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Grand Angle

Quartiers de Fès : Dans les ruelles du passé

Andalou, Al Quaraouiyine, chaque quartier porte le nom de son peuple fondateur. La ville ancienne s’est aujourd’hui appauvrie et souffre des affres du temps.

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Une très grande partie de l’histoire de Fès s’est jouée dans les dédales quasi infinis de la vieille médina. Ce vaste espace qui constitue de nos jours «un Fès dans Fès» renferme les quartiers fondateurs de la ville. Alors que la famille Fihri, originaire de Kairouan, dans l’actuelle Tunisie, s’est établie dans le «quartier Qaraouine», les musulmans chassés de l’Andalousie ont abouti dans le «quartier Andalou». Ces deux quartiers se trouvent dans la vieille médina, contrairement à «Fès Jdid» et son «Mellah».

L’influence andalouse. A partir de 817-818, près de 800 familles andalouses chassées de Cordoue, en Espagne, descendent à Fès et s’installent dans ce qui sera bientôt appelé le quartier Andalou. «Plusieurs vagues de refugiés sont arrivées dans la ville, mais c’est au XVIe et XVIIe siècles que les plus grandes vagues sont venues s’installer», raconte l’historien Abdelilah Benmlih, soit au moment de la «Reconquista» chrétienne de l’Espagne.

L’asile obtenu, ces musulmans impriment la civilisation arabo-andalouse dans cette partie de l’ancienne médina. Ce quartier se distingue par rapport aux autres qui se trouvent dans cet espace historique. Il dispose de rues principales assez larges, contrairement aux interminables ruelles de la médina. Les immeubles témoignent de l’influence andalouse, aussi bien dans leur forme architecturale que dans leur décor. La mosquée des Andalous reste le principal lieu de convergence dans ce quartier devenu aujourd’hui très commerçant. 

Al Quaraouiyine. En face des Andalous, se dresse le quartier Quaraouiyine. Il doit son nom à ses habitants fondateurs : les familles Fihri originaires de Kairouan. Au IXe siècle, environ 2000 familles bannies de Kairouan viennent trouver refuge à Fès, gouvernée par les Idrissides. Après leur installation, les Fihri, appelés désormais Fassi Fihri, bâtirent la fameuse mosquée Al Quaraouiyine. La mos- quée va se transformer en université pour devenir l’une des premières dans le monde et réussit à rayonner dans tout le Maghreb. C’est dans ce quartier Quaraouine que se trouve également le Mausolée de Moulay Driss, à une cinquantaine de mètres de l’université Al Quaraouiyine.

«Il fut un temps où chaque quartier constituait un Etat. Ce sont les Almoravides qui ont unifié toute la ville», indique l’historien Abdelilah Benmlih. Les Mérinides vont, à leur tour construire une ville nouvelle, en dehors de la médina : Fès Jdid ou Médina El Beida (la ville blanche), édifiée au XIIIe siècle. Au sein de celle-ci prendra place un autre quartier, à l’ombre du palais royal, qui a également joué un rôle important dans l’histoire de Fès : le Mellah ou le quartier des juifs.

 Le Mellah. Mellah provient de l’arabe «melh» ou sel. Il désigne le lieu où sont conservés des produits à l’aide du sel. Le Mellah était donc un quartier particulièrement connu pour son commerce de sel. En 1438, sous la dynastie des Almohades, le sultan Moulay Yacoub décide d’installer les juifs de Fès dans ce quartier situé derrière son palais. L’objectif : les protéger de la persécution.

Les juifs, à en croire les différentes versions des historiens, étaient également chargés depuis leur Mellah, «de saler les têtes coupées des contestataires et autres révoltés contre le régime en place avant quelles ne soient exposées sur la place du marché». Plusieurs villes du Maroc ont leurs propres quartier Juif, appelé par mimétisme Mellah.

Aujourd’hui, le Mellah de Fès, le plus ancien au Maroc, ne compte pratiquement, plus de juifs. Difficile d’en rencontrer. «Nous avons trouvé les juifs ici, mais maintenant ils ne sont plus là», témoigne une habitante musulmane du Mellah.

Ce quartier touristique, devenu commercial et résidentiel cache, aujourd’hui, une très grande misère. Il suffit d’oser affronter ses ruelles sombres et étroites pour s’en apercevoir. «Il y a trop de misère ici. Personne ne travaille et les habitants du quartier sont souvent victimes d’agressions», proteste Nezha Chelli, âgée de 50 ans et qui a passé une bonne partie de sa vie dans ce Mellah.

En pénétrant dans ces vieilles bâtisses, le visiteur craint de les voir s’effondrer sur lui. «Les murs sont fissurés et certains tombent de temps en temps. Ce risque est toujours présent, lance une mère de famille qui assure ne pas bénéficier des retombées touristiques, nous ne savons pas où va l’argent de ce tourisme.»

L’amer sentiment d’habiter dans un monde révolu qui ne sert plus qu’au plaisir des touristes est partagé par les habitants du Mellah et de la médina. Le réaménagement de tous ces sites historiques est plus que nécessaire. Les vieilles maisons ont de plus en plus de mal à résister à l’humidité, aux intempéries et au poids de l’âge. Chaque maison qui disparaît emporte avec elle toute une histoire. 

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