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Grand Angle

Maroc : Faut-il s’inquiéter d’une «pénurie» de certains médicaments ?

L’heure est à nouveau à l’inquiétude après que plusieurs pharmaciens ont fait état de l’absence de certains médicaments et composants pharmaceutiques. Au sein du secteur pharmaceutique, on préfère relativiser la notion de pénurie.

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Photo d'illustration. / DR
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La liste des médicaments manquants en pharmacie est-elle en train de s’allonger ? Alors que la pénurie de Levothyrox, pour le traitement de la thyroïde, avait donné du fil à retordre à de nombreux patients, pharmaciens et praticiens s’inquiètent à nouveau de l’absence de certains médicaments et autres composants pharmaceutiques, d’après le journal arabophone Al Massae.

Ces carences concerneraient notamment des maladies chroniques comme le cancer ; infectieuses comme la grippe, ainsi que certaines pathologies mentales. Selon plusieurs pharmaciens cités par le quotidien, les médicaments prescrits pour pratiquement toutes les maladies connaissent régulièrement des ruptures de stock.

Un constat à propos duquel Layla Laassel Sentissi, directrice exécutive de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP) et ancienne directrice commerciale de Cooper Pharma (distributeur du Levothyrox au Maroc), émet quelques réserves. «La pénurie désigne avant tout la rupture d’un produit qui dépasse six mois, voire une année. C’est un terme que l’on utilise parfois de façon inadaptée», tempère-t-elle auprès de notre rédaction.

Se référant aux chiffres du groupe américain IQVIA, spécialisé dans les technologies de l’information de la santé et de la recherche clinique, Layla Laassel Sentissi indique que les stocks de Levothyrox importés au Maroc pour l’année 2019 «dépassent de 15 à 20 % les ventes de l’année 2018». La directrice de l’AMIP estime donc que le Levothyrox n’est «pas concerné par une pénurie ou une rupture de stock». En revanche, «les ruptures en Levothyrox que nous avons pu constater auparavant dans des pharmacies sont liées au fait que certains patients, à force de voir cette information circuler, ont constitué des stocks importants par peur de ne plus pouvoir s’approvisionner. Prudence donc sur les termes employés et les informations relayées».

Des ruptures de stock «contenues» au niveau régional

Quant à d’autres médicaments, Layla Laassel Sentissi reconnaît que certains peuvent être en rupture de stock «car la majeure partie sont importés». Et d’ajouter : «S’il y a des problèmes d’approvisionnement à l’international, le Maroc est forcément impacté.» Le royaume ne fait effectivement pas figure d’exception : en 2018, la France avait recensé près de 868 signalements de tensions ou de ruptures d’approvisionnement, soit vingt fois plus qu’en 2008.

«Certains produits importés comme les anticancéreux et les neuroleptiques connaissent des ruptures de stock au niveau mondial, et donc au Maroc, en raison d’une forte concentration de l’industrie mondiale», nous confirme une source du ministère de la Santé. La concentration du secteur pharmaceutique recensée ces dernières années à l’échelle mondiale, a en effet conduit à la baisse progressive du nombre de sites de fabrication. «Lorsqu’une usine est la seule dans le monde à produire un médicament, il suffit de n’importe quel incident ou d’une augmentation inopinée de la consommation pour qu’il y ait un risque de rupture», ajoute la même source, qui assure toutefois qu’au niveau régional, «les ruptures de stock sont contenues».

Mettre fin aux médicaments des marchés informels

«Cette rupture touche les médicaments qui n’ont pas d’alternatives thérapeutiques, comme le Leponex pour la schizophrénie, précise de son côté Ali Lotfi, président du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé et du droit à la vie. Les hôpitaux publics et les centres de santé souffrent également de difficultés d’approvisionnement en médicaments vitaux, notamment l’insuline, les anticoagulants et les anticancéreux.»

D’après le militant associatif, pour qui plus de 160 médicaments seraient actuellement en situation de pénurie, les responsabilités sont partagées entre le ministère de la Santé et les sociétés de production de médicaments au Maroc. Il estime que ni le premier, ni les seconds «ne respectent le stock de sécurité obligatoire de 8 %».

Les industriels du secteur pharmaceutique et les grossistes sont en effet tenus de «détenir un stock de sécurité des médicaments qu’ils fabriquent, importent ou distribuent pour assurer l’approvisionnement continu et régulier du marché national», selon une circulaire du ministère de la Santé datant de 2012.

Ali Lotfi déplore par ailleurs «une baisse de la qualité des médicaments produits localement», poussant ainsi des patients marocains à «s’approvisionner depuis l’Europe, notamment la France et l’Espagne, par le biais de leurs familles MRE». Pour enrayer ces carences, il suggère la création d’une «agence autonome des médicaments et des produits de santé» et surtout, exhorte les autorités sanitaires à «mettre fin à un marché non contrôlé de médicaments falsifiés qui nous viennent des frontières».

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