Comment analysez-vous la composition de l’équipe de Benkirane ?
Mohammed Darif : C’est une composition qui ne répond pas aux attentes des Marocains, aussi bien sur des aspects régionaux, nationaux que constitutionnels. Sur ce dernier point, on pensait que le respect des nouvelles dispositions de la constitution allait être démontré à travers la formation de cette équipe, mais ce n’est pas le cas. Les méthodes de choix des ministres sont les mêmes que dans les précédents cabinets. On assiste à une reproduction des structures des précédents gouvernements avec une omniprésence de technocrates aux postes stratégiques.
Cette fois, on est même allé jusqu’à inclure le ministère de l’Agriculture parmi les départements de souveraineté. La présence d’Aziz Akhannouch dans ce gouvernement légitime la transhumance politique. Il a à peine démissionné du RNI qu’on le place dans la nouvelle équipe. Autre élément qui ne peut pas passer inaperçu, c’est la présence d’une seule femme [Bassima Hakkaoui du PJD, ndlr] parmi les 30 ministres de Benkirane. C’est une équipe masculine.
Le PJD ne se retrouve-t-il pas phagocyté dans son gouvernement ?
MD : Bien sûr ! Car les ministères de souveraineté continuent d’exister, le PJD a aussi perdu le ministère de l’Economie et des Finances. Autre élément, c’est que dans chaque secteur stratégique comme l’Intérieur et les Affaires étrangères, on a créé un ministère délégué…
Justement, comment peut-on interpréter ce dernier élément ?
MD : Cela peut s’expliquer par un manque de confiance de la part du Palais. Car les ministres du PJD n’ont pas d’expérience dans la gestion des affaires gouvernementales... Mais à vrai dire, les ministres délégués [Charki Driss-Intérieur, et Youssef Amrani-Affaires étrangères, ndlr] sont «plus forts» que les ministres [Mohand El Ansar et Saâd Eddine El Othmani, ndlr] nommés à la tête de ces départements-là (rires). Ils ont beaucoup plus d’expérience que leurs supérieurs. En fait, on en renversé l’équation !
Pensez-vous que Benkirane aura les pleins-pouvoir pour contrôler son équipe ?
MD : Ce gouvernement incarne une continuité des anciens cabinets mais avec une nouvelle tête. Le PJD dirige l’équipe sans avoir les moyens de la contrôler.
Certains de ses alliés semblent avoir tiré leur épingle du jeu, comme l’Istiqlal qui contrôle désormais l’Economie et les Finances ?
MD : Effectivement, l’Istiqlal s’en est bien sorti mais il n’est pas le seul. Tous les trois alliés du PJD [MP, PPS en plus de l’Istiqlal] dans la majorité sont sortis vainqueurs.