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Grand Angle

La faiblesse de la protection incendie des maisons au Maroc

Le décès de la petite Hiba à Sidi Allal El Barahoui, dans un incendie ayant ravagé sa maison remet sur la table un constat alarmant : celui du manque de sensibilisation sur la prévention et les mesures à prendre en cas d'incendie. Des experts en la matière reviennent pour Yabiladi sur les dispositifs anti-incendie ainsi que la conduite à tenir en cas de départ de feu.

Publié
Photo d'illustration. / Ph. DR
Temps de lecture: 4'

Au Maroc, le drame de la petite Hiba, brûlée vive alors qu’elle s’accrochait aux barreaux de la fenêtre de l'appartement à Sidi Allal El Barhraoui, relance le débat sur les protections contre les incendies dans les domiciles des Marocains. Le constat est tout aussi alarmant, car si la majorité des maisons ne sont pas conformes aux règles strictes de sécurité pour se protéger d’un feu ou éventuellement pouvoir évacuer les lieux à temps, les bâtiments d’habitation manquent cruellement de matériels adéquats pour une intervention rapide.

Mais de nos jours, s’équiper d’un extincteur et d’un détecteur de fumée ou de gaz ne relèvent plus du luxe. En effet, différents produits existent sur les marchés, en vente libre et les conseils d’experts n’en manquent pas. «Pour les maisons et les appartements, nous suggérons soit un extincteur à gaz, donc au CO2, soit un extincteur à mousse, appelé aussi extincteur pulvérisateur», nous déclare ce jeudi Abderrahmane Ait Haddou, directeur d’une entreprise marocaine spécialiste en installation de matériels pour la lutte contre les incendies. Pour lui, l’extincteur à poudre, soit le troisième type, est à écarter de l’usage au sein de la maison, car «il provoque beaucoup de dégâts aux meubles de maisons et aux appareils électroniques».

En somme, «le type d’extincteur dépend du feu qu’on souhaite éteindre». Et avant d’arriver à ce stade, des détecteurs sont aussi en vente libre pour avertir en cas d’incendie. «Pour les appartements par exemple, il vaut mieux installer un détecteur autonome. Il y a aussi un détecteur de gaz et un détecteur de fumée», nous confie Abderrahmane Ait Haddou. Il y a enfin des détecteurs thermiques qui peuvent détecter la chaleur, car «vaut mieux rester vigilant et se préparer», conseille-t-il.

L’importance d’un extincteur et d’un détecteur de fumée adéquats

De son côté, Ahmed Elbarche, responsable au sein d’une entreprise casablancaise spécialiste en vente et installation d’extincteur et de détecteur d’incendie nous explique l’importance de déterminer les classes de feu. «La plupart des personnes, mal informées ou faute de moyens, achètent l’extincteur le moins cher», déplore-t-il. Notre interlocuteur rappelle ainsi que la classe A indiquée sur les extincteurs, précise que ceux-ci sont destinés aux feux secs, c’est-à-dire de matériaux solides. «La classe B concerne les feux ‘’gras’’, donc des liquides et des solides liquéfiables alors que la classe C caractérise les feux de gaz. Il existe d’autres classes, comme E pour l’électricité, F pour l’huile de cuisson et D pour les feux de métal», ajoute-t-il.

Quant à ses recommandations, Ahmed Elbarche rejoint aussi l’avis d’Abderrahmane Ait Haddou, quant au choix d’un extincteur à CO2 pour les cuisines par exemple. «Ils peuvent être utilisés sur tout ce qui est électronique sans les abimer», justifie-t-il. Concernant l’efficacité des extincteurs à poudre, destinés aux feux de type A, B et C, il rappelle que leur utilisation pour une habitation est «déconseillée car l’évacuation des personnes en cas d’utilisation reste difficile». «De plus, elle peut provoquer des troubles respiratoires pour les personnes allergiques», prévient-il.

