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Grand Angle

Maroc : Le projet de loi visant à museler les réseaux sociaux a-t-il été retiré ?

Depuis son adoption le 19 mars, le projet de loi 22.20 est porté disparu. Le texte qui prévoit un durcissement de la liberté d’expression sur les réseaux sociaux n’a pas été déposé au Parlement.

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Sur les réseaux sociaux, le projet de loi n°22.20 alimente la polémique. Présenté par le ministre de la Justice Mohamed Ben Abdelkader, le texte porte sur l’utilisation des réseaux sociaux, des réseaux de diffusion et réseaux similaires. Il a été adopté par le cabinet El Othmani lors de sa réunion du 19 mars, soit seulement quelques heures avant l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire.

Le projet «vise à lutter contre les nouvelles tendances de crimes électroniques en renforçant les mécanismes de défense, sans pour autant porter atteinte à la liberté de communication numérique, forme de liberté d'expression garantie par la Constitution», a indiqué l’ancien porte-parole du gouvernement, Hassan Abyaba, dans une déclaration lue devant les médias.

«Ces dispositions appellent également à prendre note des diverses formes de cybercrimes, a poursuivi le ministre, notamment celles qui affectent la sûreté générale, l'ordre économique public, la publication de "fake news", la promotion de comportements nuisant à la dignité et à l’esprit d’autrui, ainsi que certains délits qui ciblent les mineurs», a-t-il expliqué.

Depuis, le texte adopté au pas de charge a disparu des radars de l’actualité gouvernementale. Il ne figure pas non plus sur le site du Secrétariat général du gouvernement. Et il n’a pas été déposé au bureau de la Chambre des représentants, comme le veut la tradition après le feu vert de l’exécutif donné à chaque projet de loi. C’est dire que le processus de son examen a subit un réel coup de frein. A l'époque, Yabiladi avait tenté d'en savoir plus auprès de Mohamed Ben Abdelkader, en vain.

Interdire le boycott des marques

Le gouvernement a opté pour un retrait momentané du projet de loi du circuit parlementaire en attendant des jours meilleurs, d’autant que le contexte de la mobilisation nationale contre la propagation du coronavirus exige une adhésion populaire. Un objectif qui aurait été menacé par l’examen du projet de loi 22.20 au Parlement, dont les grandes lignes restaient frappées du sceau de la confidentialité.

«Le gouvernement a peur de révéler un projet controversé. C’est pour cette raison que ses dispositions sont gardées secrètes. A l’exception des ministres, personne n’est au courant de sa teneur», a écrit l’universitaire Omar Cherkaoui sur sa page Facebook.

Mais cinq semaines après son adoption, des extraits du texte ont été relayés par le youtubeur Mustapha Swinga, sur les réseaux sociaux. En plus du combat contre les «fake news», on apprend que le ministre de la Justice comptait également interdire tout appel au boycott de marques, comme ce fut le cas en 2018, comme a pu le vérifier Yabiladi sur le projet de loi en notre possession.

En effet, l'article 14 dudit projet de loi prévoit une «peine de 6 mois à 3 ans de prison» et une amende de 5 000 à 50 000 dirhams contre toute personne qui «appelle à boycotter certains produits, biens ou services ou y incite publiquement par le biais de réseaux sociaux ou réseaux de diffusion ouverts».

Les services de communication d’El Othmani réagissent

La polémique qui a embrasé les réseaux sociaux a forcé les services de communication du chef du gouvernement à sortir du bois. «Le projet de loi en question n’a pas été soumis au Parlement. Il est encore examiné par une commission technique créée à cet effet en vue de l’améliorer pour être ensuite soumis à une commission ministérielle pour son approbation», souligne Nizar Khairoun, le conseiller en communication de Saad-Eddine El Othmani.

Néanmoins, cette réaction rapide pour éteindre l'incendie ne pipe mot sur la volonté initiale du gouvernement de restreindre drastiquement les libertés des Marocains sur Internet. Elle tente également de temporiser en faisant croire que le projet de loi n'avait pas été adopté alors que les faits disent le contraire. «Le Conseil de gouvernement réuni jeudi (19 mars) sous la présidence du Chef du gouvernement, M. Saad Dine El Otmani, a examiné et approuvé le projet de loi 22.20 relatif à l’utilisation des réseaux sociaux, des réseaux de diffusion et réseaux similaires, tenant compte des observations formulées, au terme de son examen par un comité technique et une commission ministérielle, tous deux mis en place à cet effet», indiquait une dépêche de la MAP.

Dès lors pourquoi adopter un texte en conseil de gouvernement, s'il faut ensuite le renvoyer à une commission technique. Le rétropédalage est manifeste. Et sans l'urgence du coronavirus, le projet de loi serait actuellement en cours d'examen au Parlement.

Article modifié le 28/04/2020 à 15h22

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