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Interview

Crise libyenne : Le Maroc appelé à apporter plus de soutien au gouvernement El-Sarraj

L’opération militaire menée par le général Khalifa Haftar pour contrôler la capitale Tripoli a éclipsé la scène politique libyenne, alors que les acteurs libyens se préparaient à discuter de l’avenir du pays lors d’une Conférence nationale. Dans cette interview, Khaled al-Sharif, ancien haut responsable au ministère libyen de la Défense et leader sur le terrain au sein des forces militaires sous le contrôle du gouvernement d’entente nationale, revient pour Yabiladi sur la situation actuelle de la Libye et ce qu’attend cette dernière du Maroc.

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Des membres des forces liées au gouvernement d'entente nationale à Ain Zara, au sud de Tripoli, le 21 avril 2019./ Ph. Ahmed Jadallah - Reuters
Temps de lecture: 3'

Les milices du général Khalifa Haftar tente toujours de prendre le contrôle de la capitale Tripoli et mettre fin à l'action gouvernement d’entente nationale. Mais ce dernier résiste avec le concours de plusieurs milices qui tentent de repousser l’armée d'Haftar soutenu par les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, l'Égypte et plus discrètement par la France. Son opération militaire est un coup dur à l’accord de Skhirat, signé au Maroc le 17 décembre 2015 par les différents acteurs libyens.  

Dans cette interview, Khaled al-Sharif, ancien haut responsable au ministère libyen de la Défense et un des leaders des forces militaires sous le contrôle du gouvernement d’entente nationale nous dresse un bilan de la situation actuelle.

Yabiladi : Quelle est la situation actuelle de la capitale Tripoli qui a presque été assiégée par les forces du général Haftar avant qu’elles ne soient repoussées ?

La bataille se poursuit pour défendre Tripoli. Le gouvernement d’entente nationale, dirigé par Fayez Al-Sarraj, a repris à nouveau certaines positions. Aujourd'hui, des progrès ont été réalisés sur le front de l'aéroport de Tripoli et les combats continuent afin d’expulser les forces du général Haftar de la région occidentale. Globalement, ils ont commencé à se retirer et de nombreux sites ont été récupérés.

Mais il faut souligner qu’il y a une grande différence entre les armes détenues par le gouvernement d’entente nationale et ceux de Khalifa Haftar. Les notres sont en grande partie héritées de l'ancien régime alors que Haftar utilise des armes modernes en provenance des Emirats arabes unis et des technologies de pointe, comme les avions sans pilote. Cette nette différence est reflétée dans les images publiées par la presse depuis les champs de bataille.

L’opération militaire du général Khalifa Haftar marque-t-elle, selon vous, la fin de l'Accord de Skhirat ?

Bien sûr. Je pense que l’option a été réglée car il devait y avoir une Conférence nationale réunissant les Libyens. Mais Haftar a profité de l’approche imminente de ce rendez-vous important pour lancer l’attaque contre la capitale Tripoli, visant ainsi des civils par des tirs de roquettes. Actuellement, je pense que le dialogue politique n’a plus de place.

Khaled al-Sharif, ancien responsable du ministère libyen de la Défense. / Ph. DRKhaled al-Sharif, ancien haut responsable au ministère libyen de la Défense. / Ph. DR

Plusieurs informations circulent quant aux pays qui soutiennent Haftar. Selon vos informations, qui soutient ce général et qui soutient toujours le gouvernement El-Sarraj ?

Les pays qui soutiennent Haftar sont connus. Il s’agit des Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, la République d'Égypte et la France. Ces pays lui fournissent un soutien direct. Pour le gouvernement d’entente nationale, personne ne le soutient.

Imaginez que nous sommes actuellement sur le champ de bataille et nous ne disposons d'aucune sorte d'armes modernes. Si le Qatar et la Turquie soutiennent le gouvernement El-Sarraj, qui est considéré comme un gouvernement légitime, c'est uniquement sur le plan politique, contrairement aux pays soutenant l’autre partie.

En ce qui concerne les deux pays voisins, à savoir la Tunisie et l’Algérie, ils soutiennent l’Accord de Skhirat et les solutions pacifiques. Aucun des deux n’interfère avec une partie ou une autre, que ce soit de façon directe ou indirecte. Ils cherchent eux aussi à ce que les Libyens parviennent à une solution politique.

Pensez-vous que la communauté internationale a abandonné le gouvernement El-Sarraj qu’elle a pourtant, elle-même, reconnu ?

Malheureusement, la communauté internationale sympathise avec Khalifa Haftar. Lors de la signature de l'Accord de Skhirat, il a été déclaré que quiconque violerait cet accord serait passible de sanctions internationales. Seulement, Haftar et le gouvernement d’Abdallah al-Thani, qui le représente à Tobrouk, ne respectent pas cet accord, ne reconnaissent pas le gouvernement El-Sarraj et continuent l'escalade militaire, d’abord dans la partie Orientale puis le Sud et actuellement aux portes de la capitale.

La communauté internationale n'a pas daigné bouger, bien que ledit texte prévoit l'imposition de sanctions aux contrevenants à l'Accord et la partie qui continue de le violer n’a toujours pas été sanctionnée.

Comment voyez-vous au sein du gouvernement d’entente nationale la position marocaine quant à ce qui se passe en Libye ?

Nous gardons espoir à ce que le Maroc joue un rôle plus important et plus actif, surtout que nos deux pays sont membres de l'Union du Maghreb arabe et que les relations et les liens sont forts. Nous espérons une plus grande présence du gouvernement marocain. Nous notons que l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite jouent un rôle négatif dans la crise libyenne mais nous espérons que le Royaume jouera un rôle positif plus important, d’autant plus que l’Accord de Skhirat est étroitement lié au Maroc.

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