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Grand Angle

Crise en Libye : Une «reproduction de l'Accord de Skhirat, dépassé, n'est plus possible»

Alors que le maréchal Khalifa Haftar a signé, cette semaine, le certificat de décès de l’Accord de Skhirat, il n’a fait que formuler avec des mots ce que plusieurs libyens pensent en silence. Quid dès lors du rôle du Maroc ?

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Une manifestation en Libye dénonçant l'ingérence étrangère dans le pays endeuillé par une crise qui dure depuis 2011. / DR
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Les Nations unies ont réagi mardi à la sortie médiatique du maréchal Khalifa Haftar, qui a affirmé la veille que la fin de l’accord de Skhirat signé au Maroc, s'autoproclamant nouveau chef de la Libye. «L'Accord politique libyen et les institutions qui en découlent restent le seul cadre de gouvernance internationalement reconnu en Libye», a déclaré le porte-parole du secrétaire général des Nations unies, Stephan Dujarric. 

Et d’expliquer que la position onusienne «est tout à fait conforme aux résolutions du Conseil de sécurité ; tout changement politique doit avoir lieu par des moyens démocratiques, et non par des moyens militaires». Stephan Dujarric a aussi assuré que pour l’ONU, «l'Accord politique libyen et les institutions qui en découlent restent le seul cadre internationalement reconnu de la gouvernance en Libye».

Dans son discours, Haftar s’est dit fier «d’accepter le mandat du peuple libyen pour assumer cette mission historique et dans ces circonstances exceptionnelles afin de mettre un terme à l’accord politique» de Skhirat. Sa déclaration, qui intervient après qu’il ait perdu des positions dans l'ouest du pays au profit du gouvernement de l’Entente nationale, reconnu par l’ONU, étonne car l’homme fort de l’Est libyen n’a jamais reconnu l’accord de Skhirat, signé le 17 décembre 2015.

Pour le professeur universitaire libyen et enseignant des sciences politiques Ahmed Al-Atrash, «ce qui se passe dans le pays est une guerre par procuration, alors que les parties extérieures ne veulent pas que la Libye sorte de cette impasse». «L'ingérence étrangère dans les affaires libyennes depuis la révolution de février est un secret de polichinelle alors que les Libyens n'ont plus aucun pouvoir sur ce qui se passe dans leur pays», déclare-t-il à Yabiladi.

«L'Accord de Skhirat dépassé» mais Rabat «peut encore intervenir» sur ce dossier

Regrettant que «tout soit géré depuis l'extérieur de la Libye», le politologue explique que «Khalifa Haftar tente ainsi de légitimer sa présence au pouvoir en annulant l'accord de Skhirat». Il y voit même l’œuvre «des parties extérieures qui lui ont proposé une telle décision qui nuit aux intérêts du peuple libyen».

Mais Ahmed Al-Atrash rappelle que «certaines erreurs auraient pu être surmontées par le pays sponsors et le Maroc, dans l’Accord de Skhirat». «Il était plus enthousiaste que factuel et comportait de nombreux défauts qui n'auraient pas dû se produire», explique-t-il encore. «Je pense que le stade de l'accord de Skhirat est dépassé. Le Maroc peut encore intervenir et jouer le rôle de médiation, mais dans un autre cadre, notamment par la coordination avec les pays européens avec lesquels il entretient de bonnes relations», déclare-t-il.

«La reproduction de l'Accord de Skhirat n'est plus possible. De nouvelles mesures peuvent être prises, tout en préservant les mêmes objectifs dudit accord car il y a maintenant de nouvelles variations et développements.»

Le politologue libyen Ahmed Al-Atrash

Dans une déclaration précédente à Yabiladi, Abdelkrim Faouzi, spécialiste marocain de la question libyenne avait lui aussi plaidé pour un «Accord de Skhirat II» sans erreurs, appelant le royaume à «maintenir les bonnes relations avec toutes les parties concernées, pour mener une nouvelle médiation».

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le Maroc a tendu la main aux pro-Haftar, en début de cette année. A deux reprises, Khalid Haftar avait envoyé son ministre des Affaires étrangères, Abdelhadi Lahouij, au Maroc. Mais le royaume a perdu du terrain au profit de l’Algérie et de l’Allemagne sur le dossier libyen.

Fin janvier et depuis Brazzaville, le Maroc avait dénoncé «l'interventionnisme cynique» de certaines parties dans les affaires intérieures libyennes.

Article modifié le 29/04/2020 à 17h14

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