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L'histoire de la télévision au Maroc, du rachat de Telma au virage de la digitalisation

Le Maroc a connu la première diffusion télévisuelle en 1954, mais cette expérience ne dura pas longtemps. Ce n’est qu’en 1962 que la première chaîne de télévision nationale à diffuser en noir et blanc sera lancée avant de commencer à émettre en couleur au début des années 1970.

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Photo d'illustration. / Ph. DR
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Avant l'indépendance du Maroc, ceux qui s'intéressaient aux affaires politiques et qui souhaitaient suivre les dernières nouvelles étaient obligés d'acheter des journaux ou d'écouter la radio. Les deux médias étaient alors les principaux moyens de transmission des informations. Toutefois, avec l'indépendance du pays, la télévision va s’inviter, petit à petit, dans les foyers marocains.

Nous sommes au début des années 1930. La première télévision aux Etats-Unis vient de voir le jour. Le Royaume-Uni lui emboîte vite le pas et commence à émettre à son tour. En raison de la Seconde Guerre mondiale, l’engouement pour ce nouveau média est retardé de plusieurs années.

Le Maroc a été l’un des premiers pays du monde arabe à adopter un service de radiodiffusion et de télévision. Le 28 février 1954, avant l’accès du pays à son indépendance, la première chaîne de télévision marocaine est lancée, bien que le projet voit le jour en 1950. Baptisée Telma, la chaîne francophone ne vivra quelques mois avant d’arrêter définitivement d’émettre le 20 mai 1955. «Après avoir couvert le retour du Roi Mohammed V de l’exil en 1955, la Telma s’est éteinte à cause de problèmes financiers. Les promoteurs de cette télévision espéraient encore pouvoir reprendre leurs activités, mais sans résultats», raconte Abdellah Chakroun, ancien directeur de la télévision marocaine. 

La télévision nationale verra le jour grâce à Telma

Telma émettait depuis Casablanca, au moment où des antennes de transmission étaient fixées à Rabat, Fès et Meknès, raconte Moulay Idriss Jaïdi dans son livre «Diffusion et suivi des médias audiovisuels au Maroc».

La diffusion avait initialement commencé avec une grille hebdomadaire de 20 à 30 heures, mais la plupart des émissions provenaient de France. Quant aux émissions produites localement, elles se limitaient à des campagnes publicitaires pour des sociétés commerciales opérant au Maroc, des bulletins d’information ou à des annonces du Bureau du résident général.

Après sa naissance, la chaîne fera l’objet d’une large campagne publique de dénonciation et de rejet, de nombreux Marocains la considérant alors comme «le bras médiatique des autorités coloniales».

Le Maroc restera ainsi sans chaîne officielle après son indépendance, suite à la disparition de Telma. Ce n’est que vers le 3 mars 1962 que la télévision marocaine a été officiellement inaugurée, avec un discours du roi Hassan II à l’occasion de la Fête du Trône. Mais quelques années avant, l’Etat marocain avait racheté Telma au prix symbolique de 100 millions de francs, raconte Abdellah Chakroun. Le Maroc s’allie aussi à la radio-télévision italienne RAI pour lancer sa télévision.

Dans une interview accordée au magazine Zaman, Mohamed Maâninou, ayant accompagné le parcours de la télévision et des médias marocains depuis les années 1960, a confié que «la télévision était associée à la célébration de la Fête du Trône depuis sa création». «La première diffusion à la télévision marocaine était le discours du Trône de 1962. Hassan II était un bon locuteur et cernait le pouvoir d’influence de la télévision qu’il a transformée en arme politique», affirme-il.  

D’ailleurs, «les autorités distribueront même des téléviseurs dans les cafés et dans certains lieux de rassemblement afin de les mobiliser pour voter en faveur de la Constitution de 1962», se souvient-il.

Le Maroc restera avec une seule chaîne officielle, diffusant en noir et blanc jusqu'en 1973. A l'occasion de la Fête du Trône de cette année, le roi Hassan II apparaîtra, pour la première fois, en couleur pour prononcer son discours. 

«Lorsque le roi Hassan II avait décidé de diffuser en couleur le discours du Trône de 1973, l'objectif était de gommer les traces des deux tentatives de coup d'Etat de 1971 et de 1972 et d'envoyer un message politique aux citoyens selon lequel la page était tournée et que le pays allait bien», ajoute Mohamed Maâninou.

Image d'illustration. / DRImage d'illustration. / DR

De la libéralisation de l’audiovisuel aux défis du digital

Après ce discours du Trône de 1973, la télévision passe donc progressivement du noir et blanc à la diffusion en couleur. «A un moment donné, on filmait et diffusait les activités royales en couleur. Elles apparaissaient en couleur, même si les reportages d’après étaient diffusés en noir et blanc. Après, c’était les activités du prince héritier qui étaient aussi diffusées en couleur, puis celles du Premier ministre… jusqu’à ce que les capacités techniques et humaines nécessaires pour la diffusion en couleur soient enfin réunies», raconte Mohamed Maâninou.

Et l’unique chaîne de télévision restera aux mains de l’Etat jusqu’au 4 mars 1989, jour durant lequel la première chaîne privée au Maroc verra le jour. Baptisée 2M, elle gardera son statut jusqu’en 1997, date à laquelle elle sera étatisée. Et avant cela, le 3 mars 1993, la chaîne nationale franchira le pas de la diffusion par satellite, devenant ainsi l'une des premières chaînes arabes à le faire.

Une émission sur la chaîne 2M au tout début de sa naissance. / Ph. DRUne émission sur la chaîne 2M au tout début de sa naissance. / Ph. DR

Avec le début de règne du roi Mohammed VI en 1999, les médias en général entament leur mue. Le gouvernement commence ainsi à envisager la libéralisation du secteur audiovisuel. Puis, dans un discours du Trône prononcé le 30 juillet 2002, le souverain annonce la création d'un nouvel organe de régulation du secteur audiovisuel au Maroc, baptisé «Haute autorité de la communication audiovisuelle» (HACA). Quelques mois plus tard, soit le 10 septembre 2002, un décret mettant fin au monopole de l'État dans le domaine de la radiodiffusion et la télévision est approuvé.

Mais ce n’est qu’en mai 2006 que la libéralisation du secteur se concrétise, lorsque la HACA octroie dix licences pour la première génération de stations radio privées, en plus d’une licence exceptionnelle pour une chaîne de télévision, Médi1 TV.

Et bien que l'expérience de la télévision au Maroc dure depuis des décennies, les Marocains gardent une vision négative des médias publics, en particulier audiovisuels. Ce n’est qu’en 2018 que les chaînes du pôle public ont, elles aussi, décidé d’emprunter la voie du changement, misant sur les applications pour smartphone afin de rajeunir et conquérir un public plus jeune.

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