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Grand Angle

Aussitôt alertée, la CNSS corrige une inquiétante faille de sécurité

Les données personnelles, notamment de santé et les salaires, de plus de 3,5 millions d’assurés de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) étaient accessibles. Des vertus de la complémentarité entre lanceurs d’alerte, médias, et organismes publics.

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Nos récentes révélations sur les failles de sécurité dans les systèmes d’information d’Autoroutes du Maroc (ADM) et la Caisse mutualiste interprofessionnelle marocaine (CMIM) ont mis en appétit les lanceurs d’alerte. Amusés par l’étonnante facilité d’accès des fichiers de logs avec email et mot de passe des adhérents de la CMIM, certains nous ont proposé un dossier bien plus volumineux et aussi inquiétant quant à nos données de santé.

«Les données des assurés CNSS sont accessibles à tout le monde sans aucune sécurité», nous a interpellé un lanceur d’alerte. C’est ainsi qu’a débuté notre enquête sur une faille de sécurité mettant à disposition les données personnelles de 3,5 millions d’assurés du secteur privé, ainsi que de leurs ayant droit. Le numéro de CIN, adresse postale, numéro de compte bancaire, historique des remboursements de santé avec descriptif détaillé, entre autres, nous ont été fourni comme preuve de l’existence de la faille de sécurité. Mieux encore, on a eu eu la possibilité d’accéder aux documents d’état des salaires. Ainsi, l’historique sur quatre ans des salaires de l’ensemble des assurés CNSS était également disponible.

Face à l’ampleur du scandale, nous avons très vite contacté le responsable sécurité des systèmes d’information (RSSI) de la CNSS, Mohamed Hemrati, qui a été très réactif en nous aiguillant vers la responsable communication, Souad El Aoud, qui a demandé que nos questions soient adressées par email. Quelques jours après, un troisième responsable, Reda Benamar, nous appelle pour investiguer plus en profondeur sur la faille de sécurité avant de pouvoir répondre en détails. L’enchaînement a été très professionnel, à la hauteur de la prise de conscience de l’importance du sujet par la direction de la CNSS.

Etait-ce le résultat des premières révélations par Yabiladi des de sécurité chez ADM et la CMIM, ou bien la prudence et le professionnalisme de l’équipe de la CNSS ? En tout état de cause, les réponses à nos questions ont été à la hauteur des enjeux. Nous avons en outre pris le soin d’alerter le président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) qui a toujours été très réactif sur nos précédentes révélations. Omar Seghrouchni a pris nos informations avec beaucoup de sérieux et nous a informé que l’institution qu’il dirige allait enquêter sur la faille en question.

Une alerte prise très au sérieux par la CNSS

Confirmant implicitement notre alerte sur une grave faille de sécurité, la CNSS a quant à elle assuré qu’elle avait été identifiée et corrigée. «La CNSS a récemment déployé une nouvelle version de son site web, cette opération a connu un bug, qui a été détecté et corrigé suite  à un audit de sécurité du système d’information réalisé par un cabinet spécialisé», précise ainsi le RSSI dans sa réponse, reçue vendredi 24 janvier 2020. Une affirmation que nos sources dans le domaine du hacking ont pu nous confirmer dans la soirée.

«Consciente des risques de sécurité et de la ‘Cyber-menace’ qui ne cessent de s’intensifier, la CNSS mène régulièrement des audits de sécurité et des tests d’intrusions de l'ensemble de ses plates-formes et applications, et ce en application des directives et orientations en vigueur. En parallèle, une supervision 24/7 de son infrastructure est garantie par un SOC (Security Operation Center) en coordination avec une entité interne des experts en charge de la sécurité du système d’information de la CNSS.»

Mohamed Hemrati, RSSI de la CNSS

Si aucun système informatique ne peut être considéré comme infaillible, le rôle des responsables est de rester vigilants et à l’écoute des alertes qui peuvent provenir de l’extérieur. C’est ainsi que la CNSS a pu éviter la situation de crise dans laquelle sont plongés ADM et la CMIM, en faisant des journalistes et des hackers des lanceurs d’alerte et non des ennemis. Une belle illustration de ce que pourrait être la collaboration entre lanceurs d’alerte et organisations publiques et privées au Maroc, avec des alternatives au tout répressif de la législation actuelle, comme la divulgation responsable (responsible disclosure) ou des systèmes de bug bounty.

Article modifié le 25/01/2020 à 17h51

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