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Grand Angle

Diaspo #150 : Saeida Rouass, l'écrivaine qui redonne la vie à Jack l'Eventreur de Marrakech

Erivaine maroco-britannique au lien fort avec l'histoire marocaine, Saeida Rouass est l’auteure d’un roman intitulé «Assembly of the Dead» (Jemaâ el-Fnaa en arabe), qui reprend l'histoire de Hajj Mohammed Mesfewi. Un roman policier unique en son genre, en cours d’adaptation à Hollywood.

 
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L'écrivaine maroco-britannique Saeida Rouass. / DR
Temps de lecture: 4'

En grandissant, Saeida Rouass a toujours voulu être écrivaine. Née dans l'est de Londres dans une famille marocaine ayant quitté Larache dans les années 1960, elle n'a eu l'occasion d'explorer ses compétences en écriture et en narration qu’en commençant à voyager.

Après avoir obtenu son diplôme universitaire, la Maroco-britannique a d’abord travaillé comme enseignante. Plus tard, elle s'est lancée dans une carrière internationale, travaillant comme cheffe de projet pour diverses organisations caritatives et ONG internationales dans plusieurs pays.

C’est en travaillant à l'étranger que la Londonienne se lancera dans l'écriture. Inspirée par son séjour en Égypte, en 2010, Saeida écrit son premier roman, intitulé «Eighteen Days of Spring in Winter» (Dix-huit jours de printemps en hiver), qui raconte l'histoire d'une étudiante en littérature au Caire au milieu de la révolution égyptienne.

Après la publication de cet opus, elle est alors invitée par son éditeur à continuer d'écrire. «J'ai toujours voulu être écrivaine et j'avais cette envie naturelle d'écrire. Ce n’est que plus tard quand je vivais à l'étranger, que j’ai décidé de tenter ma chance», confie-t-elle à Yabiladi.

Sur les traces de Jack l'Eventreur de Marrakech

Alors que Saeida Rouass travaille pour un organisme caritatif spécialisé dans les questions environnementales à Oman, en Jordanie, elle tombe sur une histoire qui intriguait l'écrivaine en elle. C'était l'histoire de ce «Jack l'Eventreur marocain», tueur en série ayant vécu à Marrakech en 1906, reconnu coupable de meurtre de 36 jeunes femmes.

«Je suis tombée sur cette histoire que ce vieux journal appelait ‘Moorish Jack the Ripper’ qui tuaient des femmes dans la médina de Marrakech et cette histoire m’a parlé», se rappelle-t-elle, décrivant un récit qui combinait des éléments de deux cultures, marocaine et britannique, qu'elle connaissait.

«J'ai grandi dans l'Est de Londres et je connaissais très bien l'histoire de Jack l'Eventreur qui y opérait et c’était puissant qu'il y ait ce sosie marocain dont je n'ai jamais entendu parler», poursuit la jeune écrivaine.

Curieuse d’apprendre plus sur l'histoire du cordonnier Haj Mohammed Mesfewi de Marrakech et des tueries qu'il a orchestrées dans la ville, Saeida Rouass déménage au Maroc. «J'ai d'abord pensé que c'était une fausse histoire, mais lorsque je suis retournée à Londres pendant l'été, je suis allée à la British Library et j'ai trouvé tous que d’autres journaux relatent aussi les meurtres qui s’étaient déroulés au Maroc en 1906», explique-t-elle.

A Marrakech, Saeida a vécu six mois en essayant de collecter des documents sur les meurtres de Mesfewi et ses antécédents et à en apprendre davantage sur l'histoire de la ville. Elle a ensuite déménagé à Rabat avant de retourner à Londres en raison d'une urgence familiale.

Un récit historique, un détective et un tournant politique pour le Maroc

Inspirée par l’histoire de ce tueur en série, l’écrivaine finit alors son roman «Assembly of the Dead», où elle raconte les meurtres cruels des Mesfewi en y ajoutant un ingrédient policier. L’œuvre suit aussi l’histoire d’un enquêteur brillant qui tente de résoudre les crimes avant que Mohammed Mesfioui ne soit capturé.

Son livre, cependant, ne portait pas seulement sur la série de crimes qui avaient secoué la ville ocre à l'époque, mais aussi sur le tournant historique que traversait le Maroc. «Je voulais écrire une histoire policière dans ce contexte particulier», déclare la Maroco-britannique. «1906 est aussi l’année de la tenue de la Conférence d'Algésiras, quand l'Europe a décidé ce qu'elle voulait faire du Maroc», rappelle-t-elle. Au milieu de ce tournant politique, Marrakech traversait une période difficile.

«Alors que la ville était frappée par une invasion de criquets pèlerins, les rébellions tribales se retournaient contre le sultan à cause des pouvoirs européens et les gens avaient peur de la famine. Dans ce chaos, un homme tuait des femmes.»

Saeida Rouass

Pour l’écrivaine londonienne d’origine marocaine, il était essentiel pour elle d’«inclure aussi les femmes ciblée». «Il était important pour moi qu'elles soient aussi des personnages, et pas seulement des victimes ou un nombre sans nom», souligne-t-elle.

Saeida Rouass célébrera aussi depuis Marrakech le lancement de son roman. Plus tard, elle reçoit l'offre du producteur hollywoodien Ronald L. Carr, qui s'est intéressé aux ventes du livre.

«En 2018, j'ai fait un événement au Café Clock à Marrakech pour lancer le livre. En visitant le même café plus tard, le producteur a vu l'affiche du livre et l'a commandée. Parce qu'il travaillait sur un autre film, il n'a pas pu le lire. Ce n'est que récemment qu'il l'a choisi et s'est rendu compte qu'il pouvait travailler sur ce projet.»

Saeida Rouass

«Assembly of the Dead» pourrait ainsi être développé dans les années à venir en une mini-série avec comme personnage principal Farook Al Alami, un détective de Tanger, soit une version marocaine de Sherlock Holmes pour le drame. «Pendant cette période de l'histoire, il y avait tout ce genre de personnes comme Sherlock Holmes qui ont commencé à développer un intérêt pour les enquêtes et Farook est ce genre d'homme», explique l’auteure.

Un enquêteur marocain pour raconter l'histoire du royaume

Mais Farook, enquêteur intelligent, est censé rester avec les lecteurs de Saeida pour une trilogie qu'elle développe actuellement. «Une fois que j'ai publié le livre, l'éditeur m'a demandé ce que je voulais faire ensuite. J'ai répondu que je voulais écrire un deuxième livre sur Farook étant à Fès et essayant d'enquêter sur d'autres crimes», nous annonce-t-elle.

Cette fois, Farook devra se rendre à Fès en 1912, coïncidant avec une autre date importante de l’histoire du Maroc, pour résoudre d’autres crimes. En 1920 et plus précisément dans un Rif en pleine guerre, le détective fera de même pour le troisième opus.

«J'ai l'impression de raconter l'histoire de la colonisation à travers Farook», commente l’écrivaine, qui annonce que la prochaine aventure de Farook ne doit sortir qu’en 2021, en raison de la crise du coronavirus et des recherches approfondies qui accompagnent l'écriture d'un roman historique.

Les romans de Saeida sur le Maroc, cependant, n’ont pas seulement touché les esprits de ses lecteurs. «Le premier livre a renforcé ma relation avec le Maroc, et par rapport à ce qu'il était auparavant», témoigne-t-elle.

La native de Londres estime que sa compréhension du Maroc et de son histoire est devenue plus grande, un sentiment qu'elle aimerait transmettre aux lecteurs anglophones du monde entier.

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