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Grand Angle

Maroc : La protection des parcs nationaux, victime du flou législatif et administratif

La question de la protection des parcs naturels, particulièrement ceux riches en ressources hydriques, devient une urgence environnementale dans un pays menacé par la sécheresse, comme le Maroc. Cependant, l’application de mesures efficientes à cet effet se confronte à un déphasage législatif, selon la Cour des comptes.

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Photo d'illustration / DR.
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Au Maroc, la protection des parcs nationaux est une question saillante, dans une région élargie qui se confronte particulièrement aux effets des changements climatiques, notamment à travers l’espacement des périodes pluvieuses et l’accélération de l’assèchement des zones humides. L’arsenal juridique national est doté d'outils garantissant cette protection, certes, mais ses textes sont en déphasage les uns avec les autres et les intervenants institutionnels sont multiples. Ces deux considérations à elles seules ont de lourdes conséquences sur la conservation effective de ces espaces, avertit la Cour des comptes.

Publié mercredi par l’institution, un rapport relatif à l’évaluation de la gestion des parcs nationaux traite l’ensemble de ces failles. Il épingle le Maroc sur différentes limites organisationnelles et législatives garantissant la pérennité de ces espaces. Au niveau des engagements internationaux du pays, la Cour des comptes souligne d’emblée que malgré la signature des conventions onusiennes sur la protection de l’environnement en 1975 et 1995, l’application de leurs orientations par le royaume a essuyé un grand retard.

En témoigne ainsi la ratification de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) en octobre 1976, mais son adoption qui n’a pris effet qu'en 2011, avec la publication de la loi 29.05.

Des définitions imprécises et un retard dans l’application des lois

Bien avant cette date marquée par le vote d’une réforme constitutionnelle qui consacre les droits environnementaux, le Maroc a adopté en 2003 la loi n°11.03 pour la protection et à la mise en valeur de l’environnement, énonçant les principes de la préservation de de la biodiversité. En 2014, le pays a aussi promulgué une charte nationale de l’environnement et du développement durable, reprenant les principes généraux de ladite loi.

Dans son article 3, ce texte prévoit que «tout citoyen et citoyenne a le droit de participer au processus de prise de décisions susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement». Cependant, «aucune indication sur les processus relatifs à cette participation n’y figure», souligne la Cour des comptes. Aussi, le processus législatif et institutionnel reste «lent et peu précis», selon le rapport, qui pointe un «déphasage entre les dates des lois et la date de leurs promulgations».

Source : Cour des comptesSource : Cour des comptes

Dans le même sens, la Cour des comptes souligne que plusieurs textes législatifs relatifs à l’environnement et à la biodiversité dépendent de textes d’application réglementaires «qui tardent à être élaborés, ce qui impacte négativement leur application, comme c’est le cas de la loi 22.07 [relative aux aires protégées, ndlr]», entre autres.

Par ailleurs, une importante partie des nouveaux textes en la matière «indiquent que leur application est du ressort de «l’administration compétente» et que celle-ci sera fixée par voie réglementaire. Or, cette désignation ne se fait pas automatiquement ce qui engendre un retard dans l’application de la loi», souligne le rapport. Le retard pris sur plusieurs années pour l’adoption de décrets d’application de lois en matière d’environnement est souvent lié à «un manque de concertation entre les départements concernés par les aires protégées», à savoir ceux des eaux et forêts, la pêche maritime, l’équipement et le domaine maritime, notamment au sujet de la définition de «l’administration compétente».

Par conséquent, la Cour des comptes soulève l’existence d’«un vide juridique en matière des actions de création, de gestion, d’élaboration et d’adoption des plans d’aménagement et de gestion des aires protégées en général, ainsi que dans l’application de l’article 40 de la loi 22.07, relatif au classement des parcs nationaux existants dans les catégories d’aires protégées correspondantes en particulier».

Une codification rendue difficile et éparse

D’ailleurs, le rapport note «l’absence d’un code qui regroupe les textes réglementaires se rapportant à l’environnement et à la forêt afin d’en faciliter l’accès». Ce flou législatif déteint également sur les réactions aux infractions, d’autant plus que les peines prévues «sont caractérisées par leur complexité». Ceci est dû à «la diversité des textes de loi», selon la Cour des comptes, mais aussi aux procédures de poursuite et de sanctions applicables qui s’entremêlent, ou encore à «l’intervention de plusieurs acteurs et la multitude des domaines objet de ces infractions».

Dans ce sens, le rapport indique que le domaine forestier représente 75% de la superficie totale des parcs nationaux. Ces situations nécessitent l’application de textes différents, même si ces espaces revêtent la même importance, du point de vue environnemental. Le dilemme juridique est accentué par le fait que les aires protégées regroupent plusieurs catégories d’espaces, dont chacun est régi par des textes spécifiques, entre domaines terrestres, maritimes, littoraux, ou encore les eux continentales et les lieux sous terrains, comme les grottes.

Pour pallier ces disparités qui mettent à mal la protection de ces espaces de plus en plus vitaux et de plus en plus fragiles, la Cour des compte recommande notamment de «renforcer la coordination entre les différents intervenants dans la gestion des aires protégées afin d’asseoir une gestion appropriée».

L’institution préconise également d’«assurer une convergence des stratégies et programmes sectoriels en matière de biodiversité», ou encore de tenir compte des «spécificités des aires protégées en matière d’aménagement du territoire lors de l’élaboration des différents documents urbanistiques».

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