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Grand Angle

Diaspo #145 : Mouna Taroua ou les ambitions d’une ingénieure biomédicale aux Etats-Unis 

C'est aux Etats-Unis que Mouna Taroua a réalisé son rêve d’enfant de travailler dans le domaine médical. Cette diplômée en génie biomédical conçoit et fabrique des organes en 3D «anatomiquement corrects». L’entreprise pour laquelle elle travaille s’est aussi tourné vers la fabrication d’outils de protection contre la covid-19.

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Âgée d'à peine 28 ans, Mouna Taroua est ingénieure en chef à Lazarus 3D, une startup à Houston spécialisée dans l'impression 3D dans le domaine biomédical. / DR
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Petite, elle rêvait de faire médecine, de se spécialiser en neuroscience ou de travailler avec des neurochirurgiens. Toutefois, face à l’impossibilité d’intégrer une école de médecine, Mouna Taroua opte pour des études en génie biomédical. Aujourd’hui, elle est ingénieure en chef à Lazarus 3D, une startup à Houston, au Texas.

Cette jeune marocaine a vu le jour le 10 août 1992 à Casablanca. En 2010, son baccalauréat en sciences de la vie et de la terre dans la poche, elle plie bagages pour les Etats-Unis. Elle intègre ainsi Richland College, une école communautaire public à Dallas, au Texas, pendant trois ans avant de postuler pour l’Université du Texas à Dallas pour un Bachelor en ingénierie biomédicale.

«Ici, les études sont très chères à l’école de médecine. J’aimais aussi l’ingénierie, fabriquer des objets et réparer des ordinateurs. Je suis donc tombé sur le programme, qui était nouveau et qui allait me permettre de travailler  dans un domaine médical», confie Mouna Taroua à Yabiladi.

Décrocher un diplôme universitaire ne lui a pourtant pas permis de trouver un emploi aux Etats-Unis immédiatement. «C’était un peu dur, surtout que le visa étudiant dont je disposais permettait seulement une durée de travail de trois ans», se rappelle-t-elle.

Concevoir et imprimer des organes humains en 3D

Mouna Taroua finit par trouver un emploi au centre de recherche d’un hôpital, qui faisait des recherches pharmaceutiques pour des compagnies voulant tester des médicaments sur des animaux. Elle y passe deux ans avant d’intégrer Lazarus 3D.

«C’était plus spécialisé, car la compagnie fabrique des prototypes devant permettre à des médecins d’effectuer des pré-opérations avant des interventions chirurgicales plus complexes. Ainsi, pour un patient souffrant d’un cancer du rein par exemple, le médecin nous présente différentes analyses radiologiques et nous les transformons en organe imprimé en 3D.»

Mouna Taroua

Mouna Taroua lors d'un événement organisé par le consulat britannique et le ministère britannique du commerce international pour discuter des technologies émergentes. / DRMouna Taroua lors d'un événement organisé par le consulat britannique et le ministère britannique du commerce international pour discuter des technologies émergentes. / DR

La Marocaine explique son intérêt pour ce domaine par la demande, notamment dans les écoles de médecine. «Les étudiants en médecine s'exercent à la suture sur des animaux, parfois même sur des fruits. Beaucoup de gens pensent que c’est juste au Maroc, mais c’est partout dans le monde», déclare-t-elle, amusée.

Ainsi, Mouna Taroua et son entreprise contactent des professeurs et des chirurgiens pour leur présenter des travaux pratiques adaptés avec des organes imprimés en 3D, anatomiquement proche de l’être humain. «J’ai désigné aussi un modèle humain pour faire une simulation exacte de la procédure d’urgence visant à permettre de contourner les voies respiratoires d’un patient ne pouvant plus respirer. Ce n’est pas le premier au monde, mais la matière est très proche de la chair humaine, avec les dimensions réelles de la gorge et même du sang artificiel pour la simulation», détaille celle dont le job surprend parfois ses interlocuteurs.

«Certains me demandent, lorsqu’ils apprennent que je suis Marocaine, si j’ai vu le film Casablanca alors que d’autres déclarent vouloir visiter le Maroc», ironise-t-elle.

L’adaptation face au coronavirus entre le Maroc et les Etats-Unis

Avec la pandémie du nouveau coronavirus qui frappe de plein fouet les Etats-Unis, Lazarus 3D s’est adaptée, offrant à la jeune marocaine, de nouveaux challenges. La compagnie s’est ainsi intéressée à la fabrication de masques de protection et de visières. «Les médecins et chirurgiens ont commencé à nous demander de fabriquer des masques», ce que l’entreprise a fait, en adaptant son processus d’imprimerie en 3D. «Nous avons ainsi atteint 40 000 visières par jour et sommes devenus le fournisseur principal du Houston Medical Center, l’un des plus grands hôpitaux aux Etats-Unis, avant d’aider aussi des hôpitaux à New York. Nous avons atteint 1,2 million de fournitures médicales apportés aux hôpitaux», déclare-t-elle fièrement.

Mouna Taroua donnant une conférence sur l'utilisation de l'impression 3D dans le domaine médical à DELL Medical University. / DRMouna Taroua donnant une conférence sur l'utilisation de l'impression 3D dans le domaine médical à DELL Medical University. / DR

Au nom de Mouna Taroua, Lazarus 3D a également déposé la semaine dernière une patente provisoire pour un masque 100% auto-nettoyable avec des filtres. De nouveaux équipements qui présentent un réel challenge pour leur fabrication, l’imprimerie en 3D étant toujours une science nouvelle, ajoute l’ingénieure. Cette dernière fait aussi part de sa fierté du fait que le Maroc a fait parler de lui durant cette crise sanitaire.

«C’est encourageant d’apprendre que le Maroc n’a pas eu besoin d’un autre pays pour subvenir à ses besoins. Ici aux Etats-Unis, on achète encore des masques de l'étranger. Quand le Maroc se tourne vers ses jeunes et son industrie, nous ne pouvons qu’être fiers.»

Mouna Taroua

La jeune ingénieure en profite pour que le royaume aille encore plus loin. «Il faut aller jusqu’au bout et que l’Etat soutienne les jeunes et les initiatives. Il faut équiper les universités d’imprimantes 3D, de softwares et encourager ceux qui veulent apprendre», plaide-t-elle. «Il y a des génies au Maroc qui peuvent faire mieux que ce que je fais mais qui ont besoin d’être soutenus», conclut-elle.

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