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Grand Angle

Maroc : L’approche sécuritaire pour brimer les libertés individuelles, grande absente du débat ?

En présentation du Collectif 490, ses membres ont souligné que leur plateforme ambitionne d’élargir le débat sur les libertés individuelles et les lois restrictives qui les briment. Dans un contexte où les poursuites contre Hajar Raïssouni ont accéléré ce lancement, l’initiative se saisit encore peu de la dimension sécuritaire de ces lois.

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Conférence de présentation du Collectif 490, le 14 octobre 2019 à Casablanca / Ph. Ghita Zine (Yabiladi)
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Issu des signataires du manifeste des «Hors-la-loi» pour l’abrogation de l’article 490 du Code pénal marocain qui criminalise les relations sexuelles hors-mariage, le Collectif 490 a donné les grandes lignes de ses actions, ce lundi. En marge d’une conférence de presse tenue à Casablanca, la co-rédactrice du texte, Sonia Terrab, explique à Yabiladi que l’affaire Hajar Raïssouni «a été l’élément déclencheur pour lancer le manifeste, mais l’idée est de montrer qu’il existe plusieurs cas et qu’il est nécessaire de prendre la parole sur ces questions». «Par périodicité, les scandales se succèdent et il faut passer le cap de la dénonciation pour proposer une réflexion», affirme l’écrivaine, journaliste et réalisatrice.

Dans cette dynamique à laquelle a pris part l’ancien prédicateur Abdelouahab Rafiki, celui-ci souligne que les crispations autour de la question «ne sont pas religieuses, contrairement à ce qu’avancent certains préposés en faisant miroiter une opposition de la religion avec le combat pour les libertés individuelles, qui serait selon eux l’apanage de personnes foncièrement opposées à la religion dans la vie publique». Se contredisant par ailleurs avec des discours qu’il a tenus précédemment, il affirme auprès de Yabiladi que «la société est prête à se saisir de ces thématiques et on ne peut pas avancer le contraire».

Membre du collectif, Karima Nadir souligne dans ce sens que le débat revêt plusieurs aspects : sociétaux, politiques, religieux, mais également sécuritaires. «Il se trouve que le contexte implique de mettre en avant les libertés individuelles dans leur dimension sociétale, mais cela ne veut pas dire que c’est un déterminant de l’identité du Collectif 490», déclare la militante à Yabiladi.

«Certes, la dimension sociétale de toutes les libertés s’impose, mais je ne dirais pas que demain nous nous saisirons des libertés publiques, bien que pour nous la plateforme défende les libertés avec un grand L.»

Karima Nadir

Concernant le traitement du débat sous différentes approches, Karima Nadir n’éloigne aucune contribution : «Nous avons déclaré depuis le début que nous sommes ouverts à toute personne qui trouve dans cette dynamique matière à débattre, dans les règles de l’art, que ce soit d’un point de vue social, politique, religieux ou même économique.»

A quand une réaction des institutions religieuses et un débat sur les dimensions sécuritaires ?

Karima Nadir lance ainsi un appel aux institutions religieuses : «Nous appelons les responsables religieux à prendre part au débat et nous considérons que les différentes composantes de la société marocaine évoluent, d’où qu’elles soient issues, autour de lois qui ne représentent même pas un socle de valeurs religieuses mais qui puisent leurs sources dans des dispositions coloniales

Cela dit, le grand absent du débat reste le côté politique et sécuritaire, quasiment eclipsé de l’ordre du jour, en plus du suivi de proximité des affaires encore en cours devant la justice. A ce propos, le journaliste Abdellah Tourabi et membre du collectif explique : «Des personnes engagées parmi nous ont assisté à des sit-in de solidarité avec Hajar Raïssouni, dans la limite du possible selon les disponibilités des uns et des autres. Des centaines d’autres personnes sont poursuivies pour soupçons d’avortement ou de relations hors-mariage et nous souhaitons que cela ne se reproduise plus.»

Dans le cadre du procès de Hajar Raïssouni, des acteurs associatifs la soutenant, notamment l’Association marocaine des droits humains (AMDH), ont dénoncé un «usage aléatoire de la surveillance téléphonique», suggérant que la journaliste d’Akhbar Alyaoum «aurait été soumise à ce dispositif dans le cadre de l’obtention de preuves à son encontre». «Traiter les dispositifs de surveillance mobilisés à des fins de restriction sur les libertés individuelles demande plus de moyens, mais cela pourrait se développer au sein du Collectif 490. Pour le moment, nous demandons déjà une application stricte des lois dans le cadre du respect de la dignité humaine», soutient de son côté Abdellah Tourabi.

Et Sonia Terrab d’ajouter : «Ces lois sont instrumentalisées dans des cas de vengeances politiques, personnelles et au quotidien selon les témoignages que nous recevons depuis le lancement de la plateforme. Nous tendons à dire que quelque soient les motivations, ces poursuites n’ont plus lieu d’être et nous ne renions pas la dimension politique de ces instrumentalisations.»

En dehors du cas de Hajar Raïssouni, l’ONG Amnesty International a publié un rapport sur cet aspect, indiquant que des acteurs associatifs, des militants et des journalistes marocains, notamment l’historien Maati Monjib ou encore l’avocat Abdessadek El Bouchtaoui, auraient été soumis à ce type de surveillance, en dehors du cadre de la procédure à cet effet.

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