tests PCR, l’ouverture de nouveaux laboratoires, ou encore la mise à disposition de «laboratoires mobiles et mobilisables dans les zones à forte épidémie», de manière à «accélérer les résultats des patients présentant des symptômes».

Quant aux tests sérologiques rapides, «ils ne sont pas valables pour le diagnostic initial», selon le médecin, qui rappelle que «leur résultat est négatif si le patient est dans les premiers stades de la maladie». Il rappelle ainsi qu’«ils ne peuvent être utilisés que pour les patients qui consultent tardivement, comme les patients en réanimation par exemple (…) ou dans le cadre du dépistage dans certaines professions», rejoignant les recommandations des médecins réanimateurs à ce sujet.

Un meilleur ciblage des traitements précoces

Compte tenu de l’évolution épidémiologique actuelle, le professeur appelle à «traiter immédiatement chaque personne présentant des symptômes grippaux ou respiratoires, sans se focaliser sur les tests», ce qui n’est pas encore le cas, menaçant d’une plus forte augmentation de la mortalité. Pour éviter cette situation, le médecin préconise l’instauration de modalités de traitement précoce, impliquant des praticiens de premier recours, dans le public et le privé, pour uniformiser le traitement selon un protocole national.

Pr. El Adib appelle également à une implication plus directe des cliniques privées dans la prise en charge des patients, conformément à des conditions définies en termes d’accès à la santé, surtout dans les régions qui connaissent une capacité limitée en soins intensifs.

«Avec les 200 médecins réanimateurs anesthésistes et médicaux du secteur public, déjà mal répartis au niveau national, certaines régions vont avoir des difficultés insurmontables pour la prise en charge du Covid, du non Covid, dans les maternités, urgences, chirurgies…»

Dr Ahmed Rhassane El Adib

Face aux ressources humaines limitées, la préservation des professionnels de la santé revêt doublement un aspect prioritaire. De ce fait, le médecin prône une protection au maximum, de façon à «s’en occuper rapidement et correctement s’ils contractent la maladie et les accompagner pour récupérer rapidement leur santé et leurs postes». Dans le même sens, il rappelle l’importance de «s’appuyer sur les recommandations et les protocoles scientifiques et contextualisés à notre pays, élaborés par les experts des sociétés savantes nationales».

«Je donne juste l’exemple de la polémique actuelle concernant la rentrée scolaire, où la démarche devait se baser d’abord, sur un avis scientifique médico-psycho-social (comme élaboré par nos sociétés savantes nationales des sciences médicales, de pédiatrie et de pédopsychiatrie), et l’application par une adaptation territoriale, en fonction de la situation épidémique de chaque localité», rappelle le médecin.

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