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Interview

Nabil Mouline : «La construction citoyenne passe par l’acquisition du bagage historique» [Interview]

Historien et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris (France), Mohamed Nabil Mouline lance, jeudi, une deuxième saison de sa série historique «On raconte que…». Mis en ligne sur sa chaîne YouTube, ce concept propose de vulgariser des réalités historiques, tout en rendant le discours scientifique à leur propos accessible à tous via Internet. 

Publié
«On dit que…», une série historique mise en ligne sur la chaîne YouTube de l’historien Mohamed Nabil Mouline
Temps de lecture: 3'

Où se situent chronologiquement les événements et faits historiques auxquels cette saison sera consacrée ?

L’esprit de la série s’inscrit surtout dans une forme d’«histoire en zigzag». Généralement, je ne respecte pas d’ordre chronologique, pour plusieurs raisons. D’une part, pour ne pas ennuyer les internautes, et d’autre part, mon objectif n’est pas de retracer une histoire linéaire où l’on impose une sorte de grand récit à celles et ceux qui la suivent. Ce grand récit sera forcément linéaire, simplisme et exclusif. En somme arbitraire.

Nous continuerons donc dans l’esprit de la première saison, où l’on change de période d’un épisode à l’autre. D’ailleurs, c’est bien une continuité du premier volet, avec le but de jeter une nouvelle lumière sur un certain nombre d’événements-clés, de personnages, d’institutions et de symboles qui ont façonné les passés du Royaume et qui continuent à faire partie intégrante de son présent.

Cette nouvelle saison inclura-t-elle des portraits historiques de personnalités peu connues, mais qui ont influencé le déroulement des événements passés ?

L’un des objectifs de cette série, notamment de sa deuxième saison, est justement de dépersonnaliser les récits de notre histoire. En d’autres termes, il s’agit de proposer une sorte de geste collective qui se focalise davantage sur des faits politiques, sociaux et institutionnels, et non pas sur des figures en particulier.

Les récits traditionnels, centrés sur ce que l’on appelle les personnages illustres et l’histoire-bataille, relèvent déjà de cette catégorie. Il s’agit donc pour moi de présenter une histoire plurielle et englobante.

Comment se fait la documentation en préparation de vos émissions ?

Pour me documenter, je me base d’abord sur mes propres travaux. Mais n’étant pas spécialiste de tous les domaines, je m’appuie également sur des contributions historiques existantes. Pour des sujets peu ou pas abordés, je reviens directement aux sources de première main.

D’ailleurs, je mets systématiquement à la fin de chaque capsule les références bibliographiques nécessaires pour permettre à celles et à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin.

Quel intérêt particulier voyez-vous dans le fait de rendre visibles ces récits historiques à travers les nouveaux médias ?

Il s’agit de donner accès au plus grand nombre à une culture historique qui peut être considérée jusqu’à présent comme une sorte de produit de luxe. Tout processus de construction citoyenne passe inexorablement pas l’acquisition de ce bagage, qui peut permettre aux gens de décrypter le passé, de comprendre les enjeux du présent, pour une meilleure appréhension du futur.

Dans ce sens et sur l’accessibilité du discours véhiculé par ces contenus, comment évaluez-vous le suivi de votre première saison par les internautes ?

Dans les réactions aux épisodes de la première saison, j’ai constaté un grand engouement du public, notamment les jeunes, et j’en suis agréablement surpris. Au total, les capsules ont enregistré plus de trois millions de vues et un grand nombre d’interactions. Ceci dénote d’un véritable intérêt de nos concitoyens pour un contenu à la fois sérieux et accessible.

Considérez-vous qu’Internet peut aujourd’hui rendre ce discours plus accessible, abstraction faite du niveau d’instruction des uns et des autres ?

Totalement. Il y a un grand besoin du public à s’informer autrement du fait historique. Cela se ressent dans les différentes formes que cela peut prendre sur Internet, en dehors de ces capsules. Il existe des podcasts ou des comptes Twitter et Facebook faisant intervenir des chercheurs et des spécialistes, et qui sont dédiés à démystifier certaines affirmations relevant des rumeurs, mais longtemps véhiculées avec imprécision comme des réalités.

Les outils de transmission du savoir traditionnel, notamment l’écrit, montrent leurs limites en termes d’accessibilité, surtout dans un pays comme le Maroc. Selon les données officielles, seuls 0,3% des Marocains consacrent un temps important à la lecture, donc un Marocain consacre en moyenne deux minutes par jour à la lecture. Pour fournir un contenu instructif à ce citoyen, qui puise 70% de sa culture dans les médias audiovisuels et en particulier Internet, il faut investir cet espace-là.

Dans le développement de votre concept, envisagez-vous des partenariats avec des instituts de recherche, des universités ou des publications spécialisées ?

Pour l’instant, je préfère garder l’indépendance de ce projet pour le maintenir dans un ton éditorial libre et académique.

Dans la continuité de ce travail, pensez-vous à compiler ces capsules pour leur donner un format de livret illustré, qui reprendrait par écrit les deux premières saisons ?

Cela est très envisageable et c’est même un projet en gestation, afin de traduire cette histoire de la vidéo à l’écrit, dans l’espoir de toucher un public autre que celui qui a découvert ces capsules sur Internet.

Il s’agira justement de petits livrets qui allient texte d’analyse, sources historiques et illustrations, avec cette idée de proposer au public un contenu académique et agréable à lire à la fois !

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