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Grand Angle  

Diaspo #127 : Mohamed El Badaoui, le cinéma et le Rif chevillés au coeur

Réalisateur et scénariste marocain, il avait émigré aux Pays-Bas à l'âge de quatorze ans avant de s’installer en Espagne. Avec trois longs métrages ayant reçus l’appréciation des critiques, Mohamed El Badaoui est considéré comme le premier réalisateur à tourner un long film professionnel dans le Rif.

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Le réalisateur et scénariste marocain Mohamed El Badaoui. / Youssef Dahmani - Yabiladi
Temps de lecture: 3'

Il aime la mer depuis son enfance passée dans un village près d’Al Hoceima, où il contemplait sa grandeur et observait chaque jour comment une petite rivière mène ainsi l'eau douce pour se mélanger à celle salée de la Méditerranée.

Mohamed El Badaoui, qui se demandait ainsi pourquoi ce n’était pas plutôt l’inverse, se sentait ainsi tel un «petit philosophe». «Je sentais que j'étais différent de mes pairs, j'étais isolé et je contemplais beaucoup la nature qui me préoccupait constamment», nous confie-t-il.

Né en 1979 près d'Al-Hoceima, dans une famille modeste, son père est décédé alors qu’il n’avait que six ans, ce qui a coïncidé avec son entrée à l'école. Les conditions de vie l'ont ainsi forcé à travailler à l'époque pour poursuivre ses études. Mais à l'âge de quatorze ans, ses frères déjà installés aux Pays-Bas, l’invitent alors à les rejoindre. Il y passera dix ans de sa vie, avant de plier bagage pour l’Espagne, rejoignant ainsi ses cousins.

Aujourd’hui père d’une jeune fille, c’est justement en Espagne que Mohamed El Badaoui a fait ses premiers pas dans le cinéma. Après un premier travail de nuit dans un restaurant à Madrid, parallèlement à ses études en graphisme, il travaille un moment pour le compte d’une entreprise spécialisée dans la conception de sites web. Mais il retourne rapidement travailler dans le restaurant, afin de continuer ses études en graphisme et effets spéciaux.

Du graphisme au septième art

Son diplôme en poche, le jeune réalisateur est alors embauché par la compagnie aérienne espagnole Iberia pour lui fournir des vidéos institutionnelles. Un emploi qu’il occupe pendant cinq ans et qui lui permettra d’épargner une belle somme d’argent pour ses projets futurs.

«J’ai ensuite commencé à étudier le cinéma, c'est-à-dire l'écriture du scénario, la réalisation et la production, et suiviune formation au tournage de films. C’est ainsi que j'ai écrit le premier scénario que je n'ai pas réussi à concrétiser, faute de producteur.»

Mohamed El Badaoui

Cependant, il n’abandonnera pas. «J'ai écrit le deuxième scénario que j'ai décidé de financer moi-même ; mon premier film "Solei-man" qui a vu le jour en 2012. Je suis alors retourné au Maroc afin de le tourner», se rappelle-t-il.

Le scénariste et réalisateur marocain a alors choisi Al Hoceima pour ce film qui raconte la souffrance d'un enfant atteint de cancer, qui sévit dans le Rif. Pour le choix de cette thématique, Mohamed El Badaoui explique qu’il intervient étant donné qu’il est originaire de cette province «cinématographique», mais surtout car le Rif a «a besoin d’un développement culturel». «C’était le premier film professionnel tourné dans cette région et qui a participé par la suite à des festivals internationaux», ajoute-t-il fièrement. 

C’est aussi grâce à «Solei-man» que Mohamed El Badoui rencontrera un producteur espagnol au Festival de Cannes, qui lui demande de tourner un autre film : «Palestine», dévoilé en 2016. Devant être entièrement tournée dans la ville palestinienne d’Al Khalil de Cisjordanie, El Badaoui réussit finalement à convaincre son producteur de choisir son pays natal grâce aux images et séquences prises au Maroc.

Comme «Solei-man», «Palestine» est alors reçu avec les éloges de ceux qui s'intéressent au cinéma, bien que son réalisateur hésitait à le projeter au Maroc. «J'avais peur qu’il ne soit pas accepté par les Marocains, compte tenu du traitement du conflit palestino-israélien, car il évoque la coexistence», confie-t-il. Une crainte vite dissipée avec des échos positifs dès la projection du long métrage au Festival international de Rabat du cinéma d’auteur.

«Lalla Aïcha», un film à rôle social

A l’époque, et parallèlement au tournage de «Palestine», Mohamed El Badoui s’intéresse déjà au Rif, à travers un deuxième scénario. «Lalla Aïcha», son troisième long métrage dévoilé pour la première fois en décembre dernier au Festival international du film de Marrakech, relaye le vécu et les préoccupations de sa province natale. Il évoque ainsi l'absence d'emploi et les souffrances liées à la migration.

«Pour le casting, je suis allé dans les rues, les souks et les écoles du Rif pour choisir les acteurs qui participeront au film, étant donné que la région n’a pas de culture cinématographique. Mais j'ai rencontré de vrais talents qui n'ont besoin que d’un peu d'aide.»

Mohamed El Badaoui

Le réalisateur souligne que ce film «a un rôle social, car il essaie de développer culturellement le Rif». «Je me concentre sur les femmes en général et les femmes rifaines en particulier», justifie-t-il son choix. «Si nous ne parlons pas des femmes à travers le cinéma, qui en parlera ? C'est le rôle du cinéma», explique-t-il.

Quand à ses œuvres qui se distinguent par la présence de peu de dialogues, ainsi que par la forte présence de la mer, Mohamed El Badaoui explique qu’il «essaie d'être plus ouvert, d’évoquer plusieurs cultures et [se] concentrer sur les sensations». «Les sentiments et les émotions sont fortement présents dans mon travail car c’est l’amour qui nous permet de résoudre nos problèmes», ajoute-t-il.

Mohamed El Badaoui exprime aussi sa «grande fierté» de l'amour des gens du Rif pour lui et pour ses œuvres. «J’espère que leurs problèmes se terminent et qu’ils vivent dans le bonheur et la prospérité», conclut-il.

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