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Grand Angle

Santé, quotas : La France durcit sa politique migratoire

Les demandeurs d’asile vont voir leur accès à la santé restreint. La plupart des soins seront désormais à leur charge malgré leur précarité.

Publié
Le Premier ministre Édouard Philippe. / Ph. Lucas Barioulet – AFP
Temps de lecture: 3'

Le gouvernement français vient-il de franchir un nouveau cap dans le durcissement de sa politique migratoire ? C’est en tout cas ce que laissent entrevoir certaines des vingt mesures annoncées ce mercredi 6 novembre par le Premier ministre Édouard Philippe, même si, comme le souligne Le Monde, la plupart de ces dispositions ont déjà été annoncées, voire sont déjà en vigueur.

Un nouveau cap qui confine donc en réalité à un recyclage d’annonces. Le gouvernement met en effet en place deux mesures déjà dévoilées récemment par la ministre de la Santé Agnès Buzyn : les demandeurs d’asile devront désormais attendre trois mois avant d’avoir accès à la protection universelle maladie (PUMa) quand, aujourd’hui, ils y ont accès dès l’enregistrement de leur demande. Une mesure censée lutter contre ce que l’exécutif considère comme du «tourisme médical» auquel s’adonneraient certains migrants, attirés par la gratuité des soins en France. Les demandeurs d’asile continueront toutefois d’avoir accès, avant ce délai de trois mois, aux soins urgents dans le cas de maladies ou d’accidents engageant le pronostic vital par exemple. Un décret devrait par ailleurs réduire la durée de maintien de la PUMa de douze à six mois pour les demandeurs d’asile déboutés.

«Pour les autres maladies ou soins, il n’y aura aucune autre couverture. En clair, toute consultation médicale pour une grippe pouvant déboucher sur une bronchite ou une forte fièvre, par exemple, sera à leur charge», déplore Claudia Charles, juriste et chargée d’étude au Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), contactée par Yabiladi. «Les diverses associations de protection des migrants ont pourtant déjà tiré la sonnette d’alarme depuis fort longtemps en prévenant que ces personnes, à défaut d’être soignées, risquent de développer des pathologies plus graves qui nécessiteront plus de soins, plus de temps et plus d’argent public», fait-elle remarquer.

«On va donc précariser des personnes qui le sont déjà énormément du fait de la politique de non accueil et de restriction des droits mise en place aujourd’hui en France à l’égard des demandeurs d’asile. Beaucoup sont livrés à eux-mêmes, dorment dans la rue, parce qu’il n’y a pas suffisamment de structures et de politiques publiques mises à leur disposition.»

Claudia Charles

Des droits relatifs et plus universels

Myriam Laïdouni-Denis, conseillère régionale d’Auvergne-Rhône-Alpes et membre de l’Association nationale des villes et territoires accueillants (ANVITA), s’interroge quant à elle sur la manière dont ces «urgences» vont être évaluées. «On va donc avoir des gens qui risquent d’arriver avec des pathologies du fait de leur périple et on va les laisser trois mois sans rien. Par exemple une personne qui a un début de cancer, eh bien on laisse courir et on l’expulse dans son pays ? Cette manière de traiter différemment les individus dans l’accès au soin est gravissime d’un point de vue éthique. Des êtres humains étant sur un même sol mais n’ayant pas les mêmes droits ; on est presque sur un régime d’apartheid», dénonce cette militante.

«On se moque des droits de l’Homme et du principe d’universalité qui va avec. Ces droits deviennent désormais relatifs et n’ont plus rien d’universels. On est en train de tuer l’éthique qui était la sève de la déclaration des droits de l’Homme.»

Myriam Laïdouni-Denis

Sur les suspicions de fraude, Claudia Charles se montre sceptique. «Dans les faits, on ne peut pas parler de fraudes massives, préoccupantes, qui justifieraient la réduction de l’accès à la santé alors même qu’il s’agit d’un droit fondamental», estime la juriste. «Ces gens qui arrivent chez nous ont eu un périple tellement éprouvant qu’ils sont dans un état de santé physique et mentale désastreux. S’il y a bien un moment où ils doivent être pris en charge, c’est bien lorsqu’ils arrivent», revendique Myriam Laïdouni-Denis.

Quotas migratoires

Autre objet de mécontentement pour les associations : la ministre du Travail Muriel Pénicaud a parlé, mardi, de «quotas» ou d’«objectifs chiffrés» d’accueil de nouveaux arrivants dans des filières professionnelles en tension dont la liste, qui date de 2008, sera actualisée dès cet été, précise Le Monde. L’instauration de quotas d’immigrés économiques a d’ailleurs été confirmée ce mercredi par Édouard Philippe.

L’objectif est de fixer chaque année par un arrêté les quotas de personnes qui pourront venir travailler de l’étranger dans des secteurs qui manquent de main-d’œuvre, sans que l’employeur ait à prouver qu’il n’arrive pas à embaucher des résidents français, indique L’Obs. Ces quotas seront fixés après consultation des parlementaires.

Là encore, Myriam Laïdouni-Denis fustige «une forme de marchandisation de l’être humain». Elle conclut : «Avec la question des quotas, en gros, la France va faire son marché : elle ne va garder seulement ceux dont elle a besoin comme si c’était à l’humain d’alimenter une machine économique alors que théoriquement, c’est l’économie qui est plutôt au service des êtres humains. Tout est fait pour -passez-moi l’expression- éjecter toutes les personnes qui n’ont pas de valeur économique aux yeux de notre pays.»

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