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Grand Angle

France : Menacés d’expulsion de leur logement, les chibanis face à une nouvelle chape de plomb

Plusieurs retraités maghrébins ont été menacés d’être expulsés de leur logement social au motif qu’ils y sont présents moins de huit mois par an. Des responsables associatifs dénoncent une double peine.

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Photo d'illustration. / DR
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C’est désormais un autre front de bataille qui s’ouvre pour les chibanis de France. Mohamed Ragoubi, vice-président de l’Alternative pour des projets urbains ici et à l’international (APPUII), a fait parvenir à notre rédaction un courrier d'un bailleur social en Ile-de-France, adressé à un chibani.

En date du 27 mars dernier, la lettre énonce qu’en tant que titulaire du bail d’un appartement situé à Trappes, dans les Yvelines, le locataire «[doit] occuper ce logement au moins huit mois dans l’année civile». Et d’ajouter : «Nous constatons que cette condition n’a pas été remplie sur 2018 et qu’à ce jour vous n’avez toujours pas non plus occupé le logement sur 2019.» Le destinataire est prié de «justifier [sa] présence au logement depuis le 1er janvier 2018» ou de résilier son contrat. «A défaut de preuves ou de préavis déposé dans les 8 jours, une procédure d’expulsion dont vous aurez à supporter les frais sera engagée à votre encontre», conclut le bailleur.

«Ça devient récurrent depuis quelque temps. Les bailleurs sociaux se transforment en police judiciaire. C’est une double peine pour les chibanis», dénonce Mohamed Ragoubi. En effet, si ces derniers restent plus de six mois et un jour dans leur pays natal, notamment le Maroc, ils se voient privés de la sécurité sociale française alors même qu’ils ont cotisé pendant des décennies pour en bénéficier. Nouveau coup dur : ils sont désormais susceptibles d’être privés de leur logement s’ils ne l’occupent pas pendant au moins huit mois, en plus, donc, de leur couverture santé. «Leur famille est ailleurs. Que voulez-vous qu’ils fassent seuls en France pendant huit mois ?», interroge Mohamed Ragoubi.

Un «dialogue» à engager avec les bailleurs sociaux

Ce n’est pas la première fois que ce responsable associatif est confronté à la problématique du logement chez les chibanis, véritable chape de plomb pour ces retraités qui n’ont d’autres souhaits que de venir couler des jours tranquilles dans leur pays natal. Entre 2012 et 2014, dans le quartier de la Coudraie, à Poissy (Yvelines), il était parvenu à empêcher l’expulsion d’une dizaine de chibanis après d’âpres négociations avec les bailleurs, qui avaient finalement accepté de les reloger.  

«La majeure partie des chibanis revient, notamment au Maroc, moins de six mois seulement pour continuer à bénéficier de leur sécurité sociale. On ne demande pas qu’ils soient privilégiés par rapport aux retraités de nationalité française ; on réclame seulement la fin de cette distorsion de droit», revendique Salem Fkire, président de l’association Cap Sud MRE.

De son côté, Hind Saoud, collaboratrice du député LREM Mustapha Laabid, reconnaît que le volet relatif au logement n’a pas été abordé avec le gouvernement, a contrario de celui sur la sécurité sociale. «Les bailleurs sociaux, au vu des listes d’attente interminables, imposent cette condition de résidence (d’occuper le logement au moins huit mois dans l’année civile, ndlr). C’est un dialogue qu’il faut engager avec eux afin de voir quelles possibilités peuvent être offertes» aux chibanis, ajoute Hind Saoud. «Cette problématique est différente de celle sur la sécurité sociale ; on ne peut pas les mettre au même niveau», estime la collaboratrice parlementaire.

Une attente qui se fait longue

Et même sur le front de la sécurité sociale, le combat n’est pas terminé. Le 28 novembre dernier, un amendement avait été adopté lors du vote, à l’Assemblée nationale, du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2019. «Dans l’amendement, nous avons fait en sorte que les chibanis puissent partir et revenir sans condition de résidence. Il suffit tout simplement qu’ils présentent un simple visa Schengen, une carte de séjour ou une carte de retraité. Cette dernière était conditionnée par beaucoup de restrictions concernant la couverture de la sécurité sociale. Ces restrictions vont être supprimées», nous avait expliqué Salem Fkire au lendemain du vote de cet amendement.

«Lors d’une rencontre que nous avions tenue le 13 novembre 2018 au ministère des Solidarités et de la santé, en présence de plusieurs responsables de la Sécurité sociale, il nous avait été promis que cette situation serait résolue en janvier 2019», précise aujourd’hui Salem Fkire. Or, près de quatre mois plus tard, chibanis et militants associatifs attendent toujours la concrétisation de cet amendement.  

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