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Grand Angle

Maroc : Un bras de fer avec l’ANRT coûte au directeur de l’INPT son poste

Depuis trois mois, l’Institut national des postes et télécommunications (INPT) à Rabat fonctionne avec une direction par intérim. Pour cause, le directeur en poste jusque-là a été remercié par le gouvernement. Cette procédure serait entachée de vices de forme, ce qui pourrait la rendre irrecevable, selon le concerné.

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L’Institut national des postes et télécommunications (INPT) à Rabat / DR.
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Mohamed Cherif Chefchaouni a été directeur de l’Institut national des postes et télécommunications (INPT) pendant près de 16 ans. Mais le 2 octobre 2019, son mandat prend fin brusquement, lorsqu’il reçoit une correspondance signée par le ministre de l’Economie et des finances, Mohamed Benchaâboun, et par le chef du gouvernement, Saâdeddine El Othmani.

Sous forme de décret obtenu par Yabiladi, celle-ci porte en effet sur une «proposition justifiée du directeur général de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) au ministre de l’Industrie, du commerce et de l’économie numérique [Moulay Hafid Elalamy] daté du 20 juin 2019 et sur la base d’une correspondance du ministre, adressée au chef du gouvernement le 11 juillet 2019». Elle prévoit simplement que Mohamed Cherif Chefchaouni soit démis de ses fonctions à compter du 10 octobre 2019, ce que le concerné conteste auprès de Yabiladi.

Une démission survenue pendant une année universitaire en cours

«Une démission pareille ne peut être recevable en plein milieu de l’année universitaire en cours», nous explique-t-il, voyant en cette décision les conséquences d’une longue histoire de désaccords entre la direction pédagogique de l’INPT et celle de l’ANRT. A cette dernière, Cherif Chefchaouni reproche nombre d’«ingérence dans la gestion et le déroulement des modules de cours, outrepassant ainsi ses prérogatives et empiétant sur celles du conseil de l’établissement».

Obtenu par Yabiladi, un procès-verbal du Conseil de l’établissement (CE) dans sa session extraordinaire du 23 octobre dernier décrit quelques tensions entre l’INPT et l’ANRT, qui se répercutent sur le bon déroulement des cours.

«Le président du conseil de l’établissement a informé les membres de ce dernier que la direction générale de l’ANRT invite à dresser un inventaire des décisions prises par les instances de l’INPT où il est estimé qu’elle n’avait pas le droit de formuler des avis ou aurait décidé de suspendre son exécution (…) les points évoqués lors de la discussion des membres du CE ont été la lecture des textes de loi 01.00 et 59.10 et leur interprétation, la nomination des directeurs adjoints et du chef de la division informatique, ainsi que le rôle du CE dans la gestion de l’INPT», lit-on dans ce document.

La justice saisie après des grèves d’enseignants

Pour le directeur démis de ses fonctions, «la coopération entre l’INPT et les administrations de tutelle est la bienvenue, mais pas au détriment de l’indépendance des organes pédagogiques de l’institut». Selon lui, c’est cette prise de position qui lui aurait coûté son poste, bien que le bureau syndical des enseignants au sein de l’établissement ait appuyé ses démarches de gestion, en menant plusieurs grèves en 2019, auxquelles se sont parfois joints les étudiants eux-mêmes.

En effet, nombre de déclarations écrites du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) reprochent à l’ANRT d’«ignorer les revendications des professeurs et refuser de respecter le fonctionnement de l’institut conformément à ses textes législatifs (01.00 et 59.10) et les normes de l’enseignement supérieur en vigueur dans tous les établissements, malgré les nombreuses initiatives prises par le bureau syndical pour le dialogue avec cette administration».

Ainsi, des grèves ont été observées les 14 et 16 octobre 2019, le 3 décembre de la même année, puis un sit-in a eu lieu le 26 novembre devant l’administration de l’INPT. En cause aussi, le fonctionnement pédagogique de l’établissement qui se retrouve perturbé par plus d’un départ forcé, selon Mohamed Cherif Chefchaouni, expliquant que d’autres enseignants ont été «forcés» de partir à la retraite, quelques mois avant le départ légal. C’est d’ailleurs le cas du directeur lui-même, qui devait prendre normalement sa retraite dans un an.

Si le bureau du SNESUP a défendu le retour des enseignants en question à reprendre leurs fonctions, fin décembre dernier, cela n’est pas encore le cas, nous affirme Mohamed Cherif Chefchaouni, qui dit par ailleurs avoir intenté un procès auprès du tribunal administratif de Rabat.

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