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Grand Angle

Le «caporalato» en Italie : Les Marocains parmi les victimes de cette forme d’esclavage moderne

Le «caporalato» se réfère au marché illégal du travail. Les premières victimes de cette forme d’esclavage moderne sont les migrants, principalement Marocains, Indiens et Roumains. Le pays tente tant bien que mal de palier ce phénomène qui est de de plus en plus articulé et organisé.

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Photo d'illustration. / Ph.DR
Temps de lecture: 3'

Le phénomène du «caporalato» n’est pas nouveau, loin de là. Signifiant littéralement «embauche illégale» en français, ce système gangrène l’Italie du sud au nord. A Campanie, dans le sud-ouest, les autorités locales tirent la sonnette d’alarme ; la commune abriterait l'un des plus hauts taux au niveau national.

A cet effet, une réunion de haut niveau a été organisée ce mardi à Salerne. Le préfet de la ville, les représentants des principaux syndicats et les forces de police ont répondu présents, afin d’analyser cette problématique sous plusieurs optiques et dans le but d’en sortir avec un cahier de route pour lutter contre ce phénomène, indique le média local Stile TV.

Les discussions ont tout d’abord permis de délimiter la pleine de Piana del Sele comme étant celle où le phénomène est principalement présent dans la région. Les concernés sont principalement les immigrés, à savoir les Marocains, Indiens et Roumains, affirme-t-on de même source.

Le «caporalato» ou les décombres d’un système féodal

Afin de comprendre ce phénomène global, il est tout de même important de revenir sur ses origines qui remontent au XIXe siècle. Une publication d’Oxfam intitulée «Le Caporalato, forme d’esclavage de l’agriculture moderne» revient sur ce qui seraient les décombres d’un système féodal qui a repris de la vigueur avec le phénomène migratoire.  

En effet, ce système «renvoie à l’idée d’un intermédiaire entre le propriétaire foncier et les travailleurs des terres». Depuis, le caporalato est devenu «un système de recrutement criminel ayant pour objet l’exploitation de la main-d’œuvre de la partie la plus faible de la chaîne : les immigrés».

Le sociologue italien Marco Omizzolo explique dans une publication que le caporalato n’est pas un phénomène spécifique et marginal, mais fait partie «d’un modèle social que nous pouvons considérer comme vaste, complexe et transversal». Dans ce sens, l’inclusion des migrants dans le marché du travail italien se fait dans «des secteurs nécessitant une importante main d’œuvre non qualifiée, capable d’exercer des activités précaires, mal payées, lourdes, dangereuses et socialement pénalisées», poursuit-il.   

Les victimes de ce système sont principalement des hommes en provenance d’Afrique et d’Asie, affirme l’Italien, auteur de nombreux ouvrages sur l’exploitation des travailleurs étrangers, principalement dans les secteurs agricoles. Le même profil et abus sont rapportés par Oxfam :

«Les travailleurs sont payés à l’heure et travaillent 9, 10 ou 11 heures par jour. La journée commence à cinq heures du matin. Sur une paye de plus ou moins 25 euros, le caporal garde 2 euros sur 5. Les travailleurs sont obligés de lui payer une série de services qui devraient être gratuits tels que le transport aux champs, l’abri, souvent en ruines et délabré, l’eau potable ou encore l’équipement de travail, bottes et gants. En somme, il reste, aux immigrés, bien peu de l’argent gagné dans la journée.»

Oxfam

Une pratique qui s'adapte et s'organise

En outre, ce système s’associe et se nourrit d’autres formes de crimes organisés, à savoir les escroqueries, la substitution et le vol de documents, la traite des êtres humains, la réduction en esclavage et autres formes d’exploitation, note Oxfam.

A cela s’ajoute un cadre légal longtemps laxiste et qui n’a abordé l’exploitation des travailleurs qu’en 2011. Ce phénomène très ancré a depuis muté, ce qui nécessite un redoublement d’efforts ; tel a été le constat lors de la réunion tenue ce matin à Salerne. En effet, selon les syndicalistes présents, la structure de ce marché illégale est «de plus en plus articulée et organisée», échappant ainsi à toute forme de contrôle.

Afin de palier le phénomène, la revalorisation du marché légal a été exposée comme une des solutions qui pourrait être des plus probantes, en activant un système public plus rapide de rencontre entre la demande et l’offre de travail. Bien qu’elles ne soient pas décisives, les interventions répressives restent néanmoins nécessaires, affirme pour sa part le préfet de la ville.

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