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Interview

Mariages précoces au Maroc : pour un changement des mentalités !

Pour lʼannée 2009, le ministère de la Justice a enregistré 33 253 actes de mariage de mineurs conclus. Ce chiffre est en légère hausse et représente plus de 10 % de tous les mariages au Maroc. Pour Hayat Bouffarrachen, chef de Division des affaires Féminines au ministère de la Jeunesse et des Sports, présidente Fondatrice de l'Organisation Marocaine de l'Equité Familiale (OMEF) et chercheur en développement social, lʼéradication des mariages des femme mineures doit passer par un éveil collectif des consciences.

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Yabiladi.com : Quel est votre sentiment par rapport à la hausse des mariages de filles mineures ?

Hayat Bouffarrachen : Cʼest un mélange de désolation et révolte qui mʼanime. Cette hausse constante reflète un Maroc à deux vitesses. Nous avons des citoyennes qui recueillent les fruits des avancées géantes vers lʼégalité des sexes. A côté, au 21e siècle au Maroc, il y a des enfants qui subissent une forme dʼexploitation, de martyre physique et psychologique. Des adolescentes sont en outre privées de leurs droits élémentaires à savoir aller à lʼécole.

En ce qui concerne les chiffres, permettez-moi de manifester mon indignation. Les autorités devraient faire le point sur ces milliers dʼenfants qui se marient au nom des traditions ou de lʼhonneur. Je suis persuadée que ces adolescentes le font par nécessité, par ignorance ou pour sortir dʼune précarité. Et cela malheureusement, avec les bénédictions des adultes voire même des représentants de lʼEtat au niveau local.

En tant que psycho-sociologue, que pensez-vous des juges qui accordent une autorisation de mariage pour les filles mineures ?

Effectivement, le législateur sʼest donné des moyens afin de pouvoir remédier aux cas  spéciaux  liés  par  exemple à des contraintes socio-économiques et socio- culturelles. Lʼarticle 19 du Code marocain de la Famille autorise les juges à accorder leur consentement pour un mariage pré- coce en se référant à une expertise médi- cale et une enquête sociale.

Mais l'aptitude au mariage est très souvent jugée seulement sur critères physiques. Il suffit que la jeune fille soit un peu forte avec des rondeurs et quʼelle ait eu ses règles pour que l'expertise soit favorable. Où se situe la frontière ?

Pour lʼenquête sociale, je doute quelle puisse réellement se faire, car il y a un manque cruel de personnels qualifiés pour cela. Les assistantes sociales sont encore très peu nombreuses. Je crois qu'aujourd'hui, cette tâche est attribuée aux «mkadems». 

La  perception  du  mariage est problématique. Tous les moyens sont bons pour encourager le mariage dʼune jeune fille. La preuve cʼest quʼun bon nombre de mariages sont conclus et conso més dʼune manière informelle au vu et au su de tout le monde. Cʼest une affaire de «la jamaa ou la Kbila». Les coutumes et les pressions sociales sont beaucoup plus influentes que la loi et la moudawana.

Et que proposez-vous ?

J'ai un appel à lancer en tant que militante mais aussi en tant quʼélue communale. Les querelles des «majalisses » et les petits calculs personnels ne feront pas avancer le pays, on nʼest pas élu pour être obsédé par la préparation des prochaines élections ! Jʼappelle  les  élus  locaux  à réagir et à mieux prendre en considération cette question. Il est  impératif de passer à l'acte. Cʼest avant tout le rôle des départements dʼEtat. Mais il faut conjuguer les efforts de tous pour contrecarrer ce problème sérieux et sensible qui met à mal la cellule familiale et accroît les problèmes sociaux.

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