Vous avez entendu un pétard exploser à proximité ? L’avalanche de jouets à tous les coins de rue vous inquiète-t-elle ? Pas de panique, tout cela est normal : nous sommes à quelques jours seulement de la fête d’Achoura. A quelques détails près, on peut dire qu’Achoura est notre noël national. Peut être aussi un peu halloween. Noël parce qu’il y a échange de cadeaux. Et Halloween pour le côté effrayant, mais diablement excitant, du feu de camp et lancer de pétards, mais aussi pour la collecte de bonbons et de fakia (fruits secs) en faisant du porte à porte. En d’autres termes, la fête la plus attendue par les petits.
Du pistolet en plastique à l’I-pod
Le dix Muharram de chaque année, les enfants sont pris par une sorte d’excitation incroyable : c’est seulement ce jour là que les garçons peuvent jouer à la guerre avec des vrais pétards, effrayer les passantes et rire à leurs cris, et le soir venu, ils allument un grand feu de camp à même le bitume. Les filles ne sont pas en reste, elles se baladent en tapant dans leurs petits tambours, taârija et autre instruments de percussions à peau, et dansent autour du feu.
Ils ont tous eu des cadeaux également. Hormis les classiques poupées, instruments de musique et pistolets, aujourd’hui, l’heure est aux jeux vidéo, et aux gadgets high-tech. «L’année dernière, ma fille qui n’a que 10 ans, me demandait un i-pod. Je ne sais pas ce que ça va être à 14 ans. Après on s’étonne que les parents veuillent marier rapidement leur fille : ça coûte cher les enfants aujourd’hui», plaisante Ouarda, mère de deux enfants, qui garde de beaux souvenirs d’Achoura quand elle était elle-même enfant. «A l’époque, on achetait des petits tagines et brasero avec les copines. Chacune ramenait quelque chose de chez elle : une patate, un oignon, du charbon, des épices…etc. et on faisait un tagine dehors, en pleine rue. Nos parents ne s’inquiétaient pas pour nous, ils ne se demandaient même si on avait mangé ou pas. Ils savaient qu’on s’amusait comme des folles».
Et vous, quel est votre meilleur souvenir d’Achoura ?
Ranya, quant à elle, se rappelle plutôt des contes que sa grand-mère leur racontait ce jour là. «Ma grand-mère, avait l'habitude de nous réunir ce jour là. Elle nous offrait à mes cousins et à moi plein de jouets. Souvent des poupées pour les filles et des voitures ou avions à manier pour les garçons. Ensuite, autour d’un thé, de bons msemen, elle nous racontait son enfance, ou encore l’histoire de la petite «Hayna» ou «Hdidane lHrami».». Ce qui a marqué Mehdi, ingénieur télécom, c’est plutôt un mauvais souvenir. «C’est l’année où l’usine de jouets à côté de chez moi a brulé tout l’immeuble. Naturellement, nos parents ont prétexté ça pour zapper les cadeaux. On a du se contenter des pétards avec mon frère», raconte-t-il. Pour sa part, Adiba, étudiante en communication, glousse encore en se souvenant de l’année où elle a failli mettre le feu à la maison. «J’avais eu pour Achoura une cuisine en plastique. Je voulais faire la surprise à ma mère en préparant un cake. J’ai tout mélangé dans mes pots en plastique, et mis dans le four. L’odeur du brûlé empestait dans tout le bâtiment», raconte-t-elle, non sans fierté.
Et les enfants malades ?
A l’hôpital Avicenne de Rabat, 300 enfants malades ou handicapés se souviendront, eux aussi, dans quelques années, du jour où de purs inconnus ont débarqué à l’hôpital avec une horde de cadeaux. Le BDE de l’université Souissi de Rabat organise une collecte de dons en espèce ou en nature afin d’égayer la journée des ces petits malades. Les présents souhaités vont des ballons gonflables et bijoux fantaisie, aux gâteaux et fakia, en passant par les vêtements, couches et lait de croissance. Le lendemain d’achoura, qui coïncide avec le 6 décembre, les membres du BDE ainsi que toute personne souhaitant participer à l’organisation de cette journée, se rendront à l’hôpital Souissi pour remettre les cadeaux aux enfants. Achoura n’est-elle pas la fête de l’enfance et du partage ? L'occasion est tentante pour offrir un sourire aujourd'hui et un souvenir pour plus tard à ces enfants malades.