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Grand Angle

Histoire : Les relations pluricentenaires entre le Maroc et le Saint-Siège

Le pape François sera le deuxième pape à se rendre au Maroc après le déplacement, dans le royaume, de Jean Paul II en 1985. Une visite de haut niveau qui fait écho aux relations pluricentenaires entretenues entres les hauts représentants de l’Eglise catholique et les sultans marocains.

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Photo d'illustration. / Ph.DR
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La visite du pape François, 266e de cet ordre, au Maroc relève des relations pérennes et constantes entre le Saint-Siège et le royaume. Bien que les premières visites officielles ne se font qu’à l’aube du XXIème siècle, des correspondances entre le Saint-Siège et le Maroc remontent au XIIIe voire XIIe siècle.

Ces premiers contacts furent marqués par un contexte très tendu, débouchant sur plusieurs évènements non négligeables. A l’époque, les musulmans détenaient le pouvoir sur la péninsule ibérique, alors que l’Eglise catholique rêvait de reprendre cette «terre chrétienne». En attendant, elle tentait de vennir en aide aux chrétiens de la péninsule.

Ainsi, en 1192, Célestin III, en réponse à la requête des chrétiens demeurant dans certaines «cités des Sarrasins d’Espagne», demanda à l’archevêque de Tolède d’envoyer un prêtre bilingue latin-arabe pour réconforter les fidèles du Christ qui vivaient «au Maroc, à Séville et dans (d’autres) villes des Sarrasins», rapporte-t-on dans «Les Papes et le Maghreb aux XIIIème et XIVème siècles. Etudes des lettres pontificales de 1119 à 1419».

«Des relations constantes et inévitables»

Son successeur, Innocent III, considéré comme l’un des plus grands papes du Moyen Âge, «maintenait des relations constantes et inévitables avec ce qu’on appelle aussi l’autre monde», s'étalant du moyen Orient jusqu’à l’Afrique du Nord, note l’ouvrage. Celui qui fut le 176e pape s’adressa directement «au Miramolin (commandeur des croyants), roi de Marrakech». Sa mission, dans un contexte où la conquête musulmane était sans frein, était de «s’adresser aux infidèles, [et] d’être la liaison entre la Chrétienté (terme lexicale, fruit de la confrontation du christianisme latin avec l’Islam) et les infidèles».

Illustration d'une confrontation entre chrétiens et musulmans. / Ph. DRIllustration d'une confrontation entre chrétiens et musulmans. / Ph. DR

Les dirigeants épiscopaux se souciaient du sort des chrétiens dans le royaume et leurs inquiétudes grandissaient lorsqu’ils furent informés de l’incarcération et la conversion de plusieurs chrétiens installés au Maroc. Ils décident alors d’envoyer des intermédiaires, qui furent «bien souvent des religieux issus d’ordres nouveaux, voués au soin des prisonniers ou à la prédication notamment aux infidèles», poursuit-on de même source.

Cependant, l’ordre épiscopale n’était pas hiérarchisé et les différents papes qui se succèdent, passaient par l’intermédiaire d’un archevêque à Marrakech ou Fès. Ce n’est que des années plus tard que des demandes furent formulées par Honorius III. Il écrit en 1219 au sultan almohade, «Albyacole Miramolino, ainsi qu’il le nomme, afin que ses fidèles puissent vivre au Maroc selon la loi chrétienne».

L’archevêque de Marrakech, un rouage essentiel pour le Saint-Siège

Prêcher l’évangile auprès des sultans et de leurs sujets avait toujours été un projet abordé par les pontifes, souligne-t-on. C’est sous Honorius III qu’un des faits les plus marquants s'était produit. Vers 1213, cinq hommes partirent en mission pour «prêcher l’évangile du Christ au Miramolin et à son peuple». Le triste sort des frères fera d’eux les premiers martyrs de l'Ordre des Franciscains, exécutés par le sultan Yusuf al-Mustansir en personne le 16 janvier 1220.  

De l’autre côté de la Méditerranée, les chrétiens obtiennent le droit de bâtir une église en 1228, après la concession aux musulmans d’une troupe de mercenaires chrétiens. Au Maroc, Honorius III parvint à bâtir un évêché (la plus petite communauté qui puisse être appelée «Église») et établir un siège épiscopale au Maroc. Le siège sera «occupé principalement par des frères mendiants et ses deux priorités sont la défense des chrétiens qui demeurent outre-mer, dans ce royaume, et l’expansion du christianisme», rapporte Clara Maillard dans «Autorité pontificale et hiérarchies ecclésiastiques des chrétiens au Maghreb».

«Cet évêché a été fondé, de manière pragmatique et non symbolique, dans une ville musulmane depuis sa fondation, Marrakech, pour servir en premier lieu les mercenaires chrétiens installés dans cette cité.»

Clara Maillard

L’évêque de Marrakech était un rouage important pour le Saint-Siège et «apparaît être l’instrument privilégié du projet apostolique», souligne Clara Maillard. C’est dans ce contexte et bien avant l’expédition de Louis IX contre Tunis en 1270, que le Maroc était visé par une croisade. En effet, les papes était au courant et «soutenaient simplement» divers «projets de guerre de conquête en Ifriqiya (Tunisie actuelle) et au Maghrib al-Aqsa (Maroc)». Ils iront jusqu’à soutenir «les expéditions d’Alphonse X de Castille contre Salé (1260)», qui fut le plus grand massacre de l’histoire de la ville jumelle de Rabat, bien que le mérinides en sortent, deux semaines plus tard, vainqueurs.

Des années après, les négociations entre le roi espagnol Jaime Ier et le Maroc pour la reconquête de Ceuta, qui était entre les mains des Portugais, permettra la création de plusieurs églises, comme sollicité par le roi d’Espagne. Le Pape Nicolas IV réengagera les échanges avec le Maroc. Depuis lors, «les évêques furent les représentants du pouvoir pontifical en Afrique et l’évêché de Marrakech fut un cadre ecclésiastique réel pour les chrétiens du Maghreb al-Aqsā», conclut Clara Maillard.

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