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Grand Angle

Désintox : Le Maroc va-t-il exporter 10 milliards de masques vers l’UE ?

Strasbourgeois, accusé en 2008 puis en 2018 d’«escroquerie» en France et en Tunisie, Alain Polomack semble lorgner désormais le Maroc. Il a affirmé samedi, sur Facebook,  que l’Union européenne compte «commander 10 milliards de masques au Maroc dans les prochains jours comme d'autres pays».

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Le ministre marocain de l'Industrie, Moulay Hafid Elalamy dans une usine de fabrication de masques de protection à Casablanca. / Ph. Fadel Senna- AFP
Temps de lecture: 3'

«L'UE compte commander 10 milliards de masques au Maroc dans les prochains jours comme d'autres pays.» La déclaration, aussi grandiose que surréaliste, est celle d’un certain Alain Polomack. Sur sa page Facebook, ce sexagénaire strasbourgeois a annoncé que «la première cargaison de 25 000 masques marocains est arrivée à New-York aujourd'hui avec 450 respirateurs de fabrication marocaine sur un avion affrété par UPS de Casablanca».

Et d’ajouter que «le Maroc va livrer plusieurs fois par semaine New-York et d'autres villes américaines en prévision de 10 millions par semaine». «Le Maroc du Roi Mohammed VI est devenue le 2ème producteur mondial de masques derrière la Chine. Vive le Roi Mohammed VI», conclut-il sa déclaration partagée plus de 1000 fois en l'espace de quelques heures et repris par quelques médias marocains (comme ici ou ).

Des millions, des milliards, mais ne restent que des mensonges

Les millions et les milliards virevoltent sous le clavier de Alain Polomack, sans produire aucun élément factuel. Les détails fournis pourraient laisser croire que le PDG d'Hesiode Paris est bien informé, mais il n'en est rien. Le Maroc n'a pas la capacité de produire des dizaines de milliards de masques et encore moins pour l'export vers l'Europe.

Aujourd'hui, le royaume produit 7 millions de masques par jour, dont seulement une petite partie est exportée. Ce qui est déjà un chiffre tout à fait remarquable comparativement à plusieurs pays européens. Néanmoins, cela ne fait pas du Maroc le deuxième producteur mondial derrière la Chine.

Pour la livraison de masques aux Etats-Unis, le volume indiqué aurait pu être plausible. Mais l'ajout des 450 respirateurs artificiels le décridibilise totalement. En effet, si Moulay Hafid Elalamy a parlé d'une production prochaine de 500 respirateurs artificiels, ils ne sont toujours pas sortis d'usine. Le ministère du Commerce et de l'industrie a confirmé auprès de Yabiladi, qu'ils sont toujours en phase d'essai.

«Ce prototype est à sa troisième version, qui intègre des fonctionnalités plus complexes, avec la supervision d’un professeur spécialisé en réanimation au CHU de Rabat, expert au sein de la cellule covid-19. Des tests sont en cours, en parallèle à la production.»

Ministère du Commerce et de l’industrie

Difficile dans ces conditions d'exporter aux Etats-Unis des respirateurs qui n'ont toujours pas été validés aux normes marocaines. 

Les fourberies d'Alain

Alain Polomack n’est pas un inconnu en France. En 2008, il avait écopé d’un mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Bordeaux car il se faisait passer pour un «conseiller technique» de Nicolas Sarkozy, alors président de la République française.

Selon l’Agence France-Presse (AFP), le strasbourgeois «se prévalait d'être diplômé d'un MBA de commerce international de l'université de San Diego en Californie» et «avait produit un faux contrat de travail signé de la main du président de la République». Il avait même raconté au tribunal comment il avait multiplié les contacts, passant de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Bordeaux à la préfecture de région, laissant au passage une note impayée de 2 025 euros dans l'hôtel de luxe où il résidait. Bref, un faux «"fonctionnaire européen", au costume soigné, mais dépourvu de carte de crédit», qui était tombé dans les filets de la police française.

Dix ans plus tard, il avait fait parler de lui en Tunisie. Selon le portail tunisien Web Manager Center, Alain Polomack s’était présenté comme étant un homme d’affaires qui veut investir en Tunisie, en 2018, et aurait «séjourné dans un prestigieux hôtel de la capitale», profitant «des services d’une agence de voyage à Tunis, qu’il devait payer». «Selon ces témoins, l’homme n’ayant pas payé, l’agence a dû porter plainte en justice contre lui», racontait le média tunisien à propos de ce «repris de justice», ayant prédit une perspective sombre pour la Tunisie. Il est «parti sans laisser de traces», après avoir été «accusé d’escroquerie» dans le pays du Jasmin.

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