Interview – Rencontre Benkirane-Rajoy : « Fini le populisme, place à la realpolitik ! »

Yabiladi.com : Pensez-vous que, lors de cette visite de Rajoy, le Maroc est en position de force face à l'Espagne ?

BLG : Ce serait une erreur que de  considérer cette visite comme un match avec un gagnant et un perdant. La logique-naturelle entre voisins exige une autre vision. Il faut restaurer cette logique-naturelle qui n’a pas été fréquemment présente dans nos relations. Pourquoi parler de position de force ? Parce que le Maroc peut dire non à l’accord de pêche ? Je ne crois pas. A en juger certaines déclarations des autorités marocaines, le royaume semble plutôt intéressé à le renouveler.
L’accord de pêche doit être bénéfique pour le Maroc, naturellement, sans oublier aussi les populations locales sahraouies. D’ailleurs, c’est sur ce dernier point que le Parlement européen a insisté avant d’opposer son veto. Une plus grande autonomie du Sahara, comme le propose le plan d’autonomie marocain, permettrait à ces populations de tirer davantage profit de cet accord de pêche.
Globalement, l’avenir des deux pays est tellement lié, qu’il serait irresponsable de la part de Rajoy ou de Benkirane de faire des concessions démagogiques ou populistes à certaines franges de l’opinion publique qui ne cherchent qu’à torpiller les relations.  

Sur quels points le Maroc peut-il insister pour «équilibrer» le jeu face à l'Espagne?

Insister sur des pourparlers francs  sur toutes les questions liées aux relations entre l’Espagne et le Maroc, sans tabous et dans le respect des positions de l’autre. La realpolitik finira par s’imposer. Le PP n’est pas «l’ami du Polisario» pour demander «l’autodétermination des sahraouis», pas plus que le PSOE, car c’est cela la position internationale. Mais je pense que cette question d’autodétermination peut-être résolue en accordant plus «d’autogouvernement» aux sahraouis. Ce qui n’a pas encore été essayé par le Maroc.
De toute évidence, le PP ne va pas saboter les intérêts marocains, sachant que c’est un dossier vital pour le Maroc et les Marocains. Mais il ne faut pas oublier que les Sahraouis, sont en ligne avec l’esprit de la nouvelle constitution.

La question de Sebta et Melilla peut-elle s'inviter lors de cette visite?

Pourquoi pas ? C’est ce que j’ai évoqué plus haut en parlant de pourparlers francs sur toutes les questions liées aux relations entre l’Espagne et le Maroc, sans tabous et dans le respect des positions de l’autre . La question de Sebta et Melilla est un contentieux. Les deux pays n’ont pas les mêmes positions, pour des raisons propres, de part et d’autre. Mais, comme sous Hassan II, une «entente» peut-être trouvée pour permettre la création de richesses et le développement des régions limitrophes comme la Jebala et le Rif.