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Grand Angle

Les 10 plaies de Casablanca #5 : «Poubelle la vie», un feuilleton à la Casanegra

Quel point commun entre les 10 plaies d'Egypte et les 10 plaies de Casablanca ? Si on écoute de nombreux Casablancais, la réponse est évidente : l'apocalypse. La ville ogresse n'a jamais laissé indifférente ses habitants, mais ces dernières années, beaucoup de voix appellent à un peu plus de douceur pour que Casa redevienne la Blanche. Cette série d'articles propose une plongée dans les méandres d’une cité partagée entre crimes et châtiments.

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Des déchets jonchant les rues à Casablanca. / DR
Temps de lecture: 2'

Impossible de ne pas les remarquer tant ils jonchent le sol et s’affalent aux pieds des bennes dont ils débordent : à Casablanca, les déchets sont partout. Difficile en revanche de dénicher des poubelles publiques – les rares qui campent les rues font peine à voir. Qu’à cela ne tienne, Nabil Bazine a pris le taureau par les cornes : cet architecte de formation fait partie du groupe Facebook «Action Casa» avec lequel il organise régulièrement, depuis deux ans, des actions de ramassage des déchets.

Place des Nations unies, corniche et plage d’Ain Diab, marché de Benjdia… Le choix des lieux à nettoyer fait l’objet d’un vote des participants, lesquels tentent ainsi par leurs actions d’amortir «la frustration qu’ont les Casablancais de vivre dans une ville qui n’est pas du tout à la hauteur de leurs ambitions», nous dit Nabil Bazine. «L’idée, c’est de créer une action de nettoyage qui fasse l’effet boule de neige, de faire bourgeonner tout ça. Dans ce sens, des cellules de nettoyage ont été mises en place dans différents quartiers de Casablanca», ajoute-t-il.

Une catastrophe nommée Médiouna

Pour Nabil Bazine, la problématique réside dans l’absence d’une politique organisée de ramassage des déchets : «Les techniciens ne sont pas suffisamment formés à la gestion des déchets dans une ville comme Casablanca. Est-ce qu’ils peuvent estimer la quantité de poubelles publiques nécessaire par km² et par habitant, la fréquence des tournées et le nombre de camions ? Ce sont des choses très techniques qui nécessitent une formation.» Et de poursuivre : «Même si les autorités locales se montrent volontaires et enthousiastes – on le voit lors de nos actions –, l’encadrement des techniciens reste très insuffisant. Il aurait fallu faire en sorte que la quantité de déchets générés par le citoyen soit réduite à la source : on pourrait par exemple mettre en place des systèmes de compostage communautaires, en l’occurrence pour les épluchures de fruits et légumes, ou une taxe dans le but d’inciter les consommateurs à réduire leurs déchets, ce qui permettrait à la commune de payer moins de délégataires et d’être plus économe dans sa gestion de la propreté de la ville et, in fine, de gérer moins de déchets dans la décharge.»

Justement, parlons-en de la décharge : celle de Médiouna ingurgite quotidiennement plus de 3 200 tonnes de déchets dont elle recrache ensuite les fumées toxiques et les lixiviats. Véritable catastrophe écologique et sanitaire, elle devait être temporaire à sa mise en place en 1968. Mais le temporaire a durée des années et dure encore. Malgré l’annonce de sa fermeture en 2010, elle ne l'a jamais été. Un habitant du périmètre de Médiouna avait expliqué à notre rédaction que «cette situation s’est répercutée sur la nappe phréatique, à cause du déversement des lixiviats ou de ses barrages qui débordent en temps de pluie abondante».

Des pétitions avaient bien été soumises aux pouvoirs publics, des correspondances envoyées au wali et au président de la commune, mais elles étaient restées lettres mortes. En attendant, les problèmes respiratoires guettent les riverains, et pas seulement dans les quartiers périphériques.

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