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Grand Angle  

Coronavirus : Le difficile enfermement des sourds et muets durant le confinement

La souffrance des sourds et des muets augmente pendant la période de confinement, car la plupart d’entre eux ne comprennent pas ce qui se passe autour d’eux et pourquoi ils sont obligés de rester soudainement dans leur maison. Ainsi, des associations tentent de limiter leurs souffrances en s’appuyant sur les nouvelles technologies.

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Photo d'illustration. / DR
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Dans le contexte de la pandémie mondiale du nouveau coronavirus, les Marocains sont nombreux à chercher à s’informer sur la situation pandémique du pays. Télévision, médias en ligne ou supports écrits, tous les moyens permettent de consulter des informations fiables et actualisées au sujet de ce virus.

Malgré ces moyens multiples, une bonne partie des citoyennes et des citoyens n’ont pas accès à cette information, à l'instar des sourds et des malentendants, pour qui les médias audiovisuels marocains ne prévoient pas d’interprètes afin d’élargir la sensibilisation à tous. Face à cette situation, des associations tentent de tirer ces personnes de la marginalisation.

Président de l’Association culturelle, sociale sportive Al intimaa pour sourds et muets à Casablanca, Mourad El Hail déclare à Yabiladi : «Etant donné que l’ONG ferme ses locaux dans ces circonstances, nous essayons de communiquer avec les sourds et muets à travers les réseaux sociaux. Nous faisons des vidéos explicatives pour les conscientiser sur les dangers de cette pandémie, sa situation dans le monde et au Maroc. Nous sommes en contact permanent pour les informer de toute évolution.»

Un effort qui se heurte toutefois au fait que certains de ces Marocains n’ont ni smartphones, ni comptes sur les réseaux sociaux. Ainsi, l’association est en train de se concerter avec les autorités compétentes afin d’«obtenir des autorisations, pour se déplacer aux domiciles de ces personnes, dans plusieurs quartiers de Casablanca, les informer répondre à leurs questions et cerner les difficultés auxquelles ils sont actuellement confrontés», ajoute l’associatif.

«Avec l’apparition de ce virus, les choses se sont compliquées pour ces personnes, car elles n’ont pas le moyen de comprendre ce qui se passe dans le monde. C’est pourquoi nous essayons, en tant qu’association, de jouer ce rôle même à distance. Ces gens ont également du mal à subvenir à leurs besoins, car la plupart d’entre eux exerçaient des professions libérales qu’ils ne peuvent plus maintenir, donc nous essayons également de leur expliquer comment bénéficier des aides.»

Mourad El Hail

Des citoyens mis au banc

L’associatif a souligné la nécessité de créer des mécanismes de communication avec ces personnes, en tant que membres de la société qui «rencontrent des difficultés car personne ne les comprend». «Des interprètes en langue des signes doivent être mis à leur disposition, surtout à cette période», insiste-t-il.

Pour sa part, Amine El Bakkali, membre de l’Association Attawassol pour les sourds et muets de Tanger, a déclaré que le seul moyen de communication de l’ONG, en ces temps de confinement, reste les réseaux sociaux, bien qu’ils ne soient pas accessibles à tous. «Les responsables de l’association communiquent aussi avec des élèves pour leur expliquer tout ce qui se rapporte à ce virus, en plus de l’envoi quotidien des leçons et des exercices», explique-t-il.

Et d’ajouter que l’ONG «fait de son mieux pour éclairer ces personnes, compte tenu du manque d’interprètes en langue de signes sur les chaînes de télévision nationales». «Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons en tant qu’association, et les étudiants, à leur tour, nous envoient des vidéos en langue des signes, nous expliquant qu’ils restent chez eux et suivre leurs cours à distance», ajoute encore l’associatif.

Dans ce sens, Amine El Bakkali souligne que «les associations se sont retrouvées toutes seules, pour sensibiliser et communiquer des informations à ces jeunes». «Bien que certaines familles ont appris également la langue des signes au sein de notre ONG, afin de communiquer avec leurs enfants, d’autres se trouvent incapables de communiquer comme il faut, et se tournent vers l’association», explique-t-il encore.

«Il est du devoir des autorités compétentes d’intégrer ces personnes au sein de la société, en créant des mécanismes de communication dans les chaînes et programmes de télévision, notamment pendant cette période.»

Amine El Bakkali

Des limites des politiques publiques en temps de pandémie

Experte assermentée en langue des signes et encadrante à l’Association de la communication de Tanger, Fouzia Zaïr affirme, de son côté, qu’«en l’absence de mécanismes de communication avec cette frange de la société et qui compte 300 000 personnes au Maroc, ces dernières sont devenues de plus en plus marginalisées et exclues, ce qui a entraîné des troubles psychologiques chez certains».

«Je reçois des vidéos dans lesquelles il me demandent toujours pourquoi ils n’ont pas le droit de comprendre ce qui se passe, que ce soit dans l’actualité ou les conférences de presse. Même le programme étatique de l’enseignement à distance ne leur est pas accessible.»

Fouzia Zaïr

L’experte exprime sa crainte d'une détérioration de la situation psychologique de ces personnes. «Leur sentiment de marginalisation pendant la période du confinement sanitaire a aggravé les choses. En période normale, ils essayaient de s’adapter en contactant des personnes qui les comprendraient et maîtriseraient leur langue, ce qui n’est pas le cas pour nombre de familles. Aujourd'hui, l’enfant ou le jeune, qu’il soit non-voyant, sourd ou malentendant, est encore plus seul», déplore-t-elle.

Article modifié le 02/04/2020 à 22h30

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