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Grand Angle

La santé à l’épreuve du réchauffement climatique : Quels coûts pour les enfants de demain ?

Une étude publiée aujourd’hui dans la revue médicale The Lancet alerte sur les conséquences du changement climatique, notamment la pollution, sur la santé des plus jeunes. Leur système immunitaire en plein développement est en effet plus vulnérable que celui des adultes.

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Photo d'illustration. / DR
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Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Cette question, qui inquiète autant qu’elle interroge notre rapport à l’environnement et à notre mode de consommation, peut aussi en amener une autre : au rythme actuel des perturbations climatiques, comment se porteront les enfants de demain ? Car si rien n’est fait concrètement contre le réchauffement climatique, la santé des enfants qui naissent aujourd’hui sera de plus en plus compromise et ce, sur le long terme.

Plusieurs chercheurs tirent en effet la sonnette d’alarme dans un rapport publié ce jeudi 14 novembre dans la revue médicale The Lancet, à quelques semaines de la COP25, prévue du 2 au 13 décembre à Madrid. Intitulé «Compte à rebours sur la santé et le changement climatique», il prend en compte 41 indicateurs dans cinq domaines : les répercussions, les expositions et la vulnérabilité face aux changements climatiques ; l’adaptation, la planification et la résilience en matière de santé ; les mesures d’atténuation et les co-bénéfices pour la santé ; l’aspect économique et financier ; et l’engagement public et politique.

Dans l’édition 2019 de ce rapport annuel, relayé par Le Monde, les chercheurs s’intéressent aux effets du réchauffement climatique chez les plus jeunes. Leur constat est sans équivoque : «Un enfant né aujourd’hui va connaître un monde plus de quatre degrés plus chauds que la moyenne de la période préindustrielle, le changement climatique affectant la santé humaine dès l’enfance et l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte et à la vieillesse.»

Et d’ajouter plus loin : «La vie de chaque enfant né aujourd’hui sera profondément affectée par le changement climatique. Sans intervention plus rapide, cette nouvelle ère, caractérisée par des conditions changeantes, va définir l’état de santé des personnes à chaque étape de leur vie.»

Un organisme en développement et donc plus vulnérable

Au Maroc, comme partout ailleurs, les effets du réchauffement climatique se font d’ores et déjà ressentir. Le bassin méditerranéen est en proie au plus fort taux de réchauffement de la planète ; il se réchauffe 20% plus vite que le reste du globe. La surexploitation des ressources, l’érosion des sols, les sécheresses répétées qui impactent la production de blé sont autant d’effets déjà palpables. Mais encore : «Pendant l’adolescence et après celle-ci, la pollution de l’air, principalement favorisée par l’utilisation de combustibles fossiles et aggravée par le changement climatique, a des effets négatifs sur le cœur, les poumons et tous les autres organes vitaux. Ces effets s’accumulent au fil du temps, et jusqu’à l’âge adulte», soulignent les auteurs de l’étude.

«La pollution de l’air n’a pas un lien de causalité direct. C’est un élément parmi beaucoup d’autres», précise auprès de notre rédaction Amine Boutaleb, médecin résident en cardiologie au CHU Ibn Rochd de Casablanca. «Les enfants risquent d’avoir plus de problèmes d’ordre respiratoire que cardiovasculaire. Les poumons contiennent un surfactant, une petite substance visqueuse, gélatineuse, qui recouvre les alvéoles pulmonaires. Le fait que ce surfactant ne soit pas tout à fait développé chez les enfants, dont l’organisme est en développement, peut favoriser l’émergence de maladies respiratoires», ajoute le médecin.

C’est également l’accumulation, sur le long terme, de tout un ensemble de produits toxiques et chimiques, comme le souffre ou le monoxyde d’azote, qui peut, à terme, provoquer des problèmes respiratoires et cardiovasculaires. «Quand on respire un air pollué, les particules fines dont l’air est imprégné viennent se déposer sur les alvéoles. Certaines de ces particules traversent la barrière alvéolaire et passent dans le sang. Au fur et à mesure, elles vont se développer au niveau de toutes les artères du corps, notamment les artères carotides et coronariennes, et peuvent contribuer à déclencher un infarctus du myocarde», explique Amine Boutaleb.

Une pollution à géographie variable

Un autre facteur entre également en considération : le lieu où l’enfant va grandir. Par exemple dans la région de Casablanca-Settat, d’après les cartes interactives mises à jour quotidiennement par Maroc Météo, l’indice de la qualité de l’air fait état d’un air fortement pollué à Mohammedia et aux alentours, en raison des rejets d’usines.

«La santé des personnes qui vont grandir dans ce genre d’endroit sera forcément plus affectée par une pollution responsable d’une atteinte aiguë, c’est-à-dire qui va avoir une action immédiate sur la santé de l’enfant, comme une bronchite et une pneumonie.»

Amine Boutaleb

 

Il ajoute : «Le plus dangereux dans la pollution, c’est l’accumulation des particules et de surcroît dans le temps. C’est le cumul de ces deux éléments qui est nocifs pour la santé.»

De son côté, Rachid El Khettar, allergologue et pneumologue, indique que «certaines études prouvent qu’il y a bien un lien étroit entre les infections récidivantes et les enfants, principalement au niveau des voies aériennes supérieures et inférieures». «La pollution de l’air, renforcée par les gaz d’échappement, surtout à Casablanca, peuvent provoquer chez les enfants plus d’otites, de rhinites et de rhinopharyngites. Si rien n’est fait, on risque de constater une accumulation d’infections respiratoires. On ne parle même pas d’allergies, mais de phénomènes inflammatoires liées à l’inflammation qu’entraîne la pollution», ajoute Rachid El Khettar.

Les bronchites à répétition, redoutées par le pneumologue, traduisent ainsi une altération de la fonction pulmonaire qui peut perdurer à l’âge adulte si l’enfant, puis l’adolescent, se maintient dans un environnement très pollué, prévient enfin Rachid El Khettar.

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