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Grand Angle

Maroc : Des «guerrières» lancent une campagne pour une meilleure prise en charge du cancer

«Nous ne voulons pas mourir de cancer, nous voulons notre droit aux soins» est l’intitulé d’une campagne sur les réseaux sociaux. Lancée il y a quelques jours par des femmes survivantes ou en cours de traitement de cancer, elle montre l’étendu des conséquences des retards de rendez-vous et la pénurie de médicaments sur l’état des malades.

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Photo de la campagne pour l'accès aux soins d'oncologie. / DR
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Depuis quelques jours, un groupe de femmes se surnommant «les guerrières» postent leurs vidéos de témoignages sur les réseaux sociaux. Elles font part de leurs expériences d’accès aux soins et à la prise en charge de leurs cancers, dans le cadre de cette campagne qui exige la mise à disposition des médicaments nécessaires ainsi qu’une prise en charge rapide pour les séances de chimiothérapie et de radiothérapie.

Meryem El Hatimi, survivante après six mois de soins et membre parmi les lanceuses de cette campagne, raconte à Yabiladi que tout a commencé par la création d’un groupe Facebook par une MRE vivant en Italie. «Ça nous permettait d’échanger, de poser des questions et de trouver des réponses à nos interrogations. Par la suite, nous nous sommes dit pourquoi nous ne créerions pas un groupe WhatsApp», nous confie la jeune femme.

Les guerrières rappellent au ministère ses obligations

«L’une des administratrices à Marrakech a commencé à se confronter à une pénurie de médicaments, à chaque séance de chimiothérapie depuis le mois d’août, ce qui l’a même empêché de faire ses séances de manière régulière», raconte encore Meryem sur la naissance de cette campagne.

Désormais, les utilisatrices atteintes de cancer ou survivantes sont de plus en plus nombreuses à s’exprimer à visage découvert. Elles vivent à Oujda, Ouerzazate, Agadir, Safi, Marrakech, Salé, en Italie et en Belgique.

«Nous voulions faire une collecte de fonds pour elle, mais nos moyens n’ont suffi à lui couvrir que deux séances, sachant que chacune coûte 3000 dirhams, en plus de la radiothérapie qui atteint les 30 000 dirhams par séance, alors nous avons lancé une campagne sur Internet pour avoir plus d’impact et plus de visibilité, non pas pour lever des fonds mais pour exiger notre droit à l’accès aux soins gratuits.»

Meryem El Hatimi

En plus de cela, les revendications principales de cette campagne sont «la rapidité de prise de rendez-vous, le suivi continu, l’accompagnement psychique, l’accessibilité des transports dans les zones reculées pour les malades qui vivent loin des centres d’oncologie», entre autres.

Les initiatives de soutien se multiplient

La campagne des survivantes et des femmes atteintes de cancer révèle l’étendue des conséquences des failles au niveau de la prise en charge et de la disponibilité des médicaments, à travers une prise de parole directe des premières concernées, ce qui est un fait inédit sur la capacité de mobilisation dans ce cadre, qui n’est ni associatif, ni politique, nous explique Meryem.

Dans ce sens, des associations prennent l’initiative en espérant faciliter le processus au niveau local. C’est le cas de l’ONG «Le cancer...nous sommes tous concernés» à Tétouan. Son directeur, Mohamed Belkadi explique à Yabiladi que «le problème le plus courant qui met à mal l’état de santé des femmes cancéreuses est justement la pénurie des médicaments, le manque d’équipement qui rallonge la liste d’attente pour les traitements de radiothérapie ou encore l’absence de l’accompagnement psychique dans le cadre du protocole de soins».

«Les centres publics entièrement équipés et disposant d'équipe médicale spécialisée sont souvent loins. Donc nous nous occupons d’organiser les déplacements en coordonnant le transport pour les patientes de la région. Par ailleurs, celles et ceux qui n’ont aucune prise en charge sont accueillis par l’association, qui s’occupe de leur faire le RAMED.»

Mohamed Belkadi

Présidente de l’association Noussaiba pour les soins contre le cancer à Rabat, Khadija Belmokadem indique pour sa part que «les patientes sont souvent obligées d’acheter les médicaments elles-mêmes, ce qui leur est impossible». «A notre niveau, nous essayons de les aider autant que possible à surmonter ces difficultés, en collectant des dons, ce qui n’est pas pour autant suffisant», déplore-t-elle en décrivant «des malades qui souffrent en silence».

Par ailleurs, certains médicaments thérapeutiques sont tout simplement indisponibles au Maroc, chose qui encourage un marché de contrebande médicale, décrit Khadija Belmokadem.

Dans ces dynamiques, les guerrières espèrent que leur voix à l’unisson sera entendue au niveau du ministère de tutelle, pour combler les failles de l’accès aux soins et ainsi sauver des vies, auxquelles un retard de rendez-vous pourrait être fatal.

Article modifié le 09/12/2019 à 21h20

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