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Grand Angle

Maroc : Nouveau plan national contre la mendicité des enfants, encore un espoir douché ?

En 2004, le ministère du Développement social, de la famille et de la solidarité avait promis que la mendicité des enfants ne serait plus tolérée. Près de vingt ans plus tard, l’ampleur du phénomène ne s’est cependant pas affaiblie.

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Une femme mendiant avec une petite fille. / Ph. Yannis Behrakis – Reuters
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«L’Etat ne prend pas suffisamment au sérieux le problème de la mendicité des enfants.» Ce constat, formulé auprès de Yabiladi par Amina L’Malih, directrice de l’association de protection de l’enfance Bayti, pourrait être amené à évoluer. C’est en tout cas ce qu’espèrent les associations de défense des droits de l’enfant au Maroc. Mardi 19 novembre à Rabat, la ministre de la Solidarité, du développement social, de l’égalité et de la famille, Jamila El Moussali, a en effet annoncé la présentation, prochainement, d’un plan d’action national pour la lutte contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité, indique l’agence MAP.

Le ministère se penche sur l’élaboration de ce plan de concert avec les divers partenaires dans l’optique d’une meilleure protection des enfants contre l’exploitation dans la mendicité, a expliqué la ministre en réponse à une question orale sur le phénomène des enfants de la rue, présentée par le groupe de l’UMT à la Chambre des conseillers.

C’est qu’il y a encore beaucoup à faire au vu de l’ampleur du phénomène. L’association Bayti reconnaît ne pas être en mesure de fournir des statistiques officielles sur le nombre d’enfants qui mendient, mais souligne que si le phénomène a quelque peu régressé ces dernières années, il persiste toujours faute d’une politique adéquate. «Même la politique publique intégrée de protection des enfants n’a toujours pas vu le jour», déplore Amine L’Malih.

Reproduction sociale

Quinze ans que les responsables politiques promettent des plans d’action pour la lutte contre l’exploitation des enfants. «La mendicité exploitant les enfants ne sera plus tolérée», promettait en 2004 Abderrahim Harouchi, alors ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité. Près de vingt ans après cette annonce, qu’en reste-t-il ? «Cela fait des années qu’on réclame l’élimination de l’exploitation des enfants, parfois même par leurs parents qui les poussent à mendier, mais rien n’a été fait à ce jour», déplore Amina L’Malih. L’association Jood pour la dignité des sans abri faisait quant à elle état d’un phénomène de reproduction sociale au sein de la population mendiante, indiquant que la mendicité se reproduit au Maroc depuis quatre générations, jusqu’aux arrière-grands-parents.

«On a tenté à plusieurs reprises de prendre en charge ces enfants, en vain, car ils représentent une source précieuse de revenus pour leurs parents, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants handicapés. On ne peut pas demander aux adultes de ne pas mendier tant qu’il n’y a pas d’alternative pour eux, mais on peut interdire l’exploitation des enfants.»

Amina L’Malih

Pour rappel, le Code pénal considère la mendicité comme un délit contre la sécurité publique. L’article 326 punit de 1 à 6 mois de prison «quiconque ayant des moyens de subsistance ou étant en mesure de se les procurer par le travail ou de toute autre manière licite, se livre habituellement à la mendicité en quelque lieu que ce soit».

247 000 enfants exerçaient un travail en 2017

Il n’empêche que la rue n’est pas le seul terrain d’exploitation des enfants. D’après une enquête du Haut-Commissariat au Plan (HCP) réalisée en 2017, sur les 7 049 000 enfants âgés de 7 à 17 ans, 247 000 exercent un travail. Parmi ces derniers le travail est estimé dangereux pour 162 000 enfants, soit un taux d’incidence de 2,3 %.

Le HCP soulignait que le travail dangereux demeure concentré dans certains secteurs économiques et diffère selon le milieu de résidence : en zones rurales, ces enfants sont essentiellement employés dans le secteur de «l’agriculture, forêt et pêche» (à hauteur de 82,6%). En revanche, en villes, ils sont concentrés dans les «services» (52,7%) et dans «l’industrie y compris l’artisanat» (32%). De plus, les secteurs où le niveau d’exposition des enfants aux risques est le plus élevé sont, le secteur des BTP avec 92 %, suivi de «l’industrie y compris l’artisanat» (83,7 %), les «services» (82,4 %) et «l’agriculture, forêt et pêche» (58,6 %).

Par ailleurs, cette étude indiquait que quatre régions du Royaume abritent 7 % des enfants astreints à ces travaux dits dangereux. La région de Casablanca-Settat vient en tête avec 25,3%, suivie de Marrakech-Safi (20,3%), puis Rabat-Salé-Kénitra (12,7%) et enfin la région de Fès-Meknès avec 11,7%. Parmi les enfants de sexe masculin, un nombre de 132 000 exercent un travail dangereux. C’est le cas également de 31 000 filles. L’enquête précisait également que 10,6% des enfants exerçant un travail dangereux étaient en cours de scolarisation, 81,4% avaient quitté l’école et 8% ne l’avait jamais fréquentée.

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