Fermer les mosquées au Maroc pour lutter contre le nouveau coronavirus : les salafistes du royaume ne l’entendent pas de cette oreille.
Dimanche dans une vidéo sur Facebook, le cheikh salafiste Abou Naim a invité le Conseil supérieur des oulémas et la Rabita Mohammedia pour les Oulémas à «évoquer plutôt les lieux de jeux de hasard, de ventes d’alcool et de débauche (…) où les maladies mortelles se propagent, au lieu de parler des mosquées».
«C’est un scandale !», a-t-il dit, considérant que «l'épidémie n'a pas atteint un niveau dangereux qui nécessite la fermeture des mosquées». «Fermer les mosquées n’est pas une nécessité et je mets en garde le ministère de tutelle et les institutions contre cette mesure», a-t-il lancé.
«Le pays qui ferme ses mosquées renonce à sa religion (…) Ne méprisez pas la mosquée, sinon Dieu vous punira.»
Hier également, le salafiste marocain Hassan El Kettani a contesté les appels à la fermeture des mosquées au Maroc en tant que mesure préventive. Sur sa page Facebook, il a repris une fatwa, qu’il a qualifiée de «majestueuse», du cheikh koweïtien Hakem al-Mutairi, critiquant les autres avis d'oulémas sur la fermeture des mosquées et la suspension des prières en groupe par peur de la propagation de ce virus.
Les salafistes brandissent l’exemple de la peste
La fatwa en question considère ces appels comme «l’effet de la culture occidentale, laïque et matérialiste qui a fait de l'homme une denrée produite qu’on a peur d’endommager». «La présence de l'épidémie n’exige pas de la diligence ni de nouvelle fatwa», ajoute Hakem al-Mutairi. Ce dernier de rappeler que «l'épidémie et la peste étaient courantes à l'époque du Prophète Mohammed, mais il n'a jamais autorisé la fermeture des mosquées ni la suspension de la prière en groupe». «Le Prophète a déconseillé de se rendre dans les pays atteint de la peste ou de les quitter et a conseillé d’éviter le contact avec les personnes atteintes», conclut-on.
Pour entériner sa position, Hassan El Kettani a également repris une fatwa du Mauritanien Mohamed Hassan Al Dadew, qui a estimé dimanche que les mosquées ne doivent pas être fermées, rapportant un hadith du Prophète de l’islam autorisant une prière en groupe, même en cas de présence de trois personnes seulement.
Pour sa part, le salafiste marocain Omar Haddouchi a lui aussi abordé ce sujet, rejoignant l’avis de son «frère». «A l’époque de la peste, nos aïeux ne fermaient pas les mosquées», a-t-il écrit sur sa page Facebook. Et de préciser que «hommes, femmes et enfants se réfugiaient dans les mosquées et non pas l’inverse». Omar Haddouchi a cité l’imam Mohamed Ben Abderrahman El Qoraichi Ach’chafie, ayant vécu au 8ème siècle de l’Hégire, pour entériner ses propos.
A l’opposé, le salafiste marocain Mohamed Abdelouahab Rafiqi, alias Abou Hafs, avait suggéré la semaine dernière de suspendre la prière en groupe. «Ce n’est pas normal que nous mettions nos vie en danger en maintenant ce rite», a-t-il ajouté, précisant que la religion musulmane n’impose pas cette forme de prière en cas de situation particulière.
Les Oulémas du Maroc, l’UIOM et Al Azhar favorables à la suspension des prières en groupe
Les avis d’El Kettani et de Haddouchi interviennent alors que le Conseil supérieur des Oulémas du Maroc a rendu ce lundi son avis sur le sujet. «Suite à une demande de fatwa adressée au Conseil supérieur par Amir Al Mouminine, l'Autorité scientifique pour les fatwas du Conseil supérieur conseille de fermer les mosquées, que ce soit en ce qui concerne les cinq prières quotidiennes ou les prières du vendredi, à partir de lundi 16 mars 2020 correspondant à 21 Rajab 1441», indique le conseil dans un communiqué consulté par Yabiladi.
«L'autorité scientifique pour les fatwas du Conseil supérieur conseille de rassurer les citoyens, hommes et femmes, sur le fait que cette procédure n’est que temporaire. Les choses seront rétablies pour l'établissement de la prière dans les mosquées dès que les autorités compétentes décideront du retour à la normale de la situation sanitaire.»
L’Autorité scientifique pour les fatwas a suggéré enfin que «l'appel à la prière dans toutes les mosquées doive se poursuivre».
L’avis du Conseil supérieur des Oulémas du Maroc va de pair avec la fatwa émise par l'Union internationale des Oulémas Musulmans (UIOM). Samedi, l’instance dirigée par Ahmed Raissouni a appelé à la suspension des prières du vendredi et celles communes dans les mosquées, dans tous les pays où l'épidémie de Corona s'est propagée et est devenue une véritable source de peur, sur la base de rapports médicaux fiables approuvés par l'État, jusqu'à ce que l'épidémie soit maîtrisée.
«Conformément aux justificatifs de la Charia et à la parole du tout-puissant : «Entraider-vous dans l'accompagnement des bonnes œuvres et de la piété» [Al-Ma’idah: 2] (…), l’Union internationale des oulémas musulmans appelle tous les musulmans à suspendre la prière du vendredi et celles dans les mosquées», indique un communiqué de l’instance.
«Cette suspension se poursuivra jusqu'à ce que l'épidémie soit maîtrisée et que le stade de propagation et de danger soient endigués, selon les estimations des autorités compétentes», précise-t-on.
A rappeler que l’Université Al Azhar en Egypte a également rendu un avis favorable à la fermeture des mosquées, suggérant que l’imam appelant à la prière cinq fois par jour invite même les fidèles à «prier chez eux».