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Grand Angle

Irak : Faute de rapatriement, des jihadistes marocains encourent la peine de mort

Face aux longues procédures de retour des jihadistes marocains engagés auprès de Daech en Syrie et en Irak, comme annoncé il y a un an par le gouvernement El Othmani, une centaine de nationaux risque la condamnation à la peine de mort, si leur comparution devant une cour irakienne se précise.

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Une salle du tribunal criminel irakien, ici en mai 2018, lors du procès d'un jihadiste étranger engagé auprès de Daech condamné à la pendaison. / Ph. S. Kenech
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Sur un millier de Marocains ayant rejoint Daech en Syrie selon les associations marocaines plaidant pour le retour de ces nationaux, une centaine pourrait être condamnée à la peine capitale en Irak, si le rapatriement vers le pays ne s’opère pas avant l’ouverture des poursuites par la justice irakienne.

Le constat selon lequel ces détenus risquent la peine de mort au cas où ils sont remis aux autorités irakiennes par les factions kurdes syriennes rappelle que cela fait un an qu’ils attendent la concrétisation de cette procédure, promise en été 2018 par le gouvernement marocain.

En effet, l’Irak a déjà condamné à mort plus de 500 jihadistes étrangers détenus dans le pays ou livrés via la Syrie et surtout les Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyées par Washington. Mais au vu des enjeux politiques, aucune de ces peines n’a été exécutée. En effet, les FDS qui détiennent une partie importante de ces terroristes marocains, hommes, femmes confondus entre déserteurs et prisonniers, ne sont pas abilités à les juger sur place, d’où leur transfert s’opère principalement vers l’Irak.

Parmi les détenus également, le nombre de mineurs accompagnés de leurs mères dépasserait les 300, selon l’Observatoire du nord pour les droits de l’Homme (ONDH), tandis qu’une grande partie des prisonniers marocains sont aussi des binationaux, portant principalement des nationalités européennes (France, Belgique, Espagne, Italie…).

Cependant, ces données chiffrées ne sont pas liées à des éléments qu’aurait publiés le Centre d’analyse du terrorisme basé à Paris. Contacté par Yabiladi, celui-ci dément en effet les informations selon lesquelles il aurait sorti un rapport au sujet des jihadistes marocains. «Nous trouvons étonnant que des médias marocains aient relayé ces faits, alors que tous nos rapports sont disponibles et peuvent être consultés sur notre site Internet», nous explique le centre.

Le difficile processus de rapatriement vers le Maroc

Ces chiffres, les associations marocaines les rappellent depuis plusieurs mois, avertissant avoir identifié des centaines de nationaux dans les camps kurdes en Syrie, après avoir fui le groupe terroriste ou été capturés par les Forces démocratiques syriennes. Dans certains cas, il arrive aux binationaux parmi eux de négocier leur rapatriement avec leur deuxième pays, en échange d’accepter de se soumettre à une enquête, une fois rentrés de Syrie, voire de faire l’objet de poursuites dans le cadre d’un procès antiterroriste.

Du côté du Maroc, le processus de rapatriement des Marocains vers le royaume annoncé il y a plus d’un an, semble sinueux et lent. En effet, huit personnes seulement ont été rapatriées depuis cette annonce, ce qui a provoqué l’ire d’ONG marocaines plaidant pour une priorité à l’identification et au retour des 300 enfants accompagnés de leurs mères.

En juin 2018, le pays a pourtant annoncé qu’il était «impossible de refuser à des ressortissantes marocaines le retour à leur pays». Mais les procédures tardent à concrétiser cette promesse.

Précédemment contacté par Yabiladi à ce sujet, le président de l’Observatoire du nord pour les droits de l’Homme (ONDH), Mohamed Ben Aïssa, a affirmé que l’exécutif marocain s’était «exprimé en faveur d’un retour coordonné par le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration, sans que cet engagement n’ait véritablement de suite». De plus, une nouvelle vague de rapatriement a été annoncée en avril dernier, mais là encore, le sort des bénéficiaires est resté inconnu.

De son côté, le militant rappelle que «d’autres pays comme la Belgique, les Pays-Bas et le Tadjikistan, entre autres, procèdent à l’identification de leurs nationaux à travers des tests d’ADN et à un recensement chiffré sur les nationalités des combattants en Syrie», rejoignant ainsi les raisons qui pourraient expliquer que les binationaux optent plutôt pour des négociations avec leur second pays en échange de garanties de rapatriement plus rapide.

Avant cela, en août 2018, l’ONG marocaine a déjà rapporté qu’une équipe maroco-espagnole avait été dépêchée en Syrie pour enquêter sur les Marocaines bloquées au nord du pays, afin de retracer le parcours et le rôle de chacun au sein du groupe terroriste. En revanche, les suites de ces initiatives ont eu peu de visibilité, tandis que des pays européens comme la France ont déjà procédé au rapatriement des enfants et des orphelins en nombre limité.

Article modifié le 29/08/2019 à 13h39

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