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Grand Angle

Le rapatriement des Marocains bloqués à l'étranger entre «opacité» et «favoritisme»

Dans une lettre ouverte, l'AMDH dénonce «l'indifférence des ambassades et consulats» du royaume, couplée à du «favoritisme» pour l’aide octroyée aux Marocains bloqués et l’opacité quant aux critères d'établissement de listes.

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Des Marocains bloqués à l'étranger, rapatriés ces derniers jours. / DR
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Avec l’accélération de l’opération de rapatriement d’une partie des Marocains bloqués depuis mars à l’étranger, l’heure est à l’indignation au Maroc comme à l’étranger. Si plusieurs Marocains dans une situation de vulnérabilité ont fait part de leur impatience de figurer sur les listes élaborées par les autorités marocaines, dénonçant ainsi leur exclusion, c’est au tour de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) de pointer du doigt les dysfonctionnements de l’octroi du soutien financier tout comme du mécanisme d’élaboration des listes.

Dans une lettre ouverte adressée cette semaine au Chef du gouvernement, Saadeddine El Othmani, l’ONG pointe du doigt «l'indifférence des ambassades et consulats marocains» et leur «incapacité à fournir les conditions appropriées à cette attente inattendue», rapportées par ces Marocains. «Les opérations de rapatriement se sont également caractérisées, selon les données que nous avons obtenues d’Espagne et de Turquie, par le black-out des ambassades et des consulats», fustige-t-elle.

«Les bénéficiaires ont été choisis sans prendre en compte les critères de sélection, en privant de nombreuses personnes âgées et atteintes de maladies chroniques de rentrer dans leur pays.»

Extrait de la lettre ouverte de l’AMDH

Des critères fixés mais non respectés ?

Quant à l’aide accordée dans un certain nombre de pays aux Marocains bloqués, l’ONG estime qu’elle «a été caractérisée par la sélectivité et le favoritisme, ce qui a conduit de nombreux citoyens à refuser de la recevoir».

Pour Saïd Tbal, responsable de la commission centrale immigration et droit d'asile à l'AMDH, «les critères dont on parle souvent, notamment les personnes âgées, souffrantes ou dans une situation de vulnérabilité, ne sont pas effectivement respectés». «Nous avons vu, pour le cas de Malaga et ailleurs, des gens qui dépassent 60 ans, souffrants mais qui n’ont pas été concernés par l’opération», confie-t-il à Yabiladi ce jeudi.

Et de rappeler qu’au début de cette opération, «il y a eu des cas vulnérables à Melilla». «Le Maroc a ainsi commencé le rapatriement par d’autres personnes, comme le président d’une commune à Nador et ses proches. Des personnes qui ont été dans une situation moins précaires que les autres», dénonce-t-il. Pour l’associatif, «lorsque vous voulez mettre en place une opération avec des critères, il faut prioriser les personnes en détresse».

«Nous ne savons pas comment les autorités marocaines ont préparé les listes des personnes. Les plus proches des ambassades et consulats ont été inclus, contrairement à d’autres. Quant au soutien financier, il n’a pas été non plus équitable et a connu des dysfonctionnements.»

Saïd Tbal

Ayoub Khiari, Hicham Zouine et d’autres

Et d’ajouter que «les règles de transparence, de l’écoute et de la prise en charge n’ont pas été prises en considération» dans un contexte marqué par l’«absence de stratégie claire».

Auprès de Yabiladi, des sources ont dénoncé le «favoritisme» ayant marqué ces premières vagues de rapatriement. Ainsi, un Marocain rapatrié depuis Malaga a assuré qu’au moins une personne de son groupe serait «de nationalité espagnole et ne disposant pas de visa de type C». «Je ne suis pas contre le fait de rapatrier ces Marocains, mais il ne faut pas faire d'exception sinon autant laisser tous les compatriotes rentrer chez eux. C’est une honte», dénonce-t-il.

L’exaspération des Marocains ne concerne pas seulement le royaume ibérique puisque d’autres pays européens sont également concernés par l’opacité des critères de sélection. Mardi, c’est le comédien marocain Mohammed Khiari qui a révélé lui-même le rapatriement de son fils, Ayoub, depuis la Belgique. Un témoin sur place a pourtant fait savoir que le jeune homme «ne fait pas parti des prioritaires», tandis que des Marocains bloqués en Belgique dénoncent «un favoritisme révoltant».

Le même jour, Hicham Zouine, artiste peintre bloqué jusque-là en France, a annoncé son retour au Maroc, indiquant se trouver à Agadir. Pourtant, nombre de Marocains souffrants, âgées ou en situation de vulnérabilité n’ont pas pu embarquer dans les premiers vols.

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