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Grand Angle

Maroc : L’ONU Femmes s’inquiète des «inégalités économiques» persistantes

Publié récemment, le rapport régional de l’ONU Femmes s’intéresse aux changements observés au Maroc, en Algérie et en Tunisie en matière d’égalité hommes-femmes. Il consacre un volet important au royaume, en revenant par ailleurs sur l’impact des changements normatifs nationaux de ces dernières années.

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Ici, une manifestation contre les violences faites au femmes à Rabat, le 8 mars 2018 / Ph. Jalal Morchidi (Anadolou Agency)
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Au cours des deux dernières années, des femmes au Maroc, en Algérie et en Tunisie ont bénéficié de projets de soutien à leur autonomisation et à leur accès aux postes de décision, sous l’égide de l’ONU Femmes. C’est l’ensemble de ces évolutions que documente le récent rapport régional de l’organisation, relatif à la période 2017-2018.

Ce rapport de 50 pages s’intéresse aussi aux progrès réalisés dans chacun de ces Etats en matière de participation politique active des femmes ou encore leur intégration dans la fonction publique, et leur accès à l’autonomie financière.

Dans son document, l’ONU Femmes souligne qu’au niveau de l’action politique des femmes marocaines, «la définition et la mise en place de politiques publiques locales favorisant l’égalité» est un «impératif légal», notamment par l’engagement du pays pour la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF).

La participation politique des femmes progresse mais reste loin de l’égalité

Au niveau national, les lois recommandent «la mise en place de quota de 30% de femmes membres dans les conseils régionaux et communaux», «la prise en compte de l’approche genre dans la budgétisation territoriale» et «la création des ‘Instances de l’équité, de l’égalité des chances et de l’approche genre’ (IEECAG)». Depuis 2015, la loi organique 34.15 relative à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales fixe aussi le nombre de sièges réservés aux femmes.

Même si ce cadre normatif a permis des avancées, celles-ci restent moyennes dans l’ensemble et bien loin d’une véritable égalité à 50%. En effet, «cette nouvelle règle a permis de porter à 39% la proportion de femmes élues au niveau régional en 2015 et à 21% le pourcentage de femmes élues lors des élections communales de 2015», indique le rapport de l’ONU Femmes.

Toujours est-il que selon une enquête du ministère de l’Intérieur, citée par la même source, «les femmes ont pu accéder, de manière massive pour la première fois, aux instances politiques territoriales en 2015». En chiffres, 76% des femmes élues l’ont été pour la première fois à Casablanca-Settat, 88% à Draa Tafilalet et 86% à Marrakech-Safi. Elles sont toutefois confrontées à plusieurs défis, d’autant que 68% parmi elles au total «n’ont pas bénéficié de formation après leur élection», ce qui «impacte grandement leur accès à la décision politique et leur implication dans les grandes missions territoriales».

Ainsi, selon l’enquête reprises par ONU Femmes, 85% des élues interrogées n’ont pas la délégation d’autorité de signature, tandis que 43% n’ont pas participé à l’élaboration du Plan d’action communal (PAC) dans les trois régions.

Une féminisation titubante de la fonction publique

Sur la base d’éléments comparatifs avec quatre pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA), l’ONU Femmes révèle que la féminisation de la fonction publique dans ces Etats et notamment au Maroc reste en deçà des objectifs d’égalité dans l’accès aux différents postes, malgré les politiques gouvernementales en la matière ou les stratégies nationales renforcées par des programmes et des mécanismes institutionnels.

Il en ressort qu’en 2016, le taux de féminisation dans la fonction publique au Maroc n’a pas dépassé les 39,7%, précédant l’Egypte (entre 10,8% et 35%), la Tunisie (37%), mais devancé par la Jordanie (44,95%). Le taux de féminisation des postes de responsabilité dans le même secteur ne s’en porte pas mieux, atteignant les 22,2% au Maroc, 35,8% en Tunisie, 29,19% en Jordanie et se situant entre 8,16% et 32,2%.

Dans ce sens, l’ONU Femmes note «une quasi absence de règlementation ou de mesures incitatives pour la promotion de la féminisation de l’emploi dans la fonction publique ou pour l’accession des femmes aux postes de responsabilité». Elle explique cette évolution inégale par les «stéréotypes qui enferment les femmes dans les rôles de mères et responsables des tâches domestiques et de soins, les enjeux d’articulation des temps de vie et d’organisation du travail notamment sur le nombre d’heures de travail et la disponibilité en dehors des horaires règlementaires, et l’environnement de travail dominé par des mentalités sexistes».

C’est pourquoi, l’institution recommande la mise en place des «politiques de gestion des ressources humaines égalitaires à toutes les étapes de gestion de carrière». Elle préconise également «l’introduction de programmes spécifiques sur le leadership et la création d’observatoires pour l’égalité et l’emploi dans la fonction publique chargés de suivre l’avancée de l’égalité femmes-hommes dans le secteur».

L’autonomisation des femmes face à un tissu économique masculin

Entre 2017 et 2018, 250 femmes rurales marocaines ont bénéficié du soutien de l’ONU Femmes à la professionnalisation de leur activité. Ceci leur a permis de s’assurer un revenu stable et régulier, «un travail décent et une autonomie économique». Mais aujourd’hui et sur l’ensemble du territoire national, l’ONU Femmes prend note des «inégalités économiques» persistantes.

Ainsi, l’ONU Femmes retient qu’au Maroc, «le taux de participation des femmes à la vie active est de 26,74%, en Tunisie, de 27,08%, et en Algérie, ce taux est estimé à 16,85%». Autant dire que quand ces femmes travaillent, «elles occupent souvent des emplois informels et donc non comptabilisés».

Si l’intérêt de les faire accéder à une autonomie financière est celui de la justice sociale et de l’équité, comme le rappellent les revendications de la société civile, les observations sur lesquelles se base l’ONU Femmes indique que l’augmentation de la participation féminine à l’économie du pays permet aussi de garantir à cette dernière une importante croissance. «Le produit intérieur brut mondial augmenterait de 26% si les femmes avaient le même taux d’activité que les hommes, selon McKinsey Global Institute», précise l’institution.

«Si les femmes avaient un accès au marché de l’emploi égal à celui des hommes, un impact de 46% en termes de revenu par habitant serait constaté au Maroc», indique pour sa part le FMI, cité par le rapport. Cette tendance est constatée notamment dans le secteur agricole des trois Etats (l’Algérie, le Maroc et la Tunisie). Dans ce secteur, «les femmes rurales constituent une main d’œuvre gratuite et non protégée ; leurs tâches domestiques se chevauchent, voire se confondent, avec les activités agricoles productives, notamment la garde du bétail, le nettoyage, la corvée de l’eau, semis, cueillette, tri, élevage, etc.».

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