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Grand Angle  

Maroc : La longue galère du retour des travailleurs victimes de l’état d’urgence

Le confinement aura laisser certains travailleurs sur le bord de la route. Faute de travail et de transport, certains Marocains doivent parcourir des centaines de kilomètres pour regagner leurs foyers.

Publié
Photo d'illustration. / DR
Temps de lecture: 3'

Le confinement reste un luxe que certains Marocains ne peuvent pas se permettre. Ainsi, dans une vidéo tournée samedi 2 mai, l’associatif Mohamed Reda Taoujni a mis le doigt sur le drame de celles et ceux qui, face l’interdiction des transports entre régions, optent pour des solutions périlleuses, usantes, parfois douloureuses pour rejoindre leurs proches.  

Faisant le trajet entre Ameskroud (Souss-Massa) et Imintanout (Marrakech-Safi), l’associatif a déclaré rencontrer des «dizaines» de personnes qui, à l’aide de bicyclettes ou même à pieds, prennent le risque de violer l’état d'urgence sanitaire pour se rendre au chevet d'un parent souffrant ou tout simplement regagner leurs foyers pour retrouver leur famille.

C’est le cas de Mohammad, originaire d’Imintanout mais travaillant à Tata. Il y a huit jours, ce père de famille a quitté cette ville pour se rendre, à pieds, auprès de ses enfants et ses parents, parcourant ainsi plus de 300 kilomètres. «Je dors 4 ou 6 heures avant de continuer mon chemin. Pour la nourriture, je n’ai rien si ce n’est les dons des bienfaiteurs ou des habitants de douars», confie-t-il au militant.

Des hommes et des femmes veulent regagner leurs maisons à tout prix

Erinté par la longue marche et les températures caniculaires, il dit être parfois au bord de l'évanouisseent et a «très mal aux pieds». «Je suis l’aîné de mes frères et j’ai trois personnes handicapées à la maison. Je venais d´arriver à Tata pour travailler dans le BTP mais avec la pandémie et le confinement, tout a été bloqué et je ne pouvais pas aller dans des refuges», explique-t-il.

Contacté par Yabiladi, Mohamed Reda Taoujni nous confie avoir insisté auprès de Mohammad pour qu’il rompt son jeune. «J’ai tenté de l’aider financièrement et de le rapprocher de sa destination. Grâce à des bienfaiteurs, il est bien arrivé à Imintanout», ajoute-t-il.  

C’est le cas aussi de Taoufik et Yassine. Rencontrés sur le même trajet, ces deux jeunes hommes ont marché depuis Houara (entre Agadir et Taroudant). L’un veut regagner Demnate tandis que l’autre se dirige vers Berrechid, pour rejoindre leurs familles. Ils expliquent, dans la vidéo, qu’ils travaillaient dans des fermes, qui ont été fermées à cause des mesures entreprises par le Maroc pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus. «A Houara, des gens ont été chassés des maisons qu’ils louaient, faute de moyens. Les gens ne trouvent même pas de quoi se nourrir», s'inquiètent-ils.

Mohamed Reda Taoujni nous raconte une autre histoire, concernant une femme. «Samedi, j’ai rencontré une femme qui marchait toute seule. Elle venait de Sidi Ifni. Elle a fait quatre jours de route à pieds et comptait continuer vers El Jadida (soit plus de 500 kilomètres, ndlr)», ajoute-t-il. Venue rendre visite à sa famille pour deux jours, elle s’est retrouvée coincée, laissant derrière elle un mari diabétique et deux enfants en bas âge. L’associatif déclare avoir réussi toutefois à trouver une femme médecin ayant transporté cette Marocaine vers Marrakech en attendant qu’elle regagne sa famille.

Des voyageurs clandestins entre la marteau des autorités et l’enclume de Mère Nature

Le militant associatif revient notamment sur l’histoire de deux frères travaillant dans la pêche qui venaient de Tarfaya en marchant pendant des jours, pour atteindre Béni Mellal (soit plus de 900km), ainsi que celle d’un Marocain ayant quitté Zagora pour se rendre à pieds à Agadir (plus de 400km) rejoindre sa fille, étudiante, qui s’est retrouvée sans ressources. 

«Il m’a dit qu’il n’a pas de moyens mais qu’il préfère dormir avec sa fille dans la route, plutôt que de la laisser toute seule. C’est formidable mais dramatique.»

Mohamed Reda Taoujni

Mohamed Reda Taoujni dit comprendre ces voyageurs qui prennent leur courage à deux mains et décident d’atteindre leurs destinations au péril de leur santé. «Lorsque vous êtes dans la misère, que vous avez des enfants ou des parents de l’autre côté du Maroc, vous bravez tous les dangers», explique-t-il, en ajoutant que «ces gens ne voyaient pas le bout du tunnel».

«Ces personnes tentent de contourner les barrages de police et de gendarmes. Dans les forêts, c’est la période de chaleur, donc en plus de sangliers, il y a les serpents et les scorpions, ce qui est encore pire. Certains se font agresser sur la route. C’est une catastrophe humanitaire.»

Mohamed Reda Taoujni

Il compare même ce qu’il constate à «ce que nous voyons à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis». Pour lui bien que «les autorités soient certes entre le marteau et l’enclume, il faut des solutions» pour ces travailleurs réduits en vagabons par l'état d'urgence sanitaire.

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