Quant au coût, les deux experts déclarent que le prix d’un détecteur de fumée commence à partir de 120 dirhams alors que ceux du détecteur de gaz varient entre 280 jusqu’à 320 dirhams. «Pour les extincteurs, le prix de celui à mousse commence à partir de 350 dirhams pour 6 litres alors que le prix d’un extincteur à gaz commence à partir de 450 dirhams pour deux kilogrammes», ajoute Abderrahmane Ait Haddou. «Le plus important est que ces extincteurs restent visibles et accessibles», complète Ahmed Elbarche.

Au même degré d’importance, la prévention est un élément déterminant dans toute lutte contre l’incendie. Omar Fadel Eddine, responsable de formation et administratif au sein du Croissant rouge marocain – El Fida-Derb Sultan à Casablanca, conseille d’«éviter certaines pratiques avant même la survenue du feu». Il met ainsi en garde contre «les négligences». «C'est notamment le cas pour la bonbonne de gaz, son installation et le défaut d’entretien», explique-t-il.

Une bonne de conduite pour éviter le feu

Passant en revue plusieurs pratiques qui s’avèrent dangereuses, comme le dépôt de téléphone branché sur des meubles composés de produits inflammables, ou encore l’utilisation de rallonges sans prêter attention à l’ampérage, le formateur en secourisme met aussi en garde contre le fait de laisser des produits inflammables à portée des enfants. 

Il insiste également sur l’importance en cas d'odeur de gaz dans une pièce, d’«éviter d’allumer ou d’éteindre la lumière susceptible de créer une étincelle et déclencher le feu». De même, «il faut éloigner son téléphone portable, car le champ magnétique peut provoquer une explosion, sans oublier de s’éloigner si vous portez des vêtements en nylon», ajoute-t-il.

«Le premier conseil est d’aérer la pièce en ouvrant les fenêtres, pour que le gaz s’évapore. Pour un feu, c’est plutôt le contraire car en cas de fumée ou de feu, il faut fermer les fenêtres pour étouffer le feu et le priver d’oxygène. De plus, en cas de feu, le kit pour éteindre un incendie, comme l’extincteur, est une nécessité pour une première intervention afin de maitriser le feu.»

Omar Fadel Eddine

«Si vous êtes devant une bonbonne de gaz qui prend feu, il faut utiliser un torchon ou une serviette mouillée pour éteindre le feu et ne pas avoir peur ou paniquer, car contrairement à ce qu’on pense, ce n’est qu’une fois vidée de son gaz qu’une bonbonne peut exploser et s’il y a toujours du feu, c’est qu’il n’y a pas encore ce risque», nous déclare-t-il. Omar Fadel Eddine insiste aussi sur l’importance du temps : «Chaque minute de retard revient à un énorme effort supplémentaire à fournir pour éteindre le feu.»

Il y a aussi d’autres pratiques comme le fait de calfeutrer les portes avec des serviettes humides et se réfugier dans la salle de bain tout en ouvrant le robinet d’eau, si la personne se retrouve bloquée chez elle à cause d’un incendie, en attendant les secours.

Incendie : Sensibiliser les Marocains sur l’usage de certains objets à risque

Si nos trois experts abordent la question de l’installation de matériels pour se prémunir contre le feu, Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) préfère insister sur le rôle du législateur. Contacté par Yabiladi, il affirme que la loi 24.09 qui renforce la sécurité des consommateurs «n’est pas encore entièrement mise en application par le ministère du commerce».

«C’est courageux de la part de ce département d’avoir commencé avec les chauffe-eaux qui sont tous contrôlés, sauf ceux d’occasions ou importés clandestinement», reconnait-il.

Mais il déplore que certains sociétés et importateurs ne font aucune mention du label Cم de conformité notamment sur les chargeurs de téléphone. D’ailleurs, les autorités locales de Sidi Allal El Bahraoui avaient émis l’hypothèse selon lequel «un chargeur de téléphone de piètre qualité aurait déclenché l'incendie» ayant tué la petite Hiba.

«Il faut donc renforcer le contrôle et conduire des campagnes de sensibilisation afin d'inciter la population à n’acheter que les produits disposant de ce label de conformité», conclut Bouazza Kherrati.

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