Hier, dimanche, le leader du parti autrichien d’extrême droite [FPÖ] Heinz-Christian Strache a souhaité «s'excuser pour [le] contenu et la formulation» de son affiche de campagne, selon AFP. En effet, dans le cadre des municipales à Innsbruck [Ouest de l'Autriche], FPÖ affichait le slogan : «L'amour de la patrie plutôt que des Marocains voleurs». Suite à des plaintes, le parquet d’Innsbruck avait ouvert une enquête contre FPÖ pour «incitation à la haine». La diplomatie marocaine en Autriche était montée au créneau en saisissant les autorités du pays pour que justice soit faite.
Ces excuses arrivent au lendemain de la rencontre du ministre délégué auprès du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, Youssef Amrani, avec l’ambassadeur d’Autriche à Rabat. M. Amrani a convoqué Wolfgang Angerholzer pour lui faire part de «l'indignation du royaume et de sa dénonciation de cet acte xénophobe», indique un communiqué du Ministère. Il a appelé les autorités autrichiennes à prendre les «mesures appropriées pour assurer, comme il se doit, la protection de la communauté marocaine résidant en Autriche contre toutes formes de stigmatisation et de comportement racial et ce, en toutes circonstances».
«Ce n’est pas la mentalité des Autrichiens»
«Je suis très content que M. Heinz se soit excusé. Il a réalisé qu’il a fait une erreur, déclare à Yabiladi M. Haffner, conseiller à l’Ambassade d’Autriche à Rabat. C’est la seule chose positive que je peux dire à ce sujet, poursuit-il. Les affiches sont en train d’être retirées. Il y en avait beaucoup, tout ça ne peut être fait en une nuit». Le diplomate regrette l’acte du parti libéral. «Je suis très gêné de cette incident parce que ce n’est pas dans la mentalité des Autrichiens d’agir ainsi. Ce sont les partis politiques qui font ce genre de choses.»
C’est bien, mais pas satisfaisant...
«Nous ne pouvons que nous féliciter de cette issue, déclare Ali El Mhamdi, Ambassadeur du Maroc à Vienne. L’excuse s’analyse en droit comme la reconnaissance d’une faute. Il a reconnu avoir commis une faute à l’égard du Maroc et des Marocains. C’est une bonne chose. Mais sommes-nous satisfaits pour autant? : Non !», s’insurge-t-il.
«Je suis en train de réfléchir à pourquoi les Marocains ?, s’interroge M. Mhamdi. Il y a en Europe d’une part, une peur de l’islam irrationnelle et totalement inexplicable et d’autre part l’exploitation politicienne de cette peur, son instrumentalisation. Hier le musulman était terroriste, criminel,… Ailleurs c’est la burqa ou encore le halal. Puisqu’ils n’ont pas eu autre chose, Ils ont trouvé la délinquance. Le parti d’extrême droite est dans l’outrance et la haine. Et dans cette logique, il n’y a pas de morale. En tant que diplomate je ne peux pas combattre l’amalgame et y participer», défend M. Mhamdi. «Nous avons eu le soutien des autorités qui nous ont fait part de leur indignation confie-t-il. Les grandes affiches ont été retirées hier. Je fais confiance aux autorités pour que cet incident soit clos au plutôt. En tout état de cause, l’Etat marocain se porte partie civile car nous considérons que c’est un dommage qui doit être réparé».
Pour le Docteur Hamid Lechhab, président de l’association des Marocains dans le pays germanophones, ces excuses viennent «trop tard». «C’est un jeu du parti d’extrême droite qui n’est pas acceptable, affirme-t-il à Yabiladi. On ne peut pas poser des actions qui touchent à la dignité des gens et s’excuser. C’est trop simple.»
«Trop exagéré»
En dépit des excuses, le parti politique ne dément pas les accusations portées contre les Marocains de la ville de l’Ouest. C’est «un fait qu'à Innsbruck (ouest de l'Autriche) la scène criminelle est massivement marquée par des immigrés d'origine marocaine», a affirmé le secrétaire général du FPÖ, Herbert Kickl. Le leader du parti quant à lui a souligné qu'il était «très sérieux» vis-à-vis des choses dites dans son slogan.
A cela, Hamid Lechhab répond : «c’est trop exagéré ! Il y a de l’amalgame dans tout ça». «Je ne nie pas qu’il y ait des problèmes. Il y en a, mais ce n’est pas si grave que cela. La plupart [des Marocains résidant dans cette ville] sont des jeunes, fait-il remarquer. Ils tentent leur chance en Italie. Quand ça ne marche pas, ils viennent en Autriche et on les garde même s’ils n’ont aucun statut. Chaque fois qu’il y a des élections, on frappe dessus».
«Pour moi, en tant que responsable d’association, c’est quelque chose qui ne devrait pas être pris de cette manière, déplore M. Lechhab. Ils n’ont aucun statut. Ce problème, on l’a déjà constaté. On avait à cet effet contacté les responsables de la ville d’Innsbruck et les autorités marocaines. Mais aucune solution n'a été proposée. C’est purement idéologique pour les partis politiques de prendre ces gens comme bouc émissaires. Ils sont lésés par les autorités marocaines et autrichiennes».