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Grand Angle

Sahara occidental : Les différentes lectures des déclarations d'Ould Abdel Aziz  

Si Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud les considèrent comme des propos qui «affectent la crédibilité» du Polisario devant les Sahraouis, Mahjoub Salek considère que les déclarations du président mauritanien Ould Abdel Aziz sont une «vérité que le Polisario tente de cacher». En attendant, les relais médiatiques du mouvement de Brahim Ghali tentent déjà d’y apporter une deuxième lecture.

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Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a confié cette semaine que «l’Occident, les Etats-Unis et l'Europe ne veulent pas d’un Etat séparant géographiquement la Mauritanie et le Maroc» . / Ph. DR
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En rappelant que «l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe ne veulent pas d’un Etat séparant géographiquement la Mauritanie et le Maroc» lors d’une interview accordée au journaliste palestinien Abdel Bari Atwan, le président mauritanien ne manque pas de créer la divergence. En effet, ses propos, qui rappellent une déclaration faite en 2008 par Peter van Walsum, alors envoyé de l’ONU pour le Sahara occidental, sont décryptés différemment.

Pour Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, l’ancien inspecteur général de la police du Front Polisario et revenant des camps de Tindouf installé en Mauritanie, «l’information n’est pas nouvelle». «La majorité des envoyés spéciaux de l’ONU pour le Sahara avaient reconnu l’impossibilité d’établir un Etat au Sahara dès la fin de leurs mandats», nous confie-t-il ce jeudi.

Des propos qui «affectent aussi la crédibilité» du Polisario devant les Sahraouis 

Quant au timing, Mustapha Salma indique que «le moment choisi pour cette déclaration intervient alors que les dirigeants du Front font l’écho d’une position américaine en leur faveur».

«Mais la situation de l’Algérie et le flou entourant le futur pouvoir qui ne diffèrerait pas de l’actuel, notamment concernant la politique étrangère, et le fait que ces propos soient tenus par le président d’un Etat concerné par le différend et ayant participé à tous les rounds de pourparlers directs et indirects, envoient un message négatif au front interne du Polisario et l’affaiblit davantage.»

Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud

Pour le Sahraoui exilé en Mauritanie, les propos d’Ould Abdel Aziz «affectent aussi la crédibilité des dirigeants du Front devant la rue sahraouie à qui ils promettent des mensonges».

A la question de savoir si la sortie médiatique du président mauritanien affectera les relations entre son pays et le Front Polisario, Mustapha Salma rappelle que la Mauritanie reconnaît la pseudo «RASD» depuis 1984, «bien que cette reconnaissance formelle n’ait pas changé la neutralité de Nouakchott».

«Il n’y a aucune raison que ces propos irritent le Polisario, car à mon avis, ils interviennent dans le contexte d’un débat public en tant que témoignage de l’histoire d’un homme qui se prépare à faire ses adieux à la présidence», conclut-il.

Une «vérité que le Polisario tente de cacher»

Pour sa part, Mahjoub Salek, membre-fondateur du Polisario, à l’origine de Khat Achahid, affirme que les déclarations d’Ould Abdel Aziz sont «une réalité». «Personne n’acceptera la création d’un nouvel État au Maghreb arabe, qui devrait isoler le Maroc de sa profondeur africaine», ajoute-t-il, estimant que «cela n’existe que dans l’imagination de ceux qui rêvent encore des slogans des années 1970». «L’Etat n’existe que pour ceux qui l’ont imaginé à Rabouni», enchaîne-t-il.

«Nous espérons que la situation actuelle en Algérie nous donne de nouveaux dirigeants sages, qui réfléchiront à l’intérêt du Maghreb et appelleront le Polisario à engager un dialogue sérieux avec le Maroc afin de permettre aux Sahraouis de gérer leurs affaires dans le cadre du Plan d’autonomie et mettre ainsi fin à la souffrance des familles dispersées depuis 45 ans.»

Mahjoub Salek

Pour le fondateur de Khat Achahid, «Ould Abdel Aziz n’a fait que dire la vérité que le Polisario tente de cacher à la population des camps». «Le président mauritanien avait déjà confié cette information à un responsable sahraoui en visite à Nouakchott», déclare-t-il.

L’autre décryptage du Polisario des propos d’Ould Abdel Aziz

Mahjoub Salek dit enfin espérer que «le Hirak sahraoui dans les camps pour la liberté de mouvement, organisé actuellement à Tindouf, se transforme en un Hirak politique pour pousser la direction du Polisario à abandonner ses rêves et faire face à la réalité».

En attendant que le Polisario réagisse aux propos du président mauritanien, ses relais médiatiques tentent d’ores et déjà d’interpréter les affirmations d’Ould Abdel Aziz de façon à servir les thèses séparatistes. Ainsi, prétendant que le président mauritanien ne reconnaît pas «la souveraineté du Maroc sur le Sahara», le «Réseau médiatique El Guerguerate» a affirmé ce jeudi que Mohamed Ould Abdel «pointe du doigt ceux qui entravent et empêchent le peuple sahraoui d’exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance».

La page Facebook saisit l’occasion pour tirer à boulets rouges sur le Maroc, la France, l’Espagne et l’Union européenne, qu’elle accuse de faire «obstruction au référendum d’autodétermination», critiquant «leurs tentatives de confiscation des droits du peuple sahraoui à la liberté et à la souveraineté prolongeant le conflit». L’occasion de comparer la situation à celle de la Namibie, à l’Angola, au Mozambique, à la Guinée Bissau, aux îles du Cap-Vert et à Sao Tomé-et-Principe, que «ces mêmes Etats (l’Occident, les Etats-Unis et l’Europe, ndlr) avaient empêché d’accéder à l’indépendance». «Mais le résultat est connu», conclut la page pro-Polisario.

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