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Grand Angle  

Diaspo #138 : Rabii Harnoune, un Gnaoui en fusion avec l’électro en Allemagne

Après une enfance difficile et une jeunesse marquée par un premier succès avec le groupe «Derdba», Rabii Harnoune a choisi de rester en Allemagne et tente de régulariser sa situation dans ce pays. Ce jeune Maâlem vient de terminer un premier album de fusion, qui sort en mai prochain, en collaboration avec le DJ allemand V.B.Kühl.

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Le Maâlem Rabii Harnoune. / Facebook
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Né, avec son jumeau, à l’hôpital militaire de Rabat de parents originaire de Boujniba, près de Khouribga, Rabii Harnoune grandit au sein d’une famille de 7 enfants, avec un père enseignant. Après un déménagement à Casablanca puis à Berrechid suite à un problème familial, la maman de Rabii se trouve toute seule, avec 7 enfants à charge. Elle prend ainsi la dure décision de mettre ses jumeaux dans une maison pour enfants à Bernoussi, gérée par l'association islamique de charité (Al jam3ia Al Khayria Al Islamiya). «Elle estimait que c’était mieux pour nous», nous déclare l’artiste, qui avait cinq ans à l’époque.

Avec son jumeau, Rabii Harnoune passera cinq autres années dans cette maison pour enfants, tout en gardant un contact régulier avec sa famille. «Pendant les vacances passées à la maison, j'aimais écouter de la musique», se souvient-il. Rabii Harnoune se remémore aussi du premier concert live auquel il assiste. «Rachid Gholam était venu se produire pour les enfants», raconte-t-il, en se rappelant avoir «appris à chanter avant de manier un instrument».

De la Maison pour enfant au succès du groupe «Derdba»

Après la maison de jeunesse, Rabii retourne à la maison pour continuer ses études. Sa famille avait déménagé entre temps au quartier Oulfa, à Casablanca, où il commence à se faire des amis et échanger ainsi des cassettes de musique. C’est ainsi que son amour pour Gnaoua naîtra. Grâce à un ami, il fera aussi la connaissance d’un Maâlem à Hay Mohammedi, fabriquant des guembris, avant d’être obligé de sacrifier sa bicyclette pour acheter son premier instrument.

«Je faisais aussi la navette de Oulfa à Hay Mohammedi chaque mercredi et samedi après-midi pour apprendre de ce Maâlem. J’avais 14 ou 15 ans. J'effectuais le tour des vendeurs pour trouver des cassettes de Gnaoua.»

Rabii Harnoune

Le jeune artiste commence aussi à fréquenter des soirées gnaouies casablancaises pour «écouter et apprendre». Des occasions qui lui permettent de rencontrer plusieurs Maâlems légendaires, comme notamment Hmida et Hassan Boussou, Abdelkader Amlil, Said Saghout, Hamid El Kasri et Abdeslam Alikane, directeur artistique du Festival Gnaoua. Mais, c’est auprès du talentueux Maâlem Abdellatif El Makhzoumi, alias Oueld Sidi Amara, qu’il apprendra le plus.

Dès 2010, Rabii Harnoune devient un artiste reconnu. Il se produit ainsi, avec des bandes, dans plusieurs festivals, «dont celui des musiques sacrées de Fès, celui des Arts populaires de Marrakech, et au Festival Mawazine». Mais l’amour qu’il développera avec ses amis pour ce style musical poussera à constituer une bande baptisée «Derdba». «On jouait dans un parc quotidiennement, au point que tous les habitants du quartier Al Firdaous à Oulfa nous connaissaient», déclare-t-il.

Une émission de radio, dont la vidéo a été largement partagée sur les réseaux sociaux, contribuera au succès de cette bande à l’échelle nationale. «Nous avons ainsi été contactés pour animer une soirée en l’honneur de Neila Tazi, co-fondatrice du Festival de Gnaoua», se souvient-il avec nostalgie.

La rencontre avec d’autres Maâlems de renom et les responsables de cette grand-messe musicale permettra à Rabii Harnoune et ses amis de décrocher un ticket pour se reproduire au prestigieux festival, dans un show de fusion, en 2014. C’est grâce à cette expérience inédite que «beaucoup d’opportunités internationales se présenteront» au jeune artiste et sa bande. Celle-ci entame ainsi un tour pour se produire en Guinée-Conakry, puis en 2016 depuis la Suède, grâce à une invitation de l’artiste maroco-suédoise, Mona Roukachi.

Une aventure en Allemagne

Après la Suède, la bande se produit en Allemagne pour des shows et des workshops. C’est ainsi que ses membres prendront ensemble la décision de «ne pas retourner au Maroc et de rester en Europe». Sur cette étonnante décision, le Maâlem gnaoui s'explique : «les conditions sont meilleures et il y a des opportunités pour vivre de notre musique». «Nous avions presque 28 ans mais nous ne pouvions pas vivre de notre art, sachant que nous n’avions pas d’autre emploi. Il fallait bricoler, tout en restant actif en musique, car un seul morceau nous coûtait 300 euros», ajoute-t-il. Une décision d’immigrer clandestinement qui n’a «pas été facile».

Si les membres de sa bande ont ensuite migré vers d’autres pays d'Europe, Rabii Harnoune a choisi de rester en Allemagne. «C’était certes difficile au début. Mais j’ai rencontré ici un Marocain marié à une Allemande qui parle couramment la Darija. Ils m’ont beaucoup aidé», se rappelle-t-il. Et d’ajouter que son intégration l'a transformé et lui a appris «à mieux accepter la différence».

C’est aussi en Allemagne que Rabii Harnoune rencontre DJ V.B.Kühl. Les deux artistes commencent ainsi leur collaboration et donnent naissance à quatre morceaux qu’ils adressent au label britannique Tru Thoughts, dans le cadre du projet «Gnawa Electric Laune».  

Le 5 mars dernier, le producteur leur a d'ailleurs proposé un contrat de trois ans. C’est dans le cadre de ce partenariat qu’un premier single, intitulé «Traveller», a été publié. «C’était une surprise pour le public ici, étant donné que l’Allemagne est considérée comme le berceau de la musique Electro, ce qui a boosté l’envie de produire d’autres morceaux», déclare Rabii Harnoune.

Il confie aussi attendre un contrat d’un manager pour des festivals après l’actuelle crise sanitaire mondiale. «Ma situation n’ayant pas encore été régularisée, la pandémie mondiale met tout en stand-by», regrette-t-il. Il déclare aussi avoir «hâte de partager [son] expérience».

«Cela fait cinq ans que je ne suis pas rentré au Maroc. j'ai hâre de pouvoir visiter à nouveau mon pays», conclut l’artiste.

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