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Grand Angle  

Etre enterré en France ou au Maroc ? Le coronavirus change les termes du débat

Leur appel a été entendu, mais beaucoup reste encore à faire. Ce week-end, des enfants de MRE ont appelé à l’élargissement et à la mise en place de carrés musulmans, s’alignant sur une recommandation, réitérée dès ce lundi par le Conseil français du culte musulman (CFCM). Mais pour ces bénévoles, il ne suffit pas uniquement de préparer ces terrains dans les cimetières.

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Photo d'illustration / Ph. Kenzo Tribouillard - AFP
Temps de lecture: 3'

Depuis la fermeture des frontières au Maroc, en raison de l’urgence sanitaire engendrée par la pandémie du coronavirus, la problématique s’est posée à nombre de familles résidentes à l’étranger, souhaitant enterrer leurs morts dans le pays d’origine. Mais cette situation pourrait changer, sur fond d’un débat au sein même de la communauté musulmane.

Ce lundi, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a réitéré l’une de ses recommandations, formulée le 23 mars dernier au sujet de la création de nouveaux espaces d’inhumation. Dans un communiqué parvenu à Yabiladi, l’institution souligne avoir alerté l’exécutif, le Sénat et l’association des Maires de France sur cette urgence.

«Le nombre de victimes de la pandémie de coronavirus ne cesse d’augmenter, laissant de nombreuses familles face à la douleur du deuil et à l’éventualité de ne pas pouvoir inhumer leurs défunts dans le respect de leurs rites», constate le CFCM, décrivant «une crise grave qui appelle une intervention urgente des pouvoirs publics».

Ce rappel intervient après que le président de l’association Tahara, Samad Akrach, a lancé un appel aux décideurs français. Dans une récente vidéo relayée sur les réseaux sociaux, il recommande d’ouvrir de nouveaux carrés musulmans dans les cimetières qui n’incluent pas cet espace, en plus de l’élargissement de ceux existants.

Contacté ce lundi par Yabiladi, cet aide-soignant en région parisienne estime que la question devient urgente dans le contexte de la pandémie, mais qu’il est nécessaire de mener des actions sur le long terme également.

Garantir des enterrements dignes «pour les enfants de demain»

«Je suis content que le message soit passé et fait réagir le CFCM», se félicite ce lundi Samad Akrach. Dans sa vidéo, il souligne en effet que cette infrastructure doit répondre à l’urgence de l’instant présent, mais aussi «garantir des funérailles dignes pour les enfants de demain», nés en France de confession musulmane. «Je m’occupe de la toilette mortuaire auprès des familles musulmanes depuis dix ans ; part mon métier également dans le milieu hospitalier, je vois qu’il y a une grande urgence à prendre en charge nos morts», souligne-t-il auprès de Yabiladi.

«Les morgues des hôpitaux sont saturées et il est inadmissible des laisser les corps de nos proches dans un frigo pendant trois mois, faute d’espace dans les cimetières ou dans l’attente d’un rapatriement suspendu pour le moment», ajoute-t-il encore. Né dans l’Oise, il dit préférer lui-même «des funérailles dignes là où [il vit]», plutôt que d’«être gardé mort dans de telles conditions».

«De plus en plus d’enfants de Marocains voudront être enterrés ici. Ils sont Marocains mais également Français et s’ils souhaitent être inhumés là où ils vivent, il faut leur rendre cela possible.»

Samad Akrach

Cet associatif soutient en effet que «la terre entière appartient à Dieu», et qu’«il n’y a pas de terre musulmane et une autre qui l’est moins». «Dans les rites musulmans même à travers les siècles, on est enterré là où on meurt», rappelle-t-il. 

«Les enfants de l’immigration sont ceux à qui l’on prépare des cimetières chrétiens, juifs, musulmans là où ils sont ; c’est le cas d’ailleurs au Maroc, pourquoi serait-ce difficile à envisager en France ?», plaide encore Samad Akrach. Défendant une approche globale et inclusive dans la gestion funéraire, il estime justement que ces espaces «ne sont pas uniquement destinés aux générations issues de l’immigration, mais également aux Français de pères en fils de confession musulmane».

A partir de son expérience associative, il affirme que ces espaces permettront notamment des funérailles dignes pour «les enfants de Marocains qui n’ont plus de carte nationale marocaine et qu’il est donc difficile de rapatrier, mais aussi les chibanis qui n’ont plus de liens familiaux au Maroc et qui meurent seuls en France». Pour toutes ces raisons, Samad Akrach réitére son appel pour une meilleure prise en charge financière de ces morts par les consulats marocains, une simplification des démarches pour retrouver leurs familles, et maintenir l’entretien de leurs tombes en France. 

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