Menu

Grand Angle  

Le logement social au Maroc, symptôme du déphasage entre société et urbanisation

Habitations mal adaptées, respect des normes peu rigoureux, malfaçons dans les bâtiments… Les stigmates d’un logement social qui ne suit pas l’évolution de la société marocaine pour s’y adapter ne manquent pas, exposant les acheteurs à des contraintes, notamment financières, par rapport au coût de réparation de ces dysfonctionnements.

Publié
Photo d'illustration / Ph. DR.
Temps de lecture: 3'

Depuis quelques jours, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre des cloisons intérieures d’un logement social qui s’effritent tel un chateau de sable. L’habitation est pourtant toute récente, nouvellement achetée. Les auteurs de la vidéo crient à «l’arnaque» en pointant du doigt les normes de qualité non respectées. En effet, l’enduit des murs tombe en poussière au moindre coup de tournevis. La qualité du carrelage laisse également à désirer, les auteurs de la vidéo indiquant que le logement concerné fait partie du projet Al Fajr 2 à Lissasfa (Casablanca).

Contacté par Yabiladi pour aborder la qualité des logements sociaux de ce projet, le promoteur immobilier n’a pas donner suite à nos appels. Toujours est-il que plus globalement, les faits sont révélateurs de plusieurs dysfonctionnements dans le construction de nos villes, comme souligné précédemment par nombre d’acheteurs et concernant d’autres projets immobiliers.

Dans le cas des logements sociaux, les exigences qualitatives ne sont pas à l’ordre du jour, même lorsque les aspects structurels (poteaux, poutres, étanchéité…) semblent respecter les normes. C’est ce qu’explique à Yabiladi l’architecte Karim Rouissi, en soulignant que le contrôle sur le volet structurel par les bureaux d’études contraste avec une large malfaçon dans la finition des travaux de construction.

«On demande souvent au bureau de contrôle de veiller à ce que les éléments structurels respectent certaines exigences, mais on ne requiert pas un contrôle qualité sur le matériau de finition, tel que l’enduit», nous déclare le spécialiste.

Un standing dont le prix est souvent surévalué

Plus que cela, Karim Rouissi fait remarquer que les cahiers des charges du logement social ne tiennent pas les promoteurs immobiliers à des considérations qualitatives. «Ce n’est pas parce que des éléments de qualité restent facultatifs qu’on peut livrer des appartements dans un état pareil, contraignant ainsi les acheteurs à refaire ou à terminer ce travail, avec le coût que cela représente pour eux», ajoute-t-il. Pour l’architecte, «de tels projets tirent la qualité du logement social vers le bas et c’est une tendance générale dans ce secteur».

Dans un «marché de bas de gamme» souvent dépourvu des exigences qualitatives minimales et surévalué au niveau des prix, «on est dans la frénésie du quantitatif et dans la course aux chiffres quant au nombre de logements sociaux par promoteur», déplore Karim Rouissi. Cette situation met ainsi les acheteurs particuliers dans la contrainte de ne pas pouvoir capitaliser sur leur logement, ce qui, pour l’architecte, prépare à d’autres problèmes qui feront surface plus tard.

En plus de ceux liés à la malfaçon, Karim Rouissi évoque les normes de qualité thermique et acoustique, peu ou presque pas respectées dans l’habitat. A ce propos, il rappelle le cadre normatif adopté en préparation à la COP22 que le Maroc a accueillie en 2016 et qui définit des normes à respecter en matière d’épaisseur des murs, ou encore de la nature du matériau utilisé, pour une meilleure efficacité énergétique du bâtiment. Ces dispositions posent aussi des recommandations par région, mais qui sont loin d’être appliquées, encore plus dans le logement social.

L’évolution de la société ne se reflète pas sur la conception des projets immobiliers

Ces termes qualitatifs sont restés pratiquement lettre morte, faute de mécanisme coercitif obligeant l’ensemble des promoteurs à s’y tenir. 

«Il faut comprendre que le changement démographique au Maroc a levé l’exclusivité des logements sociaux aux personnes relogées, issues d’un milieu très défavorisé ou des familles nucléaires ; on retrouve désormais parmi les acheteurs de plus en plus de jeunes couples, d’autres qui sont à leur premier logement et qui décident rapidement d’investir dans ce genre d’appartements…»

Karim Rouissi

Point faible de ces habitations, selon Karim Rouissi, celles-ci sont restées génériques au lieu de s’adapter à ce développement sociétal. «Tandis que les opérateurs du bâtiment ne proposent pas d’alternative, nous continuons de créer des habitations génériques figées, surtout sociales, qui n’accompagnent pas ces évolutions que sont l’avancement de la moyenne de l’âge du mariage, l’indépendance des mères célibataires, des personnes ne vivant pas en famille, entre autres», conclut-il. 

Soyez le premier à donner votre avis...
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com