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Interview

Un «Buy Moroccan Act» pour un nouveau développement grâce aux TPE-PME [Interview]

Formateur, conférencier et président de l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM), Adil Lamnini plaide plus que jamais pour une souveraineté industrielle et entrepreneuriale du Maroc. Dans ce sens, il propose des actions pour faire des TPE-PME le véritable levier de développement économique et le moyen de promouvoir la maque marocaine à l’étranger.

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Adil Lamnini, formateur, conférencier et président de l’Association professionnelle des marques marocaines (APMM) / DR.
Temps de lecture: 4'

Quand et comment a commencé l’initiative de votre association pour consommer Made in Morocco ?

L’initiative a commencé il y a six ans, sous la houlette d’un groupe d’entrepreneurs de marques marocaines, avec lequel nous avons créé l’Association professionnelle des marques marocaines. Celle-ci a pour vocation d’accompagner des structures TPE-PME vers la mise en valeur de leurs marques et de leurs produits, en vue de les exporter. Nous sommes intimement convaincus que pour pouvoir trouver une croissance, il va falloir trouver d’autres marchés, le marché marocain étant limité pour nos TPE. Nous sommes entre 36 et 40 millions d’habitants. Le monde en compte 8 milliards. Donc le potentiel est très important pour notre tissu économique. C’est dans ce sens-là que notre action s’organise.

Par rapport à l’activité économique intérieure de ces marques, avez-vous adapté vos actions au contexte de la crise sanitaire pour une meilleure reprise ?

La crise a été foudroyante, partout dans le monde. Mais au Maroc, elle nous a permis d’avoir une prise de conscience quant à notre souveraineté industrielle et économique. L’exemple de l’agroalimentaire «made in Morocco» a été important et rassurant pour nos citoyens. Notre association compte en son sein quelques marques agroalimentaires marocaines, qui s’inscrivent pleinement dans ce choix stratégique.

Je voudrais lancer un appel dans ce sens, car au lendemain de la crise sanitaire, nous avons une occasion extraordinaire de franchir un nouveau pas important en termes d’indépendance industrielle, énergétique, alimentaire, mais aussi de prise de conscience sociale et commune que la PME fait partie de l’avenir de nos enfants. Il faut la soutenir de manière qualitative, écoresponsable et structurée.

Pourquoi consommer Made in Morocco maintenant ?

Ce discours que nous tenons aujourd’hui est celui que nous défendons depuis six ans, et non pas un discours de circonstance ou de récupération, servant à surfer sur une vague (post-covid, ndlr). Les Marocains consomment déjà local, mais l’équation qu’il faut aujourd’hui résoudre pour améliorer cette consommation, c’est adapter les produits à la demande.

Nos citoyens veulent des produits de meilleure qualité, avec un packaging identique à celui des produits importés et une qualité à la hauteur des productions internationales. C’est un effort commun qui doit être fait non seulement par nos administrations compétentes, mais aussi par les entreprises elles-mêmes.

Ces dernières doivent gagner en exigences de qualité. Mais sachant que 84% des entreprises marocaines sont des petites entreprises, elles n’ont pas les moyens de faire des études de marché, sondages, etc. Si nous donnons à nos entreprises locales la capacité de proposer des produits avec une qualité identique, les Marocains les consommeront, non pas parce qu’ils mentionnent simplement un «Made in Morocco», mais parce que nous sommes solidaires et nous l’avons prouvé à travers cette crise sanitaire. Il est important de capitaliser sur cet élan, pour faire encore plus confiance à nos entreprises et à nos marques.

Y a-t-il un risque que ce plaidoyer soit taxé de protectionniste ?

Le protectionnisme est un mot vaste. Se protéger est un acte qui fait partie intégrante de toutes les économies. Aujourd’hui, nous payons des droits douaniers, nous signons des accords économiques, nous obéissons à des règles de commerce international… Je pense que ce mot est parfois utilisé en dehors de son contexte.

Le Maroc doit mettre en place ce que nous appelons un «Buy Moroccan Act», à l’image de celui adopté aux Etats-Unis et dans beaucoup de pays européens. Ce texte de loi doit pouvoir, par exemple, orienter la commande publique vers des entreprises marocaines. Cela se fait aujourd’hui à hauteur de 20%, mais notre proposition est que demain, pourquoi ne pas faire encore plus confiance à nos TPE et PME nationales, pour aller vers 50%. Ce sera une excellente opportunité pour développer et autonomiser notre tissu économique local.

Par exemple, je peux importer de l’étranger sans problème, mais parlons des taux d’intégration. Je peux intégrer mes produits importés, mais en les transformant au sein d’entreprises marocaines, ce qui peut apporter encore plus de valeur ajoutée à notre économie nationale, générer des emplois et contribuer au transfert des savoir-faire.

Notre tissu économique est limité, mais grâce à un taux d’intégration de 50%, la main-d’œuvre, les process et la transformation qui peuvent se développer sur notre territoire marocain peuvent rapidement faire la différence et pour qu’on puisse créer de la valeur et parler d’un «Making Morocco» et plus seulement un «Made in Morocco».

Est-ce suffisant de consommer Made in Morocco pour redresser l’économie nationale ?

La concurrence est là et elle le sera toujours. Mais soyons dignes et respectueux des efforts de nos TPE et PME marocaines, en leur donnant notamment les moyens de franchir un nouveau cap. Le fait qu’elles représentent 84% du tissu des entreprises nationales est parlant, dans la mesure où leur développement est la seule issue pour faire avancer l’économie. Les exemples internationaux sont là pour le prouver.

Cette mobilisation doit être commune à toutes les Marocaines et à tous les Marocains pour regrouper nos énergies, afin de concentrer nos efforts, déployés par le gouvernement et par la société civile, pour la promotion de la marque Maroc à travers une agence dédiée. Celle-ci doit être un point de contact unique et indépendant, qui n’aurait aucune relation avec les politiques, pour qu’elle soit souveraine, qu’elle ait une vision à moyen et long terme, sans interférences idéologiques, partisanes ou ministérielles.

Il faut que cette cause soit nationale pour améliorer la perception du Maroc à l’étranger, l’esprit créatif et entrepreneurial de notre jeunesse, pour perfectionner la qualité de nos produits finis et améliorer le quotidien de milliers de nos citoyens qui vivent de ce tissu de TPE et PME.

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