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Grand Angle

Maroc : La location, un tiraillement entre intermédiaires informels et pratiques légales

L’exercice de certains intermédiaires immobiliers, dits «semsara», est illégal au regard de la loi. Or, la pratique est courante et indigne souvent des locataires ou acheteurs, qui se disent arnaqués. Pour leur part, les associations de protection des consommateurs insistent sur l’application des lois en la matière.

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Photo d'illustration / DR
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Au Maroc, les pratiques des intermédiaires informels dans la vente ou la location immobilières sont répandues, particulièrement dans les grandes villes. D’ailleurs, nombre de citoyens s’y plaignent de leurs pratiques, entre arnaque et harcèlement.

Hidia, 27 ans, fait partie de ces locatrices indignées contre ces usages dont elle confie à Yabiladi avoir fait l’objet. «J’ai posté une annonce sur un site de location et un intermédiaire m’a appelée. Nous nous sommes mis d’accord sur un prix, en concertation avec le propriétaire de l’appartement. Mais par la suite, ce négociant m’a demandé de lui verser le même montant de loyer, ce que j’ai refusé», raconte-t-elle.

Et d’ajouter que l’homme en question, quoique travaillant dans l’illégalité, a commencé à «agir avec beaucoup de pugnacité». La pression est devenue telle que Hidia a fini par changer d’avis pour la location de l’appartement, afin d’éviter que les choses dégénèrent. Après l’intervention du propriétaire de l’appartement, un compromis a été trouvé.

Les péripéties ne se déroulent pas de la même manière pour tous les locataires, comme nous le confie pour sa part Ayoub, 26 ans. Celui-ci affirme à Yabiladi qu’en voulant louer un appartement, il est allé vers un serveur à Casablanca qui lui a fourni «une liste de numéros de téléphone mais qui appartenaient tous à des intermédiaires informels». «En appelant pour connaître leurs offres d’appartements, ils m’ont dit que la visite à elle seule était facturée 150 dirhams, ce que j’ai refusé, puisque cette demande n’a rien de logique», explique-t-il.

Un vide juridique sur le statut des intermédiaires informels

Ces pratiques sont décriées par les organisations de la société civile, à l’image de Mohamed Mghafri, président de l’Association marocaine pour la défense des droits des consommateurs. Il déclare à Yabiladi qu’«il existe en effet des intermédiaires opérant dans le respect du cadre légal, comme au sein des agences immobilières qui paient leurs impôts», mais qu’«il existe tout autant des travailleurs informels qui exercent dans l’illégalité».

Et d’ajouter que dans le cas des intermédiaires aléatoires, «aucune loi ne fixe des amendes pour les pénaliser, le processus se déroulant souvent à travers une concertation avec l’acheteur ou le locataire». «Ces personnes obligent désormais les clients à leur payer la visite de l’appartement, qu’ils le prennent ou non, même qu’ils doivent parfois leur verser une valeur égale à celle d’un mois de location, contrairement aux agences légales», indique l’associatif.

Concernant l’indemnisation des intermédiaires légaux, Mohamed Mghafri rappelle que l’article 419 du Code de commerce l’évoque, mais sans en fixer un pourcentage spécifique par rapport au prix du bien.

Cet article prévoit que «si le montant de la rémunération n’est pas déterminé par la convention ou par l’usage, le tribunal devra taxer, soit en vertu de son pouvoir propre d’appréciation soit à dire d’expert, d’après ce qui est pratiqué pour des services analogues et en tenant compte des circonstances particulières de l’affaire, telles que le temps et la nature du travail».

Mieux connaître les lois pour se préserver

Concernant les problèmes qui peuvent survenir entre les négociants informels et les locataires ou acheteurs, Mghafri explique à Yabiladi que la responsabilité incombe aux deux parties. «Des associations de protection des consommateurs organisent des conférences et des ateliers pour sensibiliser les citoyens sur l’importance de connaître les lois afin d’éviter de tomber dans des situations problématiques. Or, on ne recourt à leur expertise que lorsque des soucis sont déjà là et qu’il est parfois trop tard pour y remédier», constate-il.

Pour sa part, l’avocat Riad El Maleh déclare à Yabiladi que «les agences commerciales travaillent généralement dans le respect de la loi, ce qui n’est pas le cas pour le négociant informel s’activant à son compte et contre lequel il est difficile de ce fait d’établir des éléments de preuves à son encontre, si différend il y a, pour saisir la justice».

Economiste et président de l’association «Avec les consommateurs», Ahmed Bayoud tient responsables plutôt les personnes qui recourent à des intermédiaires informels au lieu d’aller vers des agences légalement constituées. Pour lui, «cette attitude contribue à renforcer un mauvais phénomène».

De plus, Ahmed Bayoud considère que même en ayant recours à des agences reconnues, «il est nécessaire que les acheteurs ou locataires demandent à celles-ci de prouver la légalité de sa médiation».

L’associatif souligne la nécessité pour les vendeurs, les acheteurs et les locataires de connaître la loi 31.08, qui prévoit des mesures de protection des consommateurs, ainsi que la loi 104.12 sur la libéralisation des prix et la concurrence, afin d’éviter d’être victime de fraude.

Aussi, il appelle les citoyens à revoir les lois avant d’entreprendre tout processus, mais aussi à consulter les associations de protection des consommateurs.

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