Pour se rendre au Morocco Mall, Paul Schemm, le journaliste de l’AP explique qu’il s’y est rendu en voiture, en partant du centre ville de Casablanca et en empruntant, ensuite la route côtière.
Entre luxe et bidonvilles
Une fois arrivé au Mall, les premières choses qui semblent visiblement le marquer, sont les deux aquariums géants, les lumières et le luxe qui se dégage des mûrs et des boutiques de grandes marques, ainsi que la structure en forme de boule argentée du centre commercial.
Il remarque également que peu de gens, venus au Morocco Mall ce jour-là, ont des sacs de shopping à la main et qu’ils ont plutôt fait le déplacement, par curiosité, afin d’admirer l’intérieur du centre commercial. «Les 20 minutes de mon trajet en voiture (…) vers le Mall montre la complexité et les contradictions du pays, entre les bidonvilles cachés derrières de hauts mûrs, les chantiers prévus pour de nouveaux centres commerciaux et enfin les villas et les discothèques réservés aux riches», lâche-t-il.
Le Maroc, composé de 32 millions d’habitants est le pays qui possède les plus grandes inégalités en terme de revenus dans le monde arabe, rappelle-t-il. «Le Morocco Mall est le symbole des contrastes qui existent dans le pays dans lequel 8.5 millions de personnes vivent dans la pauvreté, un pays classé 130ème sur 186 d’après l’Index du Développement Humain de l’ONU, un pays qui peut, néanmoins, accueillir Shakira ou Kanye West pour des concerts en été» déclare-t-il.
«Le pays a le plus fort taux d’analphabétisme et le plus grand taux de chômage au Moyen Orient et en Afrique du Nord, d’après le coefficient Gini, un outil utilisé par les économistes pour mesurer l’inégalité de distribution des revenus dans un pays. L’inégalité y grandit en plus, d’année en année», poursuit-il.
Lors de son séjour au Maroc, le journaliste a également rencontré des commerçants d’un ancien quartier de Casablanca, sans préciser l’endroit exact. «Il y a un grand fossé entre les riches et les pauvres, les riches devenant de plus en plus riches et les pauvres, de plus en plus pauvres et le Mall est le symbole de ce fossé», lui confirme Hassan Ali, un vendeur de vestes en cuir.
12 millions de visiteurs attendus
Lors de l’inauguration du Mall, Salwa Akhannouch, la directrice du groupe Aksal déclarait «c’est un immense honneur pour le Maroc d’avoir un projet de cette envergure». De son côté, le journaliste lui répondra dans son article «La majorité des Marocains ne pourront pas faire leur shopping au Mall».
«Lorsque vous entrez dans le Mall, c’est vrai vous voyez Gucci et Dior, mais il ne faut pas oublier que (…) vous avez des magasins qui proposent des prix abordables et qu’il existe une classe moyenne au Maroc qui veut pouvoir acheter des produits de luxe», lui explique Jenane Laghrar, la secrétaire générale du Morocco Mall.
Elle insiste également sur le fait que le Mall vise, non seulement les touristes européens qui pourront faire un détour de Fès ou de Marrakech pour visiter le mall, mais aussi les touristes du reste du continent africain qui passeraient par l’aéroport de Casablanca, pour se rendre en Europe. Au total, 12 millions de visiteurs sont attendus dans le Morocco Mall chaque année, dont 20% provenant de l’étranger.
Lors de la première semaine suivant le lancement du Mall, Jenane Laghrar précise que les objectifs de vente ont été atteints. Cependant, souligne le journaliste, les touristes africains ne représentent pas moins de 5% des touristes totaux au Maroc, la grande majorité venant des pays européens.
Maroc, le nouveau Dubaï
«Le monde est en période de crise et les prochaines 4 ou 5 années ne seront pas des années de prospérité», avertit de son côté Najib Akesbi, professeur à l’Institut Agronomique Hassan II de Rabat en insistant sur le fait que l’Europe non plus n’est pas épargné.
Selon lui, le Morocco Mall est un pari que le Maroc a absolument voulu relever afin de faire du royaume, un nouveau Dubaï situé en Méditerranée. Objectif : attirer des consommateurs étrangers plus aisés que les consommateurs marocains. Mais vu la conjoncture économique actuelle, c’est risqué, ajoute Najib Akesbi à Paul Schemm, de vouloir trop miser sur les touristes étrangers. Selon lui, le succès du Mall dépend plus d’une demande durable locale.
Alors que l’économie de l’Europe vacille actuellement, le Maroc se tourne vers les riches pays pétroliers du Golfe qui contribuent à faire du Maroc, un pays de plus en plus consumériste, souligne Paul Schemm.
La moitié des fonds investis dans le Morocco Mall provient du groupe Saudi Al Jedaie, un groupe qui a déjà construit de nombreux malls en Arabie Saoudite.