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Grand Angle

Coronavirus : L’inquiétante situation au CHU Mohammed VI de Marrakech

A Marrakech, personnel médical et syndicat du CHU Mohammed VI ne cachent plus leur inquiétude quant à la situation de cette infrastructure hospitalière vitale pour la ville ocre et sa région, dénonçant l’absence de mesures barrières, de matériels de protection et d’orientation des patients, dans le contexte de la pandémie, alors que 30 membres du personnel auraient été testés positifs à la covid-19.

Publié
Le CHU Mohammed VI de Marrakech. / MAP
Temps de lecture: 3'

Alors que le nombre de cas du nouveau coronavirus s’accélèrent ces derniers jours au Maroc, les centres hospitaliers universitaires (CHU) et hôpitaux du royaume, dépassés, doivent en plus lutter contre la propagation du virus en leur sein. Après ceux de Tanger et de Fès, c’est autour du CHU de Marrakech d’attirer l’attention des responsables de la Santé au niveau régional et même national.

En effet, des sources médiatiques ont évoqué cette semaine une situation difficile que traversent cette infrastructure hospitalière et son personnel médical. Des sources syndicales alertent sur une trentaine de cas confirmés parmi le personnel de santé du CHU Mohammed VI.

Un CHU en libre accès, sans mesures barrières

Contacté par Yabiladi ce jeudi, Imad Soussou, vice-président de FNS-UMT au CHU Mohammed VI de Marrakech, revient sur la situation de l’infrastructure hospitalière ces derniers jours, à l’origine d’une hausse des cas parmi le personnel médical. «Il n’y a pas de mesures barrières dans le CHU. Lorsqu’un patient, un accompagnant ou n’importe qui se rend dans les urgences, il n’y a pas non plus de tri ou d’orientation, de distanciation sociale ou de prise de température corporelle», dénonce-t-il.

«Vous pouvez ainsi être soumis à cette prise de température dans une boutique ou un centre commercial mais pas au CHU», regrette-t-il. De même, l’infrastructure hospitalière soufrirait d’une pénurie de «moyens pour désinfecter le matériel dans les urgences et les services».

«Lorsqu’un patient est dans un état fébrile, nous n’avons pas d’unité d’isolement en attendant de confirmer son cas, dans le contexte de cette pandémie. Il entre ainsi en contact avec d’autres patients aux urgences et dans les différents services», regrette un médecin du CHU, sous couvert d’anonymat. «Dans mon service, il n’y a pas de personnes chargées de la stérilisation du matériel. Ce sont les médecins eux-mêmes qui le font, et souvent, ils oublient», nous confie ce dernier.

«Nous nous posons la question de savoir si la direction du CHU est au courant de ce qui se passe. Aucun responsable ne m’a rendu visite dans mon service chargé des cas Covid+ pour s’enquérir de la situation sur place.»

Médecin au CHU de Marrakech

Et de dénoncer également «des responsables donnant des accords pour prendre en charge des patients sans même connaître la situation sur le terrain».

Pour sa part, une infirmière au CHU de la ville ocre confirme aussi, à demi-mot, la défaillance constatée par son collègue. «Il y a des cas testés positifs parmi le personnel du service des urgences du CHU», lâche-t-elle, sans donner plus de détails.

Le risque d’un foyer hospitalier à l’image du CHU de Fès

D'autres facteurs semblent avoir aggravé cette situation. Pour Imad Soussou, le bureau syndical a constaté notamment «l’absence d’une commission scientifique et de stratégie claire» ou encore de «comités de veille qui existent dans des entreprises mais pas au CHU». «Ils déclarent un hôpital du CHU comme étant réservé aux cas Covid+, avant de le considérer plus tard comme ne faisant plus partie des centres dédiés à ces cas. Cela est-il logique de maintenir cette distinction ? Pour nous, tout cas est suspecté d’être un Covid+ jusqu’à preuve du contraire», ajoute-t-il. Et de regretter que «les hôpitaux dits non-Covid ne bénéficient pas de matériels pour protéger le personnel».

«Le personnel hospitalier travaillant dans les unités Covid est fatigué et travaille depuis février sans relâche Il n’y a pas de système de rotation ni de gestion des ressources humaines, car le CHU est incapable de gérer cette question. Nous sommes arrivés au bout et nous nous dirigeons droit dans le mur.»

Imad Soussou

Le syndicaliste affirme enfin avoir «dénoncé cette situation à maintes reprises, en adressant des lettres et des correspondances à la direction du CHU et aux responsables mais rien n’a changé». «Nous avons peur que le CHU ne se transforme en foyer du coronavirus, avec des patients sains qui peuvent sortir avec une infection au Covid-19», alerte-t-il. Une situation qui s’est produite, d’ailleurs, à Fès, avec plus de 60 infections parmi le personnel du CHU de la capitale spirituelle du royaume.

Contactée par Yabiladi ce jeudi, la direction de communication du CHU de Marrakech nous déclare que «les données concernant le nombre de cadres doivent être communiquées par le coordinateur de l’unité Covid et la direction générale du CHU». «Nous ne pouvons pas nous prononcer sur cette question», nous répond-t-on.

Quant à l’absence des mesures de distanciation physique et des moyens de protection, comme le gel hydroalcoolique et le savon, notre source préfère modérer, estimant que ces constats sont «dépassés». «Nous sommes dans un état critique de la pandémie au Maroc. Cela reste valable pour tous les autres hôpitaux», déclare-t-elle sans ambages, avant d’estimer que «les gens écrivent n’importent quoi».

Hier, dans un communiqué évoquant 118 infections au Covid-19 parmi leurs rangs, le Mouvement des infirmiers et des techniciens de santé au Maroc (MITSAM) a rapporté, pour sa part, que «15 infirmiers polyvalents, 4 sages-femmes, 3 infirmières anesthésistes et deux techniciens de santé» à Marrakech ont été atteints du coronavirus depuis le début de cette pandémie.

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