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Interview

Youssouf Amine Elalamy, l'écriture comme bouffée d'oxygène d'un Marocain à New York

Youssouf Amine Elalamy a commencé à écrire de manière créative après avoir entendu la voix du narrateur de sa collection de nouvelles, «un Marocain à New York». Aujourd’hui, cet auteur de plusieurs romans à succès considère l'écriture et le processus artistique comme son oxygène. INTERVIEW.

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Youssouf Amine Elalamy, professeur universitaire et écrivain de renom. / Ph. DR
Temps de lecture: 4'

Auteur marocain de grande renommée, il avait attiré l'attention après la publication de son recueil de nouvelles, intitulé «Un Marocain à New York». Mais alors que Youssouf Amine Elalamy n’avait pourtant jamais voulu devenir un auteur, il était devenu accro à l’écriture après son premier roman à succès. Il a depuis publié dix autres ouvrages.

L’écrivain a également été le troisième président de PEN Maroc, filiale de PEN International, une organisation vouée à la défense des droits des auteurs en exil, persécutés ou emprisonnés.

Lorsqu'il n'écrit pas, Youssouf Amine Elalamy enseigne à l'Université Ibn Tofail de Kénitra et voyage à travers le monde pour des tournées et des conférences d'écrivains.

Quel est votre parcours et quelle est la manière dont votre enfance au Maroc a influencé votre travail ?

J’ai vu le jour et grandit ici au Maroc. À l'âge de six ans, j'ai intégré une école française, raison pour laquelle j'écris et publie en français et pas en arabe. Après avoir décroché ma licence puis ma maîtrise en littérature anglaise, j’ai obtenu une bourse Fulbright pour effectuer un travail de recherche à Manhattan, de 1991 à 1993. J'étais affilié à l'Université de New York. J'ai vécu tellement de choses que je ne connaissais pas lors de cette expérience.  

De retour au Maroc, après trois ans passés à New York, j’ai commencé à entendre une voix. C'était celle du narrateur dans «Un marocain à New York» ; quelque chose que je n'ai jamais expérimenté auparavant et que je n'ai jamais connu depuis. Je n'avais pas l'impression d'écrire mais plutôt de retranscrire ce que la voix me dictait. Et cela ne s'est jamais reproduit, malheureusement.

«Un Marocain à New York» est un récit autobiographique de votre séjour à New York. Quelle a été la réaction au livre, ici au Maroc ?

L'humour dans le livre a attiré beaucoup d'attention. C’était la première fois qu’un écrivain marocain se plaçait aux États-Unis et rien que cela était original en soi.

D'autre part, avant 1998, les écrivains marocains décrivaient leurs compatriotes à l’étranger comme le migrant, l’analphabète, le non-éduqué ou l’exploité… Ce qui n’est pas le profil de mon personnage. Le Marocain dans mon histoire est instruit et intelligent.

Beaucoup de personnes m'ont dit avoir aimé le livre parce que le narrateur se présente comme une personne à laquelle ils s’étaient identifiés. Pour certains, c’est «le grand frère» qu’ils «aimeraient avoir». C'était le meilleur des compliments.

Le livre a également été lu par de nombreux jeunes. Des gens qui ne lisent jamais d'habitude. C'était alors «très branché» et à la mode. Certains parents qui envoyaient leurs enfants aux États-Unis leur achetaient mon roman avant de partir comme une sorte de guide. C'était incroyable, surtout que j'étais complètement inconnu à l'époque. 

Dans votre livre «Les Clandestins», vous décrivez beaucoup de problèmes actuels et relatifs au Maroc. Qu'est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce roman ?

Tout a commencé avec un article que j'ai lu dans un journal et qui racontait qu'ils avaient trouvé plusieurs cadavres sur une plage. L’article était creux et sec à mon sens et n’évoquait pas ces êtres comme des humains mais plutôt comme des chiffres, ce que j'ai trouvé choquant. Il manquait donc cette dimension humaine. La littérature peut aider à retrouver cette dimension qui semble toujours faire défaut dans les médias. C'est ce que j'ai essayé de faire avec «Les Clandestins», parce que, pour moi, lorsque vous abordez la dimension humaine, vous créez de l’empathie.

Je fais la même chose avec mon nouveau livre «C'est beau, la guerre» (Le Fennec, 2019) qui traite la question des réfugiés de guerre. Lorsque vous lisez le roman, il diffère des images que vous voyez sur Internet car celles-ci sont toutes les mêmes ; des images de destruction. Vous finissez par ne plus les voir. Mais quand vous voyez cela à travers la conscience de l'esprit de vraies personnes qui sont là, c'est une autre histoire.

Vous êtes aussi connu sous le nom de YAE dans les milieux littéraires marocains, pourquoi ?

Les premiers attentats terroristes survenus à Casablanca en 2003 ont été un véritable traumatisme pour les Marocains. Après, nous avons eu deux tendances au Maroc : Islamistes et libéraux. Même les journaux ont reflété ces deux voies différentes. En tant qu'écrivain et intellectuel, je voulais écrire sur ce sujet. J’ai alors proposé de courts essais de création mais j’étais bloqué parce que je ne savais pas si je devais les envoyer à la presse, car la presse le présenterait comme l’une ou l’autre tendance.

C’était seulement mon point de vue, et je ne voulais pas être étiqueté. Quoi qu'il en soit, je parlais de mes problèmes avec un de mes amis éditeurs et il a proposé : «Pourquoi ne pas publier le journal de YAE ?». Nous avons donc publié les articles au format journal. La page de couverture était en noir avec le titre «Le Journal of YAE» (Editions Hors Champs, 2003) en gros caractères blancs.

Comment définissez-vous votre processus d'écriture ?

Ce que je fais habituellement quand j'ai une idée, c'est de commencer des recherches comme si j'écrivais un article académique. Car je veux que tout ce que j'écrive soit substantiel. Bien évidemment, vous avez toujours besoin de cette étincelle créative, car sans cela, vous écrivez simplement un essai.

Quel est votre conseil aux jeunes auteurs et quelle la place de l’art pour vous ?

Pour moi, l’art est une question de survie. Je ne peux pas vivre sans art, sans créer. Si je cesse de créer pendant seulement quelques jours, je me sens déprimé. C'est mon oxygène et mon équilibre psychologique.

Quant aux jeunes artistes, je leur dis que la chose la plus importante est de trouver son processus et découvrir son propre fonctionnement. J'ai découvert comment je fonctionne et c'est pourquoi je n'ai pas de blocage d'écrivain. 

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