Le RAMED ne fonctionne pas. Le constat est connu mais ses raisons le sont moins. Dans leur article «Pour un financement pérenne du régime d’assurance médicale au Maroc» paru l’an dernier, Abdellatif Moustatraf et Jamal Taoufik révèlent que non seulement les besoins réels de la population ont été largement sous évalués, mais qu’en plus, les financeurs du régime d'assistance médicale n’ont jamais apporté au pot ce qu’ils auraient dû, même dans une prévision basse. Les défaillances de gestion et de financement sont nombreuses, évidentes et connues, mais le blocage semble complet.
Le Maroc est passé d’un taux de couverture santé de la population de 25 % en 2005 à 60 % en 2016 grâce à la mise en place en 2008 d’un projet pilote, puis de la généralisation du RAMED en mars 2012 à tout le pays.«Il ne s’agit pas uniquement de couvrir l’ensemble de la population, mais l’essentiel consiste à lui garantir des prestations dont elle a besoin», estiment les chercheurs Abdellatif Moustatraf et Jamal Taoufik.
Un déficit de plus de 3 milliards de dirhams par an
Dans l’état actuel des choses, le RAMED, sous financé, n’en est pas capable. A l’origine, la population cible est estimée à 8,5 millions de personnes. Elles sont 11,2 millions à être immatriculées fin 2017 même si seulement 7,1 millions disposent effectivement d’une carte valide. En parallèle, la consommation médicale moyenne annuelle évaluée à 317 dirhams par bénéficiaire a également été revue à la hausse, pour atteindre 617 dirhams.
Dans ce contexte, les besoins réels s’élèvent à 4,37 milliards de dirhams par an, alors qu’il était prévu d’y consacrer 3 milliards de dirhams d’argent public. Le coût réel du RAMED - pour autant que les chercheurs aient pu le calculer en l’absence, en réalité, d’informations précises sur le coût des actes de soins effectivement réalisés auprès des bénéficiaires – est donc sous-évalué de 46 %.
Le déficit du RAMED n’est toutefois pas de 1,370 milliard de dirhams mais de plus de 3 milliards de dirhams par an car les contributions effectives des différents acteurs supposés pourvoir au financement ce mécanisme se sont avérées en fait, elles-mêmes, inférieures aux prévisions.
Il s’agit, tout d’abord, des personnes en situation de vulnérabilité qui devaient contribuer au financement du régime pour 570 millions de dirhams par an. Ne représentant que 10 % des bénéficiaires, contre 64 % prévu, ils n’ont donc apportées au compte de l’Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) que 150 millions de dirhams jusqu’au 31 décembre 2017. En plus, cette somme est restée bloquée sur le compte de cet établissement public sans pouvoir être décaissée.
Les communes devaient, quant à elles, apporter 160 millions de dirhams par an. Or, selon le ministère de la Santé qui collecte leur contribution via le compte spécial de la pharmacie centrale, elles n’ont apporté que 108 millions par an.
«Les communes abritant les plus de pauvres, et ayant donc des montants importants à payer, sont généralement des communes sans ressources.»
Les régions doivent être mises à contributions
Et le reste de la somme nécessaire devrait être abondée par l’État. C’est plutôt à ce niveau que le bât blesse particulièrement. Si l’on croit le budget attribué par le ministère de l’Economie et des finances au RAMED, dans le cadre du Fonds d’appui à la cohésion sociale, lequel est ensuite redistribué au ministère de la Santé et aux CHU, l’État n’a consacré que 1,170 milliards de dirhams au régime d'assistance médicale, contre 2,270 milliards prévus.
«Selon le ministère de la Santé, les montants accordés aux prestataires ne couvrent que la moitié de la facturation établie, alors même que celle-ci n’est pas exhaustive.»
En fait, les hôpitaux publics réalisent des actes de soins pour les bénéficiaires du RAMED sur leur budget propre et grâce aux subventions d’équilibre et de fonctionnement issus du ministère de la Santé, qui ne rentrent en principe pas dans le financement du régime. A l’inverse, les fonds destinés au RAMED qui parviennent dans le compte spécial de la pharmacie centrale sont consacrées à l’achat des médicaments pour tous les patients des hôpitaux publics qu’ils soient bénéficiaires du régime ou non.
Les auteurs ont ainsi constaté une dilution des fonds dédiés aux RAMEDistes. De la même manière, les centres de soins de rattachement par lesquels les bénéficiaires du régime doivent passer pour bénéficier de la gratuité, sont gratuits pour tous les publics, qu’ils bénéficient de la carte du RAMED ou non. La qualité de leurs services est pourtant régulièrement pointée doigt.
Pour les auteurs, la solution à tous ces problèmes passent non seulement par la création d’un organisme gestionnaire dédié et l’organisation d’un suivi exact des fonds dédiés et des soins effectués au nom du RAMED, mais également par une implication des régions. Pour eux, l’État et les communes n’ont pas les moyens de subvenir seuls aux besoins. Les régions doivent être mises à contributions.