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Grand Angle

Diaspo #92 : Rakidd, dessinateur à la plume dénonciatrice

Rachid Sguini alias Rakidd cartonne avec ses dessins. Portrait d’un jeune dessinateur franco-marocain dont les planches traitent l’actualité avec légèreté, humour et parfois férocité.

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Le Franco-marocain Rachid Sguini alias Rakidd. / Ph.DR
Temps de lecture: 3'

Ces gribouillages, comme il les appelle, tantôt ludiques, tantôt dénonciateurs font le tour des réseaux sociaux et lui ont valu une renommée au sein de la communauté élitiste de dessinateurs. Lui c’est Rachid Sguini, alias Rakidd, le Franco-marocain qui cartonne avec son avatar barbu et ses histoires illustrées.

Né à Puy-en-Velay dans une fratrie de cinq, il se lance dès son plus jeune âge dans le dessin. «J’ai commencé à dessiner à mes quatres ans. Je n’ai jamais rien voulu faire d’autre que dessiner, ça a vraiment été le seul but de ma vie», explique-t-il à Yabiladi. Dans le petit cocon familial, Rachid explique avoir été «très chanceux que sa passion soit acceptée». Un talent qui sera aussi très vite reconnu par ses proches et amis qui à l’époque «ont très vite aimé ce que qu’il faisait surtout (ses) amis MRE et issus des diasporas», nous confie-t-il.

L’une des thématiques les plus abordées par l’artiste est le regard des autres. Ce dernier n’a d’ailleurs pas été tendre avec le jeune adolescent qu’il était. C’est à l’école qu’on essayera de le dissuader de poursuivre sur cette voie, en essayant de «l’orienter vers d’autres domaines, comme la vente car (il) avait cette aisance à aborder les autres, mais qui ne (lui) correspondaient pas», affirme Rachid Sguini. D’ailleurs, ce rejet et ces préjugés lui ont même été soufflés au sein de sa communauté, pour qui le métier de dessinateur paraissait assez illusoire.

«Généralement quand j’étais confronté à d’autres personnes, arabes ou de confession musulmane, ils me disaient que le dessin n’était pas pour nous. C’est aussi parce qu’ils n’étaient pas habitués à voir quelqu’un qui voulait en faire son métier. Mais en réalité, le plus important est que les gens avec qui j’étais le plus proche ne m’ont jamais jugé.»

Rachid Sguini, alias Rakidd

Obstiné et encouragé par sa famille, il s’envole pour Lyon où il intègre une école d’art après avoir décroché son baccalauréat littéraire avec option art, spécialité dessin. A cet âge, «j’ai vraiment commencé à m’épanouir, j’étais entouré de gens qui partageaient la même passion que moi. On avait des buts similaires, ce qui nous poussait toujours à nous surpasser», se remémore-t-il. 

Le dessin pour s’affirmer, informer et dénoncer

Son diplôme en poche, il entame sa carrière en tant que graphiste et lance en parallèle  sa page «Les gribouillages de Rakidd». Et c’est grâce à cette dernière qu’il arrive à obtenir du travail, en tant que concepteur rédacteur, nous explique-t-il. Les chaînes de télévision commençaient à s’intéresser à son travail, notamment Canal + qui l’avait appelé pour utiliser l’un de ses dessins. «Et c’est comme ça que de fil en aiguille j’ai commencé à écrire pour des chaînes de télévision», enchaîne-t-il.

Avec cette visibilité médiatique, son alias «Rakidd» gagne de plus en plus en notoriété. L’occasion pour lui de sortir deux livres : le premier «Le monde de Rakidd, de 2001 à nos jours», illustrant les 35 événements majeurs au cours de ce millénaire selon l’auteur ; et «Les gribouillages de Rakidd ou comment je suis devenu (presque) moi», où il se dévoile davantage et parle notamment de ses origines marocaines.

En effet, le Maroc, le pays de ses parents et ses aïeux, occupe une place essentielle dans son travail. «Souvent mes dessins parlent du Maroc et sur ma page beaucoup de gens évoquent cette nostalgie et leurs souvenirs d’enfance», nous confie-t-il. Néanmoins, cette nostalgie, il explique ne pas l’éprouver.

«Quand j’étais petit je voyais le Maroc comme une destination de vacances, maintenant le Maroc est vraiment devenu un deuxième pays. Il faut dire qu’il y a une différence entre notre génération et celle de nos parents. Alors qu’ils visitaient le pays une seule fois par an, notre génération -grâce notamment à des billets très abordables- peut se reconnecter au Maroc plus fréquemment.»

Son deuxième pays constitue ainsi une source d’inspiration pour lui. Des thématiques assez lourdes et d’actualité sur lesquelles, il confie avoir souvent le coeur tranché entre le silence et la dénonciation. «Je voulais écrire sur le boycott parce que j’ai beaucoup suivi cette affaire. Mais ne vivant pas au pays, je doutais de ma légitimité à m’exprimer là dessus. C’est un peu ce qui me revient toujours à l’esprit». Toutefois, dès que «le sujet prend plus d’ampleur et qu’il a le sentiment que (sa) voix peut être utile», il s’empare de sa plume.

Le Franco-marocain porte un regard admirateur sur la scène marocaine émergente de dessinateurs et de bédéistes avec des noms tels que El Bellaoui Mohammed, alias Rebel Spirit ou encore la jeune Zainab Fasiki. «Je trouve ça incroyable, il y a 20 ans je n’aurais pas du tout parié là-dessus, mais je pense qu’il y a beaucoup de Marocains qui se disent on va sortir de ces boulots un peu aliénants ou faire le même boulot que nos parents, et se dirigent vers l’art», affirme Rachid Sguini, soulignant que «plus l’art se développe dans un pays, plus le pays se porte bien».

Désormais, le dessinateur dit être de plus en plus porté sur l’écriture, bien qu’il «n’abondonnera jamais le dessin», précise-t-il immédiatement. «L’écriture a quelque chose de très intéressant, car c’est aussi un art constituant une sorte de continuité» avec ce qu’il fait. Ses admirateurs pourront bientôt plonger dans deux nouveaux ouvrages, un plus dans les mots et un autre dans les illustrations, nous confie Rakidd, qui dit vouloir aborder dans d’autres projets futurs la culture amazighe, un peu sa troisième culture dont il se dit «extrêmement fier».

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